La surveillance de l’espace, un enjeu “crucial” pour la start-up Look Up Space

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Débris spatiaux par milliers, prolifération des constellations et d’engins un peu trop curieux s’approchant de certains satellites: la surveillance de l’espace est un enjeu “crucial” pour son exploitation durable, estime Michel Friedling, ancien commandant de l’espace français et fondateur de Look Up Space.

La start-up, créée l’été dernier, compte bien devenir “un des leaders mondiaux de la surveillance de l’espace et de la sécurité des activités en orbite”, affiche le général Friedling dans un entretien à l’AFP. Son cofondateur, l’ancien chef du service de surveillance de l’espace au Cnes Juan Dolado Perez, “maîtrise les enjeux liés aux risques posés par les débris”.

Michel Friedling a, lui, pu observer comme premier patron de la “Space force” française “l’émergence des menaces orbitales et des comportements irresponsables”. “Aujourd’hui, voler en orbite c’est rouler en aveugle à contresens sur l’autoroute”, explique-t-il. “L’un comme l’autre dans notre parcours, on a été frappés par la montée en puissance de ces risques et menaces.”

L’agence spatiale européenne (ESA) dénombre 36.000 débris de plus de 10 centimètres et un million de plus d’un centimètre qui orbitent à 28.000 km/h autour de la Terre. Sept fois la vitesse d’une balle de fusil. Et le nombre de satellites lancés ne cesse de grimper, poussé par l’essor des constellations de satellites de communication ou d’observation.

“Quand j’ai pris mes fonctions en 2018, il y avait 1.800 satellites actifs en orbite basse, quand je les ai quittées en 2022 il y en avait 6.000, dont 2.000 mis en orbite dans les six premiers mois de l’année”, relate-t-il, “et on en attend des dizaines de milliers avant la fin de la décennie”. Cela engendre “déjà des dizaines de milliers d’alertes collision par an”, conduisant à des manœuvres d’évitement, altérant la durée de vie du satellite.

Il faut également tenir à l’œil les objets spatiaux venant harceler des satellites stratégiques, un sujet d’inquiétude croissant dans un contexte d'”arsenalisation” de l’espace. En 2020, le satellite russe Cosmos 2542 s’était ainsi approché d’un satellite espion américain KH-11. Trois ans plus tôt, Paris avait révélé qu’un autre satellite fouineur russe, Louch-Olymp, était venu “butiner” à proximité du satellite militaire franco-italien Athena-Fidus.

Des trous dans le catalogue

Pour surveiller l’espace, l’armée française dispose en propre de son radar GRAVES, qui ne permet de voir que les objets de plusieurs dizaines de centimètres et “lorsqu’ils passent au-dessus”. Elle a également accès aux huit télescopes GeoTracker d’Arianegroup; aux données de radiofréquences émises par les satellites collectées par Safran; ainsi qu’au catalogue américain de suivi des objets en orbite, qui omet certains satellites américains sensibles.

Si “la technologie optique offre des choses intéressantes”, “vous ne faites pas le contrôle du trafic aérien avec des jumelles et des télescopes, vous le faites avec le radar”, plaide-t-il.

Avec son réseau de sept radars d’ici à 2030, tous implantés en métropole ou dans les territoires d’outre-mer permettant de couvrir tout le ciel en permanence, Look Up Space entend donc fournir une “architecture complémentaire” aux moyens de l’État et vendre ses services dès 2024 aux acteurs publics comme aux opérateurs privés.

L’entreprise, “fortement soutenue” par les pouvoirs publics, compte bien avec la levée de fonds en cours auprès des fonds Cosmicapital et Expansion, être en passe de réunir les 14 millions d’euros nécessaires pour déployer fin 2024 un premier radar de surveillance de l’espace, son architecture numérique et les briques logicielles. “La technologie radar est la seule solution qui permet d’avoir une surveillance permanente, capable de détecter des objets de quelques centimètres et de calculer avec précision des trajectoires de collisions possibles”, argue Michel Friedling.

Look Up Space n’est pas le premier sur le marché, l’américain LeoLabs, avec ses dix radars opérationnels, a “une longueur d’avance”, concède-t-il, et le ministère français des Armées est “en train de négocier des achats de service auprès de LeoLabs”.

Dans l’attente d’une solution française souveraine? Michel Friedling en est convaincu: “c’est une tendance assez lourde, aujourd’hui la politique au niveau français et européen, c’est de favoriser l’émergence d’un secteur commercial en soutien de l’action publique et répondant à des besoins que l’action publique ne peut satisfaire”.

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