Initiatives à impact: après les PC dans les écoles, des places dans les crèches

Philippe Van Ophem et Daniel Verougstraete: "Nous avons une ­approche totalement désintéressée et voulons simplement avoir un impact positif sur la question des places d’accueil."

En créant l’ASBL Impactoo, deux anciens entrepreneurs de la tech se lancent à l’assaut de différentes problématiques sociétales. Leur dernier projet, EducIT, avait fait revoir la manière dont la Fédération Wallonie-Bruxelles déployait le digital dans les classes. Désormais, ils comptent soutenir la création de places dans les crèches… avant, peut-être, d’imaginer d’autres initiatives à impact.

Repenser la problématique des places dans les crèches en observant les choses de l’extérieur et sans être du milieu : voilà le pari osé de deux anciens entrepreneurs de la tech, Daniel Verougstraete et Philippe Van Ophem, qui lancent l’initiative BB Welcome pour apporter des solutions au manque criant de places d’accueil des tout-petits en Belgique francophone. “C’est une problématique qui n’est pas assez mise en avant alors que ce secteur est véritablement en souffrance, commente le duo. De nombreuses structures d’accueil font faillite, or les besoins sont colossaux. Pour atteindre le bon taux de couverture, il faudrait créer 14.200 places en Belgique francophone alors que depuis 2019, on ne cesse d’en perdre.”

Ce problème, le duo l’a étudié en profondeur pendant plusieurs mois. Et il pense avoir trouvé une manière de le résoudre. “Ce que l’on constate, détaille Philippe Van Ophem, c’est une croissance du nombre de places dans les structures subventionnées mais une perte importante dans les crèches non subventionnées, qui ont beaucoup de mal à tenir le coup.”

Après avoir réalisé un tour du secteur et une analyse complète des chiffres des structures subventionnées et non subventionnées, le duo calcule qu’une place dans une structure non subventionnée rapporte 10.000 euros en moyenne à l’établissement… contre 22.000 dans les crèches communales, en tenant compte de la subvention ONE, de la participation barémique des parents et de la contribution de la commune. Le coût minimum de chaque place dans une crèche serait en moyenne de 14.500 euros, rendant la situation des structures non subventionnées peu tenable.

Sauver les crèches existantes

Leur vision ? “Sauver ces établissements, insistent en chœur Philippe Van Ophem et Daniel Verougstraete. Ils sont un élément important de la solution car ni la Fédération Wallonie- Bruxelles, ni les communes n’ont à elles seules les moyens d’offrir un nombre suffisant de places en structures subventionnées.”

Pour cela, à l’issue de leur analyse, ils souhaitent arriver à rapporter jusqu’à 4.500 euros supplémentaires par an et par place dans ces structures indépendantes et 1.500 euros dans les structures subventionnées non communales. De l’argent qu’ils pensent pouvoir trouver en combinant différentes sources. “D’abord, toutes les crèches peuvent obtenir un subside de base mais la majorité des structures non subventionnées n’en bénéficient pas encore, soit qu’elles ne le savent pas, soit qu’elles pensent ne pas y avoir droit ou que cela leur semble compliqué et fastidieux. On veut commencer par les aider à l’obtenir puisque cet argent est disponible, via l’ONE. Cela ferait déjà environ 1.500 euros supplémentaires par place.”

Le duo a calculé qu’une place dans une crèche non subventionnée rapporte 10.000 euros 
en moyenne à l’établissement… contre 22.000 euros dans les crèches communales.

Ensuite, le duo se dit convaincu qu’il faut revoir l’approche des communes. “Aujourd’hui, elles concentrent leurs moyens sur les crèches de leur réseau, détaille Daniel Verougstraete. Or l’objectif des communes consiste à offrir plus de places d’accueil pour les bébés : pourquoi n’aideraient-elles pas aussi, de façon limitée, les crèches non communales pour les sauver et maintenir des places sur leur territoire ? Pour un coût moins élevé, elles augmenteraient le nombre de places tout en maintenant l’équilibre entre les différents types de structures. On pense judicieux de sauver le tissu existant et de créer les conditions structurelles pour permettre à d’autres de se lancer.” Il fallait y penser.

“N’étant pas des experts du secteur, notre souhait est d’arriver avec un regard neuf et extérieur qui apporte une vision différente”, reconnaissent les deux anciens entrepreneurs. Mais pas de prétention dans la démarche : “Nous avons rencontré beaucoup de gens impliqués et les avons approchés avec un discours ouvert aux remarques, glissent-ils. Nous avons, du reste, une approche totalement désintéressée et voulons simplement avoir un impact positif sur la question des places d’accueil.”

En effet, Daniel Verougstraete et Philippe Van Ophem mènent le projet au travers de l’ASBL Impactoo, qu’ils ont récemment créée et qui porte l’initiative BB Welcome.

Les bébés après les PC

Utopistes ? Doux rêveurs ? On pourrait le penser. Pourtant, les deux hommes peuvent s’appuyer sur la crédibilité d’une initiative similaire réussie dans un autre domaine : celui du numérique à l’école. Après plusieurs projets entrepreneuriaux à succès et quelques exits, Philippe Van Ophem et Daniel Verougstraete ont, en effet, mené à bien EducIT, qui avait pour objectif de promouvoir un usage pertinent et efficace du numérique en classe. Plutôt qu’équiper les classes de quelques armoires de matériel et laisser les profs se débrouiller, leur ASBL avait imaginé un modèle reposant sur l’équipement individuel des enfants du secondaire et sur la formation des professeurs aux meilleurs outils numériques pour soutenir leur pédagogie.

Malgré quelques réticences initiales, EducIT était parvenue, à coup de projets pilotes et de réussites sur le terrain, à séduire les directions d’école, les réseaux de l’enseignement ainsi que… les responsables de la Fédération Wallonie- Bruxelles. Celle-ci avait en effet décidé de reprendre le modèle d’équipement one to one (y compris son financement) imaginé par les entrepreneurs. Après cinq ans, EducIT a réussi à disparaître une fois son approche, éprouvée, validée par les autorités, et la possibilité de passer à l’échelle supérieure disponible. “Nous avions directement imaginé un modèle qui pouvait être systémique et être repris, se réjouit Daniel Verougstraete. Notre but était de montrer que notre vision fonctionnait et de la faire reprendre par le secteur lui-même. On considère que c’est la meilleure manière d’avoir de l’impact et de ne pas se limiter à quelques pilotes par-ci par-là.” Aujourd’hui, plus de 25.000 élèves dans plus de 100 écoles du secondaire sont équipés, et les chiffres ne cessent de grimper.

Les deux entrepreneurs à impact comptent bien arriver à de beaux résultats dans le domaine des crèches également. Comme pour EducIT, ils veulent démarrer par des projets pilotes dans cinq communes belges francophones puis faire valider l’approche par une évaluation indépendante. Les premiers contacts sont en cours avec des bourgmestres et des échevins, pour démarrer dès que possible. Mais Philippe Van Ophem et Daniel Verougstraete ont d’ores et déjà convaincu quelques mécènes, dont la Fondation Roi Baudouin et la Fondation Baillet Latour, qui soutiennent l’ASBL Impactoo. Celle-ci porte BB Welcome mais compte progressivement soutenir d’autres initiatives, à la manière d’un… start-up studio, qui pourrait intervenir sur des problématiques sociétales importantes.

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