Social Lab, l’irrésistible ascension belge

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Dédiée au marketing sur les réseaux sociaux, l’agence belge Social Lab fête ses 10 ans. Coup de projecteur sur une formidable “success-story” fondée par trois partenaires à Bruxelles et qui compte aujourd’hui 645 collaborateurs dans le monde.

Auraient-ils réussi ce pari s’ils n’avaient pas été Belges ? Dix ans après le lancement de Social Lab, les fondateurs de cette agence dédiée au marketing sur les réseaux sociaux se posent toujours la question. Pour l’instant, le plateau de leur balance subjective penche plutôt vers le non, mais ni Yves Baudechon ni Gilles Bindels n’oseraient être péremptoires. En soulevant cette interrogation, les deux complices expriment simplement leur conviction, sans jurer toutefois que le succès de Social Lab aurait été compromis s’ils avaient été Français, Néerlandais ou Américains.

Le Belge incarne une nationalité qui ne clive pas et qui ne crée pas de frustration, ose d’emblée Yves Baudechon. Nous ne sommes pas arrogants comme les Français, mais plutôt humbles. Nous ne sommes pas intimidants comme les Américains, mais plutôt réservés. Nous ne sommes pas méfiants comme les Néerlandais, mais plutôt ouverts à la nouveauté. Bref, il y a une espèce de profil belge qui fait que nous n’apparaissons pas d’emblée comme des gens menaçants aux yeux d’un interlocuteur étranger. Au contraire, celui-ci nous écoute sans a priori parce que nous sommes Belges, justement, et il nous fait confiance rapidement. Et ça, c’est très important pour le business.”

C’est parce qu’elle est née à Bruxelles que cette histoire a finalement réussi à s’imposer progressivement sur la scène internationale.

Dans la success-story qui enrobe Social Lab, cette question de la nationalité pourrait sembler anecdotique, voire complètement futile. Il n’en est rien. Car c’est parce qu’elle est née à Bruxelles que cette belle et belge histoire a finalement réussi à s’imposer progressivement sur la scène internationale.

Entrepreneurs dans l’âme

Flash-back. Nous sommes en 2010. Facebook et Twitter s’installent doucement dans les moeurs européennes et les annonceurs, intrigués, se demandent comment composer avec ce nouveau réseau qui bouscule les codes en vigueur. Yves Baudechon et Gilles Bindels ont déjà une expérience professionnelle commune avec un troisième partenaire, Cédric van Kan : ensemble, ils ont fondé la start-up The Push en 2000 et lancé la plateforme JustForYou.be spécialisée dans l’e-mail marketing. Leur société sera revendue deux ans plus tard à Skynet, filiale de Belgacom (devenue Proximus) où les “Solvay boys” Gilles Bindels et Cédric van Kan poursuivront leur carrière jusqu’en 2007. Durant cette période, Yves Baudechon assure, quant à lui, son rôle de CEO au sein de l’agence de pub DDB Belgium, mais le virus de l’entrepreneuriat le rattrape rapidement.

100 millions d’euros, les revenus annuels de l’entreprise, dont le géant Ogilvy possède 80% des parts.

Les trois complices se retrouvent alors pour lancer un nouveau projet qu’ils concrétisent avec un autre serial entrepreneur, Alexandre Saboundjian, fondateur de la société MusicMatic spécialisée dans l’animation musicale de points de vente. A quatre, ils lancent Radionomy, une plateforme spécialisée dans la création gratuite et personnalisée de webradios où un jeune diplômé de l’Ihecs, Benjamin Snyers, sera en charge du marketing. Le puzzle de Social Lab se met doucement en place.

Laboratoire de marques

Avec l’émergence des réseaux sociaux à la fin des années 2000, Yves Baudechon commence à donner des conférences aux professionnels de la pub et aux annonceurs. L’intérêt est manifeste et l’ancien patron de DDB Belgium nourrit alors l’idée de lancer une nouvelle agence spécialisée dans le marketing sur les réseaux sociaux. Avec son complice Gilles Bindels, ils décident de fonder ensemble Social Lab en septembre 2010 et convainquent Benjamin Snyers de se joindre à l’aventure. Le quatrième mousquetaire, Cédric van Kan, les suivra quelques mois plus tard pour endosser le costume de directeur financier. “Nous avons été les premiers en Belgique à expliquer et surtout à structurer l’offre disponible sur les réseaux sociaux auprès des annonceurs, se souvient Yves Baudechon. Nous venions avec des propositions concrètes pour des marques qui, à l’époque, ne savaient pas trop comment exister sur Facebook ou Twitter. D’où le nom Social Lab.”

Social Lab, l'irrésistible ascension belge
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Les débuts de la start-up sont fulgurants. Pour mieux s’implanter dans le marché, les trois associés squattent les bureaux de quelques agences médias, elles-mêmes reliées aux annonceurs. La première à faire confiance au trio est l’agence Initiative (groupe IPG Mediabrands), avant que Space et ZenithOptimedia ne lui emboîtent le pas. Très vite, les marques se montrent curieuses – Volkswagen devient leur premier client – et Social Lab décolle, profitant de l’épais carnet d’adresses de ces agences médias qui lui servent de caisse de résonance. En un an d’activité, la start-up a déjà recruté une vingtaine d’employés et poursuit fougueusement sur sa lancée, dopée par sa profitabilité.

Le tremplin Ogilvy

En 2012, Social Lab exporte déjà son savoir-faire sur les marchés néerlandais et français. Se pose alors la question d’un développement plus stratégique et, dans la foulée, des fonds nécessaires pour y parvenir. Deux options se présentent aux fondateurs : trouver un investisseur pour faire grandir l’agence en douceur ou s’adosser à un grand groupe pour bénéficier d’une structure existante et viser plus haut. Le deuxième scénario l’emporte : en 2013, le géant Ogilvy lui-même filiale du groupe WPP, numéro un mondial de la pub, achète 80% des parts de Social Lab aux partenaires belges qui restent malgré tout aux commandes de l’agence. Les termes de l’accord sont clairs : Ogilvy offre, au niveau mondial, ses infrastructures et son réseau de clients à Social Lab qui, en échange, devient le centre d’expertise d’Ogilvy pour la communication des marques sur les réseaux sociaux.

L’entreprise est à un tournant de son histoire. Ses fondateurs s’apprêtent à signer un nouveau deal avec le groupe WPP, propriétaire d’Ogilvy.

A l’époque, les deux structures sont réunies en Belgique dans le même bâtiment bruxellois mais restent malgré tout très cloisonnées. Il faudra la magic touch de Patou Nuytemans, chief digital officer EMEA d’Ogilvy, pour que Social Lab monte en puissance et prenne finalement les commandes de l’antenne belge devenue logiquement Ogilvy Social Lab Belgium en 2016. “Grâce à Patou, nous avons pu aussi rencontrer plusieurs managers d’Ogilvy sur différents marchés afin d’exporter notre modèle, confie Yves Baudechon. C’est comme ça que nous avons pu envoyer nos cadres belges, qui avaient vraiment l’ADN de la boîte, dans des villes comme Londres, Singapour, Dubaï ou Le Cap pour y implanter Social Lab. A New York, Benjamin Snyers a réussi à imposer l’offre de Social Lab grâce à IBM qui a été notre premier client là-bas. Aujourd’hui, Benjamin dirige une centaine d’employés aux Etats-Unis et, encore une fois, je pense que son profil belge a franchement contribué à cette réussite.”

Social Lab, l'irrésistible ascension belge
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Pris en exemple au sein du groupe WPP, Social Lab s’est construit une solide réputation grâce à son expertise digitale et surtout un portefeuille de clients qui, comme Nespresso, lui confient parfois la gestion de leurs réseaux sociaux à l’échelle mondiale. Parmi les plus prestigieux, l’agence belge compte ainsi des marques comme Chanel, Philips, Mattel, Lee, Axe ou encore la Commission européenne qui lui ont donné la délicate tâche d’assurer leur présence dans le paysage numérique.

Aujourd’hui, Social Lab est physiquement installée dans 11 pays à travers 14 bureaux qui comptent ensemble 645 collaborateurs. Ses revenus flirtent désormais avec les 100 millions d’euros annuels, mais le plus frappant dans cette success-story qui a tout juste 10 ans, c’est ce “modèle belge” qui a réussi à s’imposer à l’international avec un centre de décision resté à Bruxelles. “Lorsque Ogilvy a racheté la majorité de nos parts, c’était clairement pour intégrer Social Lab au sein de sa structure, commente le cofondateur Gilles Bindels. Mais, au final, c’est nous qui avons fini par gérer Ogilvy en Belgique… Depuis, nous avons repris la gestion d’Ogilvy Amsterdam, mais aussi celle des filiales en Pologne et en Suisse. Depuis septembre, Yves Baudechon fait également partie du board des agences Ogilvy en France et en Allemagne avec l’objectif d’accélérer leur transformation pour les ramener vers la croissance.”

Un deuxième “earn out”

Social Lab est à un tournant de son histoire. Aujourd’hui, les fondateurs détiennent toujours 20% des parts de l’agence belge, mais s’apprêtent à signer un nouveau deal avec le groupe WPP, propriétaire d’Ogilvy. “Il y a sept ans, nous avons vendu 80% d’une petite boîte, mais nous négocions à présent la vente des 20% de ce qui est devenu une grosse société, sourit Yves Baudechon. L’idée est de convertir notre actionnariat dans Social Lab en une participation dans six agences Ogilvy en Europe dont nous pourrons, de l’intérieur, accélérer activement la transformation. On se dirige donc vers un deuxième earn out (une clause d’indexation sur les bénéfices futurs qui avait déjà été enclenchée lors de la vente des premières parts, Ndlr) avec l’ambition de faire monter le périmètre de Social Lab à 165 millions de revenus à l’horizon 2024. ”

Les partenaires de Social Lab semblent confiants. En prenant les commandes opérationnelles de six agences Ogilvy en Europe, Cédric van Kan, Gilles Bindels et Yves Baudechon pensent pouvoir augmenter les revenus de ces différentes antennes de 30% à 40%. Ce sera désormais leur “deuxième job” comme ils disent, à côté du premier qui consiste toujours à faire grandir Social Lab à l’international en faisant partie des équipes que le groupe WPP met en place pour servir ses plus gros clients dans le monde.

D’entrepreneurs purs, nous sommes devenus de plus en plus des intrapreneurs, conclut Yves Baudechon. Nous voulons être ce qu’on appelle aujourd’hui des activist shareholders, c’est-à-dire des actionnaires qui utilisent leur part de capital pour challenger le management et donc aider Ogilvy à se structurer de manière optimale.” Bref, une espèce d’aiguillon, mais un aiguillon à la belge : humble, réservé et ouvert à la nouveauté.

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