Service aérien minimum: ces compagnies qui volent encore
Quelques compagnies aériennes, telles Air France ou Lufthansa, maintiennent, à perte souvent, des lignes régulières minimales. Pour garder un lien entre les villes et les continents. Jusqu’au redémarrage, sans doute en mai. A régime réduit.
Voyager de Bruxelles à Tokyo ? C’est encore possible au moment où nous clôturons cet article. Finnair relie Bruxelles à Helsinki, d’où part un avion pour Tokyo. Le site affiche un tarif de 1.320 euros pour un aller simple le vendredi 24 avril. A condition bien sûr de pouvoir entrer au Japon, ce qui est devenu fort difficile pour un habitant de l’UE. Ces vols s’adressent surtout aux nationaux japonais, résidents étrangers permanents et diplomates (1).
Alors que la plupart des compagnies européennes ont suspendu leurs vols réguliers et assurent uniquement des vols de rapatriement, quelques-unes maintiennent un service régulier minimum. C’est le cas de Lufthansa, Swiss, Finnair, Iberia, KLM, Alitalia et Air France. Une dizaine de compagnies continuent à relier Bruxelles. Le programme minimum est constamment modifié. Ainsi, Swiss avait conservé son vol Zurich-Bruxelles, puis l’a suspendu. En revanche, elle maintient trois fois par semaine un vol sur New York (Newark).
63 vols quotidiens sur 600 habituellement
” Il y a encore 63 vols quotidiens cette semaine ( juste avant Pâques, Ndlr), départs et arrivées confondus, précise Ihsane Chioua Lekhli, porte-parole de Brussels Airport. Habituellement, il y en a 600 par jour. Cela fait 1.500 passagers par jour contre 60.000 à 70.000 en temps normal. ” Les vols réguliers qui sont maintenus concernent un public très spécifique, ” beaucoup de diplomates, de voyageurs pour l’Otan ou la Commission européenne “.
” Toutefois, la plupart des voyageurs proviennent surtout des vols de rapatriement, poursuit la porte-parole. Les vols réguliers sont très limités car il y a beaucoup de restrictions d’accès dans les destinations. ”
Pourquoi certaines compagnies tiennent-elles à tout prix à conserver des vols ? Le CEO du groupe Lufthansa l’a expliqué à l’hebdomadaire Der Spiegel. ” Nous voulons continuer à relier les pays où nous sommes implantés à toutes les capitales européennes majeures et aux autres continents. Nous voulons conserver un minimum de connexions pendant la crise. C’est aussi dans l’intérêt de l’économie allemande car nous sommes un des premiers exportateurs et, je l’espère, nous le resterons après la crise. ”
Assurer une continuité territoriale
La compagnie Swiss, filiale de Lufthansa, tient quasi la même argumentation. Son programme jusqu’au 3 mai inclut 40 vols par semaine, dont un Zurich-New York et huit destinations européennes. ” Il est important pour nous d’assumer la responsabilité de cette situation exceptionnelle et, en dépit des difficultés grandissantes à opérer, d’assurer que la Suisse est reliée le mieux possible avec le monde “, indique Sonja Ptassek, porte-parole de la compagnie. Air France souhaite garder aussi une continuité territoriale en maintenant des vols vers Pointe-à-Pitre, Saint-Denis de La Réunion ou Cayenne.
Aux Etats-Unis, les autorités fédérales subordonnent le soutien financier public aux compagnies à un service minimum, dans le cadre du Coronavirus Aid, Relief, and Economic Security (Cares) Act voté par le Congrès et signé par le président Donald Trump.
La plupart, comme Brussels Airlines, filiale du groupe Lufthansa, préfèrent arrêter tous les vols réguliers, comme sa cousine Austrian. Jusqu’au 15 mai. ” Chaque compagnie a choisi en fonction de son marché, explique Wencke Lemmes, porte-parole de Brussels Airlines. Nous nous sommes décidés en fonction de différents paramètres comme les restrictions sur les destinations et les conseils du gouvernement. ”
Tout dépend de la situation géographique de chaque pays. La Belgique est bien connectée par voie terrestre avec les pays voisins, comme l’Eurostar sur Londres (un par jour actuellement). La Grèce maintient une ligne Athènes-Bruxelles, par Aegean, pour garder le contact avec les institutions européennes, alors que la compagnie a cessé toutes les autres liaisons internationales.
Des vols à perte
Ces vols réguliers ne sont pas de bonnes affaires pour les compagnies qui les opèrent, même si elles peuvent obtenir des tarifs plus élevés. Ils volent à perte, car pour conserver la distance ” sociale ” les passagers sont espacés par des sièges vides, et la demande n’est pas énorme. Ces pertes sont toutefois ” négligeables en comparaison de ce que nous perdons de toute manière car nous ne générons quasiment plus aucun revenu “, avait ajouté Carsten Spohr, le CEO de Lufthansa, à Der Spiegel.
Une batterie de mesures sont prises à l’embarquement et à bord. KLM indique que la température des passagers est mesurée pour les destinations comme Singapour et la Corée du Sud. A bord, le personnel naviguant porte des masques, une toilette leur est réservée pour qu’ils puissent à tout moment se laver les mains. Les avions sont désinfectés.
Même chose dans les aéroports. ” Nous avons mis des autocollants au sol pour que, dans les files, les passagers respectent la distance de sécurité “, précise Ihsane Chioua Lekhli. La consigne est répétée toutes les trois minutes dans les haut-parleurs de l’aérogare de Zaventem. ” Les passagers qui arrivent reçoivent une fiche d’information du gouvernement, les invitant à une quarantaine à domicile. ” L’aéroport lui-même reste ouvert, bien que 70% du personnel ait été mis au chômage temporaire. Il assure, lui aussi, une connectivité minimale à la Belgique. Sa partie cargo, elle, n’a jamais autant tourné, avec 70 avions par jour.
(1) Pour connaître la situation des restrictions imposées par les pays pour leur accès, il est conseillé de consulter le site de l’Iata, l’association internationale des compagnies aérienne, qui est régulièrement mis à jour. www.iatatravelcentre.com
Le groupe Lufthansa ne l’a pas caché : sa taille va se réduire après la crise. Il prévoit une demande durablement réduite. Brussels Airlines, filiale du groupe allemand, n’échappera pas à cette cure forcée. La flotte totale du groupe compte 763 avions, dont 48 chez Brussels Airlines. ” Le groupe est clairement sérieux sur sa volonté de se réduire de 20% dans le futur “, ont indiqué au Financial Times des analystes de Bernstein.
” Nous sommes en train d’examiner les scénarios de reprise, indique Wencke Lemmes, porte-parole de la compagnie belge. Une fois que nous aurons terminé cette analyse, une discussion s’ouvrira avec les interlocuteurs sociaux. “
Brussels Airlines prévoit un retour des vols réguliers à partir du 15 mai, sur un mode réduit qui dépendra à la fois des restrictions d’accès aux pays et à la demande. Elle a déjà décidé de ne plus desservir Hanovre, Moscou, Valence, Billund, Séville, Bristol, Marrakech et Santorini jusqu’en mars 2021.
Le 7 avril, le groupe Lufthansa a annoncé la couleur en annonçant ” un premier package de restructuration “. Il va mettre fin à l’exploitation dans la flotte Lufthansa de 40 avions, parfois anciens ou trop grands, tels six Airbus A380, l’avion géant d’Airbus, cinq Boeing 747-400, six Airbus A340-600. Et met un coup d’arrêt à sa compagnie low cost Germanwings.
Le communiqué annonçant ces décisions ajoute que ” les programmes de restructuration lancés chez Austrian Airlines et Brussels Airlines seront intensifiés avec la crise du coronavirus. Entre autres choses, ces compagnies travaillent à la réduction de leurs flottes “.
Brussels Airlines, qui occupe 4.200 salariés, a entamé fin 2019 un plan pour améliorer sa rentabilité, appelé Reboot, basé sur des départs volontaires. Il n’excluait pas une réduction de la flotte et de l’offre. Cette question ouverte est devenue, avec la crise, une certitude. ” Toute la question est la vitesse à laquelle la demande évoluera. Ce n’est pas encore très clair. Certains parlent d’un retour à 100% du niveau de la demande de 2019 en 2023, d’autres, en 2025 “, avance Wencke Lemmes.
Cette accentuation du plan Reboot fera sans doute partie des discussions sur une aide des pouvoirs publics pour passer le cap de la crise.
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