Une clause de non-sollicitation de clientèle est-elle valable ?

La clause de non-sollicitation est celle par laquelle le travailleur s’interdit pendant et/ou après la rupture du contrat de travail de solliciter les clients, fournisseurs et employés de son (ex-)employeur. Elle est souvent assortie d’une interdiction de travailler ou de faire travailler ceux-ci.
Une telle clause n’est pas réglementée par la loi du 3 juillet 1978 concernant les contrats de travail. Dans la mesure où elle constitue une expression du devoir de loyauté du travailleur, une telle clause est selon moi valable tant qu’elle s’applique pendant la durée du contrat. Pour rappel, en tout état de cause le travailleur ne peut accomplir aucun acte contraire aux intérêts de son employeur.
Sa validité après la fin du contrat est, par contre, plus discutable. D’une part, parce que le débauchage est en soit licite et inhérent à la liberté de commerce et d’industrie instaurée par le décret d’Allarde du 2 mars 1791. Tant les clients que les travailleurs sont par principe “chasse libre”. D’autre part, parce que la loi sur les contrats de travail n’emporte que l’interdiction de faire une concurrence “déloyale” et détermine strictement les conditions de validité d’une clause de non-concurrence (limitation géographique, limitation dans le temps, contrepartie financière, intérêt).
Certains défendent dès lors que la clause de non-sollicitation n’étant pas interdite par la loi, elle serait par défaut autorisée. C’est oublier l’article 6 de la loi qui prévoit que toute disposition contraire à la loi et qui limite les droits ou aggrave les obligations du travailleur est nulle. Or la clause de non-sollicitation allant au-delà de ce que la clause de non-concurrence prévoit c’est-à-dire uniquement l’interdiction de travailler pour un concurrent, elle alourdit les obligations du travailleur.
Liberté de commerce
Dans un arrêt de 2022, la cour du travail de Mons a jugé qu’une telle clause qui n’était pas limitée dans le temps, ni géographiquement et qui ne prévoyait pas de compensation financière était nulle car portant atteinte de manière disproportionnée à la liberté de commerce. Ceci étant dit, la cour n’établit pas une interdiction de principe d’une telle clause. Qui pourrait par contre découler d’un arrêt du 22 septembre 2008 de la Cour de cassation dont la portée est cependant discutée. On verra parfois de telles clauses dans des conventions signées après la rupture, auquel cas l’employeur disposera de plus de liberté car l’article 6 de la loi ne joue pas.
Enfin, même si une telle clause était considérée comme valable, son application pourrait éventuellement être constitutive d’un abus de droit si celle-ci répondait uniquement à une volonté méchante ou en cas de disproportion flagrante entre le bénéfice qu’en retire son bénéficiaire et les conséquences pour l’autre partie.
En tout état de cause, on veillera à ne pas insérer la clause de débauchage dans la clause de non-concurrence sous peine d’invalider celle-ci, compte tenu de la définition stricte de la loi, et à en délimiter au mieux le champ d’application voire à prévoir, en cas d’application après la fin du contrat, une juste rétribution. Et on y ajoutera une clause pénale prévoyant une indemnisation forfaitaire en cas de violation.
Christophe Delmarcelle, associé fondateurCabinet DEL-Law,juge suppléant au tribunal du travail
Dossier| Conseils juridiques
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici