Roeland Van Dessel (CEO ad interim Partena Professional): “La conquête 
de la Flandre est en marche”

Partena Professional occupe depuis peu quatre étages du magnifique bâtiment Art déco situé à un jet de pierre de la gare Centrale à Bruxelles. © Olivier Pirard

Plus grande entreprise libérée du secteur privé en Belgique, Partena Professional vient d’intégrer un nouveau siège social près de la gare Centrale à Bruxelles. Un déménagement qui suit l’arrivée d’un nouveau CEO et le rachat d’Easypay, un groupe familial flamand.

Si Generali a cessé ses activités d’assurance en Belgique, la compagnie n’en demeure pas moins très présente chez nous. Via Europ Assistance, sa filiale spécialisée dans les assurances voyage, et son magnifique portefeuille immobilier. Generali vient ainsi de conclure la rénovation d’Aria, le magnifique bâtiment Art déco situé rue Ravenstein à un jet de pierre de la gare Centrale à Bruxelles. Les étages ont rapidement trouvé preneurs : deux pour Sodexo Belgique, quatre pour Partena Professional et le solde et le sous-sol pour l’Orchestre National de Belgique. Les deux entreprises ont pris successivement possession de leur nouveau siège social en décembre et janvier derniers.

Deuxième secrétariat social du pays, Partena Professional s’est engagée dans l’intelligence collective et le management collaboratif en 2018. Elle est toujours à ce jour la plus grande entreprise libérée du secteur privé du pays avec une structure hiérarchique plate, une organisation en cercles où règnent l’autogestion et l’autonomie. C’est l’intelligence collective qui a guidé l’aménagement des nouveaux bureaux. Avec la participation de Brainmove, une société belge spécialisée dans l’accompagnement au changement et la création d’espaces de travail qui stimulent la collaboration.

“Chaque étage a été partagé en villages, explique Anne-Sophie Noël, communication & sustainability director chez Partena ­Professional. Chaque village est dévolu à différentes équipes en fonction de leurs interactions au sein de l’entreprise. Vu les trois jours autorisés de télétravail et le nombre limité d’espaces de travail, les équipes doivent organiser entre elles les jours de présence au siège. Avec l’objectif que chaque équipe doit être au complet au moins un jour par semaine. Il n’y a plus de bureau désigné et l’idée est de changer d’espace en fonction de l’activité du moment. Chaque étage dispose de bulles insonorisées de une à cinq personnes pour des réunions ou des contacts téléphoniques, des salons de présentation, des salles de réunion, des espaces d’atterrissage pour des discussions informelles quand on arrive au bureau, des espaces de travail classiques mais aussi des espaces silencieux qui sont identifiés par une moquette de couleur différente. Sans oublier un comptoir pour les cafés et rafraîchissements.”

Puisque Partena Professional travaille en paperless, il n’y a quasi plus d’armoires ou d’espaces de rangement et, en janvier, les employés se sont surtout déménagés eux-mêmes…

Chaque étage a été partagé en villages et chaque ­village est dévolu à différentes équipes en fonction de leurs ­interactions au sein de l’entreprise.” – Anne-Sophie Noël (communication & sustainability director)

Un nouveau chef

Ce déménagement marque un nouveau départ pour le deuxième secrétariat social du pays. Il intervient après une séquence riche en événements. En juillet, l’Autorité de la concurrence a donné son feu vert au rachat d’Easypay, un groupe familial qui accompagnait, très majoritairement en Flandre, 23.000 entreprises dans la gestion des salaires et de leurs employés. Au tout début décembre, Partena Professional a aussi nommé un nouveau CEO après le départ, rapide, de Bruno Ronsse qui avait pris la succession de Michel Halet le 1er juillet 2022. Administrateur d’Easypay et responsable de ­Travvant, sa filiale spécialisée dans l’outplacement, Roeland Van ­Dessel a accepté le job suprême ad interim.

“L’idée est de faire le bien pour la société et pas pour moi, sourit le nouveau CEO. Est-ce que l’entreprise va envisager l’après ? Sûrement mais il n’y a pas de date… Easypay et Partena Professional, qui disposaient toutes deux d’une culture d’entreprise très riche, se sont profondément respectées tout au long du processus de rachat. La famille Pareit n’était pas vendeuse au départ mais cherchait à ouvrir le capital pour envisager l’avenir. La première danse a plu aux deux partenaires puisqu’ils n’ont cessé de danser depuis (rires). J’ai accepté le job pour permettre aux deux entreprises d’aller dans la même ­direction.”

© Olivier Pirard
“Au comité de direction que nous appelons le cercle d’ancrage, l’idée est de décider ensemble après que tout le monde s’est exprimé.” – Roeland Van Dessel (CEO ad interim)

Roeland Van Dessel a rapidement adhéré au principe de l’intelligence collective. “L’avantage de ce système holacratique est qu’il m’a permis en six ou sept semaines d’aller en profondeur et d’avoir une vue très claire de l’entreprise. J’ai aussi reçu beaucoup de soutien du conseil d’administration et notamment de Michel Halet pour les finances, d’Alexandre Cleven pour les RH et les relations syndicales et d’Hilde Vernaillen, notre administratrice qui est aussi CEO de P&V, pour tout ce qui concerne l’audit. Chez Partena Professional, chaque cercle, qui regroupe entre 10 et 45 personnes, a des responsabilités et des objectifs très clairs. Nous passons en revue régulièrement les budgets ainsi que les objectifs et résultats clés, les fameux OKR. Tout le monde est responsable tant que l’on reste dans les clous. Quand on en sort, il faut piloter et prendre des décisions. Au comité de direction que nous appelons le cercle d’ancrage, l’idée est de décider ensemble après que tout le monde s’est exprimé. Je préfère une décision collective mais si ce n’est pas possible, je n’ai aucun souci à prendre mes responsabilités. Les employés d’Easypay n’ont pas eu de souci non plus à s’intégrer à ce système particulier. Je pense que, depuis le début de l’intégration, quatre ou cinq employés sont partis. Pas plus. Nous étions deux entreprises en quête de talents et cela n’a pas changé aujourd’hui. Cela n’a jamais été le but du mariage. Alors oui, nous avons eu des doublons : CFO, DRH, etc. Mais, aucun de ces profils de haut niveau n’a quitté l’entreprise et chacun a reçu une mission ou un projet.”

© Olivier Pirard
© Olivier Pirard

C’est ­l’intelligence ­collective qui a guidé l’aménagement des nouveaux bureaux.

Des services complets

Pour Partena Professional, l’acquisition d’Easypay est clairement un game changer. Elle lui permet de désormais offrir tous les services à tous les professionnels de Belgique et d’accompagner les indépendants comme les entreprises tout au long de leur carrière ou de leur développement. En plus de l’outplacement, Easypay apporte, entre autres, sa grande expertise dans les jobs flexibles et le payrolling, une solution rapide et efficace pour engager de la main-d’œuvre temporaire ou occasionnelle. Un secteur en plein boum vu le succès des flexi-jobs. Le groupe de la famille Lareit fournit aussi à Partena Professional une plus grande présence en Flandre. Même si le n°2 du marché demeure très ancré en francophonie.

“La ventilation est claire : nous avons 25,9 % de part de marché à Bruxelles, 20,9 % en Wallonie et 11,6 % en Flandre, confie Roeland Van Dessel. L’un dans l’autre, cela fait 16 % du total. Nous accueillons 137.000 indépendants, 15.000 starters et 81.000 entreprises. Nous émettons un million de fiches de paie par mois, soit un cinquième du total. Mais désormais, nous sommes le n°1 de l’intérim avec 65 % des intérimaires sous contrat. La conquête de la Flandre est en marche et c’est clairement l’objectif des prochaines années. SD Worx, le leader, avance vers le sud et nous vers le nord.”

Un autre achat ?

Les défis du groupe sont aujourd’hui clairement identifiés. Outre la réussite de l’intégration (“Notre objectif est de veiller à ce que 1+1 fasse 2,5”), Partena Professional entend poursuivre sa croissance sur la consultance. Un secteur en plein développement singulièrement depuis la pandémie et l’extrême personnalisation des conditions de travail et des packages salariaux.

“Le calcul de la paie en Belgique est un marché relativement stable, poursuit Roeland Van ­Dessel. Il ne fluctue que de quelques pour cent d’une année à l’autre. La croissance, elle se gagne sur la consultance et les services que nous pouvons offrir à nos clients. La jeune génération arrivée sur le marché du travail est un moteur puissant du changement et il faut accompagner celui-ci. Cela passe par de la consultance qui permet d’optimaliser les méthodes de travail chez nos clients, par prendre nous-même en charge certaines tâches via l’outsourcing ou par offrir nos solutions digitales à des entreprises qui préfèrent garder la paie en interne. L’objectif est d’arriver à 1,5 million de clients. Quand on additionne l’outplacement, le coaching, les formations étendues par le législateur, la paie, la gestion des plans cafétéria, la prise en compte des besoins individuels (télétravail, mobilité, etc.), nous fournissons désormais des services et des applis plus à des individus qu’à des entreprises. Dans ce sens, l’entreprise vire du B to B au B to C ou B to E, E pour employé.”

Le dernier défi, c’est la taille de l’entreprise. Aujourd’hui n°2 d’un marché belge très fermé en raison de législations très touffues et en changement permanent, Partena Professional prévoit une consolidation inévitable. “La taille devient un enjeu majeur, conclut Roeland Van Dessel. Comme la technologie. Nous sommes très actifs sur l’IA et vous l’avez évoqué dans vos colonnes il y a peu. Il faut en être, de façon éthique et responsable. La technologie coûte cher. Entretenir un moteur de paie est aussi très onéreux. Il faut du volume. Demain, des possibilités de croissance externe vont se présenter et nous les regarderons. Je ne suis clairement pas contre un achat, entre autres en Flandre. Mais nous n’allons pas chercher activement. Ce qui n’est pas simple, c’est que certains de nos concurrents sont polarisés ou organisés de façon politique. Le mariage avec Easypay était évident car nous étions neutres tous les deux. Mais avec d’autres, cela se complique en raison des forces qui les sous-tendent ou les animent. Un rachat n’est dès lors pas impossible mais plus compliqué.”

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