Outplacement en Belgique: de gadget à solution pour le retour à l’emploi
Ce qui a été longtemps un gadget qui donnait bonne conscience aux entreprises qui licenciaient donne aujourd’hui d’excellents résultats. Vu la conjoncture économique actuelle, les procédures d’outplacement sont en forte hausse mais le pourcentage de retour à l’emploi atteint aussi des records.
En Belgique, toute personne licenciée dans un cadre individuel ou collectif a généralement droit à de l’outplacement, soit une aide au reclassement ou au retour à l’emploi. Cet outplacement est à la charge de l’entreprise ou du travailleur suivant les cas ou s’il s’agit du privé ou du public.
Trois types d’outplacement sont légalement obligatoires : le régime général de reclassement professionnel (pas de motif grave de licenciement et au moins 30 semaines de préavis), le régime particulier de reclassement professionnel pour les travailleurs d’au moins 45 ans (uniquement le privé, pas de motif grave et au moins 30 semaines de préavis) et le régime spécifique de reclassement professionnel en cas de gestion active des restructurations. Enfin, de façon proactive et volontaire, une entreprise peut choisir de l’offrir à la personne licenciée. Cet outplacement est alors réglé par la CCT 51.
Un parcours d’outplacement diffère selon le profil de la personne licenciée. Il peut comprendre un soutien psychologique, une aide à la recherche d’emploi et une formation destinée à la reconversion. Ce soutien psychologique aide à passer le cap du licenciement mais aussi à faire face au changement.
On ne va pas se voiler la face : longtemps, cet outplacement n’a été vu que comme un gadget qui donnait bonne conscience aux entreprises qui licenciaient. Parallèlement, les salariés licenciés n’avaient souvent aucune envie de suivre ce que beaucoup voyaient comme une épreuve supplémentaire. Sans oublier qu’il n’y a pas si longtemps, demander du soutien psychologique dans le monde du travail demeurait tabou voire mal vu. Les choses ont bien changé…
Un dispositif efficace
La situation belge est paradoxale : le nombre de licenciements est clairement en hausse mais, dans le même temps, les retours à l’emploi réussis grimpent en flèche.
Selon Federgon, la fédération des prestataires de services RH, en 2023, 15.420 procédures d’outplacement ont été entamées suite à un licenciement individuel (11.414 cas) ou collectif (4.006), ce qui représente une augmentation de 44,3 % par rapport à 2022. 63,7 % de ces trajets ont débouché sur un retour à l’emploi dans les trois à six mois. Le premier trimestre de cette année est plus impressionnant encore avec 3.958 trajets entamés. Pour les licenciements collectifs, le pourcentage de retour à l’emploi a grimpé à 73 % et les individuels à 67 % ! Clairement, le dispositif d’accompagnement fonctionne et se retrouve boosté par les pénuries de main-d’œuvre.
“Federgon demande au prochain gouvernement d’enfin indexer de manière structurelle les montants prévus pour le financement de l’accompagnement et d’harmoniser les différents régimes d’outplacement en un régime unique et clair.” – Ann Cattelain (Federgon)
“Les employeurs sont désespérément à la recherche de talents, explique Paul Verschueren, director economic affairs chez Federgon. Un licenciement peut être une période très perturbante et générer beaucoup d’incertitude, mais c’est une bonne nouvelle que les gens retrouvent rapidement leur place sur le marché du travail.”
Changement de paradigme
Travvant, avec ses 150 sites répartis dans toute la Belgique et ses accords de partenariat avec le VDAB, l’agence flamande de l’emploi pour le Brabant Flamand, le Forem pour le Hainaut et Actiris à Bruxelles, est l’un des trois acteurs majeurs du secteur de l’outplacement derrière RiseSmart du groupe Randstad. Partenaire de Partena Professional, ses chiffres dépassent largement ceux énoncés par Federgon.
“A la fin juillet, 82 % des parcours d’outplacement ont trouvé, chez nous, une fin heureuse dans les trois à six mois, souligne Roeland Van Dessel, CEO de Partena Professional et administrateur-délégué de Travvant. A la fin juillet aussi, nous avions déjà autant de parcours que pour toute l’année dernière. Pourquoi ce taux de réussite supérieur ? Nous sommes neutres et indépendants. J’entends par là que nous n’appartenons pas à un groupe d’intérim comme nos principaux concurrents. Notre rayon d’action est plus large et nous n’avons pas à nous soucier de favoriser ou pas un concurrent dans la recherche d’un emploi. J’ajouterais qu’en plus de l’outplacement, nous faisons du coaching et de l’inplacement. Nombreuses sont les entreprises qui prennent les devants et essaient de former leur personnel à d’autres tâches. Ces heures de coaching font d’ailleurs désormais partie intégrante des cinq jours de formation que le législateur rend obligatoires.”
Indépendamment des résultats de son propre groupe, Roeland Van Dessel, fort de sa très longue expérience dans les RH, voit surtout un véritable changement de paradigme dans ces procédures de reclassement.
“Comme vous le disiez, l’outplacement n’est plus un gadget. Les entreprises prennent désormais leurs responsabilités. Il faut dire qu’elles sont clairement soumises à une forte pression des autorités régionales et fédérales. Vu la pénurie de talents, elles n’hésitent plus à engager des ‘vieux’. Nous avons replacé un monsieur de 63 ans la semaine dernière. Ce genre de recrutement était quasi impensable il y a quelques années. C’est de bon augure pour atteindre un taux d’emploi de 80 %. Ce monsieur a retrouvé du travail dans les trois mois ! C’est un bon investissement. Sur les trois ans qui lui restent avant la pension, il sera d’une fidélité à toute épreuve, motivé et pourra partager son expérience et son savoir-faire avec les plus jeunes.”
Lire aussi| L’“interim management” a le vent en poupe
Roeland Van Dessel met le doigt sur un autre élément clef de la réussite actuelle de l’outplacement : les licenciés eux-mêmes prennent désormais leur destin en main et n’hésitent plus à se faire aider.
“Je n’avais plus postulé à un emploi depuis des lustres, raconte Pierre (prénom d’emprunt), un solide quinquagénaire récemment licencié par un géant de la grande distribution belge. Au bout d’un certain temps à faire le même job, je ne savais plus forcément quels étaient mes talents et mes compétences. Ni même s’ils pouvaient se révéler utiles dans d’autres secteurs. Quant à mon CV, il avait pris la poussière et ne ressemblait plus à rien. Suivre un accompagnement au retour à l’emploi m’aide à me recadrer et à clairement définir mes forces et mes capacités. C’est, aussi et surtout, une façon efficace de savoir ce qu’on souhaite pour le reste de sa carrière. Car il est hors de question que je ne fasse plus rien de ma vie.”
“L’outplacement n’est plus un gadget. Les entreprises prennent désormais leurs responsabilités.” – Roeland Van Dessel (Partena Professional)
Renforcer les dispositions existantes
De nombreuses entreprises ont annoncé des licenciements collectifs cette année et certaines de ces procédures n’ont pas encore débuté : Van Hool, Audi Forest, Ontex, Decathlon, Beaulieu, Esprit, etc. Logiquement, le secteur s’attend à ce que la hausse des trajets d’outplacement notée au premier trimestre s’amplifie sur l’année complète. Il est donc crucial, à l’heure où de nouveaux gouvernements vont se former, que l’outplacement soit mieux soutenu.
“Federgon demande au prochain gouvernement d’enfin indexer de manière structurelle les montants prévus pour le financement de l’accompagnement et d’harmoniser les différents régimes d’outplacement en un régime unique et clair, explique Ann Cattelain, la CEO de Federgon. Cela permettra d’organiser l’accompagnement de manière rapide et accessible. En outre, aujourd’hui, le système des trajets de transition (travailler pour un autre employeur pendant la période de préavis avec une rémunération prise en charge par l’entreprise qui licencie, avec compensation du nouvel employeur, ndlr) ne peut être utilisé que dans le cadre d’une période de préavis. Mais s’il devient possible de l’utiliser également tout au long de la carrière, nous favoriserons vraiment les transitions directes d’un emploi à un autre.”
Enfin, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre continue et de la nécessité pour tout un chacun de rester à la page en termes de compétences, la formation continue demeure essentielle. C’est le sens des cinq jours minimum de formation pendant cinq ans octroyés aux ETP par le législateur, depuis le 1er janvier dernier. Par contre, alors que la simplification administrative est sur toutes les lèvres, il faut s’interroger sur l’utilité du Federal Learning Account, une plateforme du genre usine à gaz qui contrôle ce droit à la formation, mais implique des coûts et du travail supplémentaires importants pour les PME, soit l’essentiel de notre tissu économique.
Et chez Van Hool ?
Van Hool est le dernier licenciement collectif belge de très grande envergure. En avril dernier, 2.400 personnes y ont perdu leur emploi. Les cellules de reclassement mises en place en collaboration avec le VDAB ont tourné à plein régime. En juillet, 1.174 personnes avaient déjà retrouvé un travail, soit quasi la moitié.
“Cela démontre l’intérêt de l’outplacement, confirme Roeland Van Dessel. Il permet de mettre en évidence les talents d’une personne licenciée dans un contexte global et pas uniquement au regard du secteur qui l’employait. Nous travaillons sur le dossier Van Hool. Par le passé, nous avons aussi accompagné les personnes licenciées chez Makro ou le licenciement collectif de Brussels Airlines pendant le covid. A ce jour, 75 à 80 % des employés Makro ont retrouvé un emploi et, pas nécessairement, dans la grande distribution. Dans le cas de Brussels Airlines, nous avons aidé de nombreuses hôtesses de l’air, soit des personnes multilingues avec une flexibilité naturelle et une orientation client. Elles ont logiquement facilement retrouvé un emploi ailleurs que dans l’aérien. Que ce soit comme assistante dans des cabinets médicaux ou dans les services d’accueil de grandes entreprises.”
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici