L’intérim management : un choix de carrière qui séduit de nombreux indépendants
Cela va faire un bon quart de siècle que la plupart des grands bureaux de recrutement disposent d’une division “intérim management”. Ce choix de carrière a le vent en poupe et regroupe, aujourd’hui, à la fois autant des managers de haut vol que des experts recherchés. Avec un net rajeunissement des cadres à la clé.
Certains stéréotypes ont la peau dure. De nombreuses entreprises s’imaginent encore aujourd’hui qu’un intérim manager coûte très cher, qu’il a plus de 50 ans et qu’il est surtout utile en période de crise ou de restructuration. C’est vrai qu’hier, on rencontrait surtout ces profils très qualifiés, typiquement en fin de carrière, comme CEO, CFO ou DRH par intérim. Le temps de remettre une boîte ou un service dans le droit chemin, de pallier une absence inopinée ou de calmer une bagarre d’actionnaires familiaux en apportant un regard indépendant extérieur. Ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui. Pour les 25 ans de sa division Project and Interim Management, Robert Half a publié une remarquable étude sur les tendances belges en la matière. Si les plus de 50 ans constituent toujours la majorité des IM, le rajeunissement de la profession est clairement en marche.
“Aujourd’hui, ce n’est pas la crise qui guide l’engagement de ces profils mais le manque d’expertise en interne, explique Jan Vandenbussche, Senior Director Interim Management & Technology chez Robert Half. Dans l’intérim management, on trouve toujours les managers capables de diriger, temporairement, de grands services et équipes mais aussi des experts dont les compétences, très affûtées, sont recherchées. C’est pour cela que j’aime bien parler d’intérim manager et d’intérim expert. Le métier gagne en popularité à cause de la guerre des talents. Deux tendances sont à l’œuvre. Des talents que l’on ne peut s’offrir en CDI mais bien à titre temporaire pour gérer des projets cruciaux pour l’entreprise et des experts plug & play qui permettent aux sociétés de se donner du temps de trouver le mouton à cinq pattes qu’elles recherchent. Pour mesurer la popularité de ce choix de carrière, je n’ai qu’à regarder notre division. Il y a 13 ans quand je suis arrivé, nous étions une petite dizaine. Nous sommes 30 en 2024.”
Un choix délibéré
Les chiffres de Federgon sont tout aussi éloquents. En 2023, l’intérim management a généré un chiffre d’affaires de 177 millions d’euros auprès de ses membres, soit une hausse de 7,8 % sur un an. En 15 ans, ce chiffre d’affaires a doublé ! Ce qui frappe dans l’étude de Robert Half, c’est que six profils sur dix ont fait délibérément le choix du statut d’indépendant. Ils ont quitté un job de salarié pour embrasser l’IM. Ceci contribue évidemment à rajeunir les cadres. Mohammed El Ghamri, qui se présente comme Finance Director et Transformation Leader, a fait ce choix il y a 15 ans. Il avait 32 ans…
“L’entreprise qui m’employait restructurait, se souvient-il. J’avais trois choix. Prendre un autre job de salarié dans la boîte, me tourner vers la consultance (j’ai eu des discussions avancées avec Accenture) ou opter pour l’IM. J’ai choisi la troisième option car j’aime rencontrer des gens et m’imprégner de l’ADN d’une entreprise et ce n’est pas possible en venant une fois par semaine comme consultant. J’aime les challenges et la diversité et je déteste le statu quo. L’IM était donc faite pour moi. J’ai le bonheur de présenter les deux facettes du métier : expert et manager. On est peu dans ce cas et j’ai donc beaucoup de traction sur le marché. Je peux choisir mes missions et n’essayez pas de me garder en CDI, je refuse tout ! (rires) Je suis un indépendant dans l’âme et je le resterai même si je n’accepte que des missions d’au moins un an. Une mission est en voie d’achèvement que je suis déjà chassé par de nombreuses entreprises.”
Des raisons multiples
Vu la guerre des talents, ces indépendants, qu’ils soient experts ou managers, pourraient être motivés par l’argent. En fait, c’est la dernière raison citée dans l’enquête de Robert Half. Loin derrière la flexibilité et l’indépendance, la variété des missions, le détachement de la politique interne aux entreprises, les solutions qu’ils apportent, la diversité des secteurs et industries.
“Une mission est en voie d’achèvement que je suis déjà chassé par de nombreuses entreprises.”
Mohammed El Ghamri, intérim manager et intérim exper
“J’ai géré des projets de transformation et de changement en termes de business dans de nombreux secteurs, confirme Mohammed El Ghamri. C’est incomparablement enrichissant de voguer de De Lijn à Agfa en passant par BP. Cela offre une bonne vue sur l’économie belge et européenne mais, aussi, cela crée de la valeur pour vous-même. Faire ce métier pour l’argent est, selon moi, une erreur. J’ai rencontré des jeunes qui avaient choisi l’IM pour pouvoir profiter de la vie entre les projets. Cela répond, de fait, à un besoin actuel. Chez moi, cela ne marche pas. Une semaine à la plage et je m’ennuie ! En fait, je me rends compte que je prends beaucoup moins de vacances depuis que je ne suis plus salarié. Je pourrais le faire aisément mais j’aime trop ce que je fais.”
L’étude de Robert Half révèle aussi l’évolution remarquable des domaines dans lesquels on trouve désormais des intérim managers (voir infographie). Certes, la finance, les RH et le general management restent en haut de la liste mais il faut nuancer.
“Le numérique a le vent en poupe, conclut Jan Vandenbussche. La transformation digitale est un facteur crucial de développement des entreprises et elle a des impacts partout. On cherche des experts capables de développer des solutions innovantes et sur mesure dans tous les domaines, y compris la finance et les RH. Avec un recul de 13 ans, je constate aussi que la durée des missions a tendance à s’allonger. Une majorité s’étale désormais entre un et deux ans. Deux raisons à cela : la complexité de certains projets et la tendance à vouloir garder les experts le plus longtemps possible.”
Mais pas de chance, comme Mohammed El Ghamri, rares sont les intérim managers qui désirent regoûter au salariat. Ils ne sont qu’un sur dix dans l’étude de Robert Half avec une prévalence plus marquée chez les plus de 55 ans.
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