La discrimination fondée sur l’âge est la principale forme de discrimination sur le marché du travail en Belgique

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Une étude réalisée par PageGroup révèle que la discrimination liée à l’âge est la forme de discrimination la plus répandue parmi les cadres supérieurs, surpassant celle fondée sur l’origine ou le sexe. Parallèlement, une analyse menée par SD Worx montre que le nombre de salariés âgés de plus de 65 ans, en Belgique, a plus que doublé au cours des dix dernières années. « Il est vrai que de plus en plus d’entreprises se concentrent sur la diversité et l’inclusion, mais nous n’y sommes pas encore », soulignent les experts.

Bien que les politiques en Belgique visent de plus en plus à prolonger les carrières, un travailleur sur dix dans notre pays déclare avoir déjà subi des préjugés liés à son âge. Et ce problème semble être bien plus important chez les cadres. Près de la moitié d’entre eux (45 %) affirment avoir été victimes de discrimination fondée sur l’âge, selon une étude réalisée par le cabinet de recrutement PageGroup. L’âge constitue même la forme de discrimination la plus courante chez les cadres. Elle devance même celle basée sur l’origine (29 %) ou sur le sexe (28 %).

« C’est inquiétant pour notre économie », prévient Lorraine le Pomellec de Page Executive, spécialisée dans le recrutement de cadres. « Pour 100 retraités, il n’y a que 80 nouveaux employés. Ignorer le talent et l’expérience des travailleurs plus âgés pourrait constituer une menace sérieuse pour la croissance économique en Belgique. Les entreprises qui permettent aux différentes générations de travailler ensemble, en douceur, renforcent à la fois leur capacité d’innovation et leur compétitivité. »

Deux fois plus de 65 ans en activité

Des chiffres plus positifs proviennent de SD Worx, qui a récemment constaté que le nombre de salariés âgés de plus de 65 ans, en Belgique, a plus que doublé en dix ans. Selon Geert Vermeir, conseiller au centre de connaissances juridiques de SD Worx, plusieurs facteurs expliquent cette augmentation. « Le vieillissement de la population joue un rôle clé. Il y a tout simplement plus de 65 ans aujourd’hui qu’en 2014. Mais la flexibilité accrue du marché du travail, avec des dispositifs comme les flexi-jobs et les statuts à temps partiel, contribue également à ce phénomène. De plus, certains travailleurs de plus de 65 ans choisissent de ne pas prendre immédiatement leur pension. Ils préfèrent augmenter le montant de celle-ci en travaillant plus longtemps. D’autres optent pour des formes de travail flexibles pour rester actifs. »

Malgré cela, cette catégorie de travailleurs reste encore relativement modeste. Sur plus de 3 millions de travailleurs du secteur privé, seuls 45 000 environ sont âgés de 65 ans ou plus. « Bien que le nombre de seniors actifs progresse fortement, cela ne résoudra pas la pénurie de main-d’œuvre », insiste Geert Vermeir. « Et la plus grande vague de départs à la pension est encore à venir. Plus d’un demi-million de salariés du secteur privé atteindront l’âge légal de la retraite dans les dix prochaines années. Il est donc impératif d’investir dès maintenant dans un marché du travail inclusif, où les seniors occupent pleinement leur place. »

Jeunes versus seniors?

La discrimination liée à l’âge trouve souvent sa source dans des clichés tels que les travailleurs plus âgés coûtent plus cher à embaucher et sont plus sujets aux problèmes de santé, entraînant un taux d’absentéisme plus élevé. « Ce sont deux préjugés tenaces », souligne Lorraine le Pomellec. « Sur le long terme, les travailleurs seniors offrent pourtant un meilleur rendement. Ils font preuve de plus de loyauté, car leur expérience et leur position dans leur carrière leur donnent moins envie de changer d’emploi tous les deux ans, comme c’est parfois le cas chez les jeunes. Cela favorise la stabilité et procure également des avantages fiscaux aux employeurs. »

Il est d’ailleurs notable que les travailleurs plus âgés s’absentent moins souvent que leurs collègues plus jeunes. Alors que l’absentéisme chez les travailleurs de 25 à 34 ans a bondi de 42 % entre 2022 et 2023, il a diminué chez les seniors. « Les jeunes sont confrontés à des problèmes liés à la surdigitalisation et au manque d’interactions sociales, tandis que les travailleurs plus âgés restent plus fidèles à leur poste », estime le Pomellec.

Les chiffres de SD Worx confirment également que les employés de 55 ans et plus sont en moyenne moins souvent absents que les jeunes de moins de 25 ans. En ce qui concerne les absences de courte durée (moins d’un mois), le taux d’absentéisme en 2023 était de 3,15 % pour le groupe des 55-59 ans, contre une moyenne de 3,75 % chez les jeunes de moins de 25 ans. En examinant la fréquence moyenne des absences, incluant les périodes courtes et moyennes (moins d’un an), les travailleurs de 55 ans et plus se sont déclarés malades en moyenne 1,5 fois en 2024, contre 2,5 fois pour les jeunes de moins de 25 ans.

« Il faut toutefois éviter les généralisations : l’âge, le secteur et la nature du travail jouent un rôle déterminant », nuance Geert Vermeir.

L’âge, angle mort de la politique de diversité

La discrimination liée à l’âge ne provient pas uniquement de facteurs externes, elle existe également chez les candidats eux-mêmes. « De nombreux seniors souffrent d’une forme de syndrome de l’imposteur. Ils pensent qu’ils sont trop âgés pour avoir une chance de décrocher un nouvel emploi », affirme Lorraine le Pomellec. Ce problème est souvent aggravé par un licenciement soudain après des décennies de service, un événement traumatisant pour les travailleurs concernés.

Bien que les entreprises accordent une attention croissante à la diversité et à l’inclusion en matière de genre et d’origine, l’âge reste toujours un sujet largement sous-estimé. « Chez Page Executive, nous avons mis en place un groupe de travail dédié à la question de l’âge afin de nous assurer que les candidats de toutes les tranches d’âge soient inclus dans nos processus de sélection », explique le Pomellec. Selon elle, cette approche est cruciale pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre actuelle.

Elle propose plusieurs recommandations pour aider les organisations à lutter contre la discrimination liée à l’âge. « Il est important de créer une culture d’entreprise inclusive, d’autant plus que 40 % des travailleurs seniors considèrent la culture d’entreprise comme plus importante que le salaire lorsqu’ils recherchent un nouvel emploi. Encourager la collaboration intergénérationnelle permet également de renforcer la compétitivité, tandis que la formation continue, notamment en matière de digitalisation et d’intelligence artificielle (IA), joue un rôle clé. Les travailleurs dans la vingtaine adoptent l’IA deux fois plus souvent que ceux âgés de plus de cinquante ans, ce qui rend nécessaire la mise en place de programmes de formation adaptés. »

Les femmes également victimes de discrimination

Si les mamans et les femmes enceintes sont depuis longtemps reconnues comme des victimes de discriminations professionnelles, Morien El Haj, doctorante et assistante au département d’économie de l’Université de Gand, a découvert que les jeunes femmes sans enfants font également face à des discriminations.

Ce phénomène se manifeste principalement lors des processus de recrutement. « Les femmes en âge de procréer reçoivent moins souvent de retours après avoir soumis leur candidature », explique Morien El Haj. Cela se traduit par un nombre plus réduit d’entretiens d’embauche et, dans certains cas, par des propositions d’emploi avec des conditions de travail plus précaires. « Lorsque les employeurs craignent qu’une jeune femme puisse tomber enceinte prochainement, cela peut la rendre moins attrayante en tant que candidate », précise-t-elle.

Dans le cadre de ses recherches, El Haj a analysé la littérature existante ainsi que plusieurs études internationales. « Il existe de nombreuses études majeures sur la discrimination liée à la fertilité », indique-t-elle. Ces travaux, menés dans diverses régions telles que l’Europe centrale et occidentale, l’Amérique du Nord et l’Asie de l’Est, révèlent tous la même tendance: les femmes perçues comme de potentielles mères sont moins susceptibles d’être embauchées.

En Belgique, une étude réalisée par Stijn Baert a également examiné les candidatures de femmes lesbiennes comparées à celles des femmes hétérosexuelles. Cette étude a montré que les femmes hétérosexuelles de 25 ans, en âge de procréer, subissent davantage de discriminations que les femmes lesbiennes, qui sont moins rapidement associées à une maternité future.

Dans le cadre de cette recherche, des CV fictifs ont été envoyés en réponse à des offres d’emploi. Les résultats étaient sans équivoque : les jeunes femmes hétérosexuelles ont reçu significativement moins de retours que leurs homologues lesbiennes, bien que leurs qualifications soient identiques.

Recommandations politiques

Les conclusions de cette étude soulèvent encore et toujours les mêmes questions sur la manière dont les employeurs et les recruteurs, souvent de manière inconsciente, prennent en compte le genre et la parentalité dans leurs processus de sélection. Toutefois, Morien El Haj propose également des solutions concrètes pour les entreprises et organisations désireuses de prendre conscience de ces discriminations.

L’une de ses recommandations est l’adoption d’une approche plus uniforme des candidatures. Elle suggère, par exemple, que les employeurs utilisent systématiquement des formulaires de candidature en ligne plutôt que des CV traditionnels, afin que les informations personnelles, comme la situation parentale des candidats, ne soient pas immédiatement visibles. « Cela peut représenter une étape importante pour éviter les biais inconscients », explique-t-elle.

Par ailleurs, elle souligne l’importance d’améliorer les services de garde d’enfants et de promouvoir une répartition plus équitable du congé parental. « Si les pères bénéficiaient d’un congé plus long, cela allégerait la charge pesant sur les mères et les rendrait moins vulnérables aux discriminations sur leur lieu de travail. Un accès à des solutions de garde d’enfants flexibles permettrait également aux parents de se concentrer davantage sur leur travail, augmentant ainsi leurs opportunités sur le marché de l’emploi. »

Quoi qu’il en soit, il est évident qu’il reste encore beaucoup à faire pour briser les préjugés et promouvoir l’inclusion et l’égalité sur le marché du travail.

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