Jours de formation, vacances, mobilité, flexi-jobs…: les RH s’habillent de neuf

Plusieurs dispositions concernant les jours de congé sont entrées en vigueur au 1er janvier. © Getty Images

Chaque début de millésime charrie son lot de nouveautés en tous genres. Les ressources humaines, et le social au sens large, ne font pas exception à la règle.

En termes de RH, les nouveautés sont légion. En vrac, il est question de droit individuel à la formation, de la création du statut de travailleur des arts, de revalorisation du travail étudiant, de changement pour les vacances et les pécules, etc. Voyons cela par le détail.

1. Cinq jours de formation par an

La fameuse loi sur le travail faisable et maniable de mars 2017 prévoyait un volet formation. Elle a été complétée par celle d’octobre 2022 appelée Deal pour l’emploi. Elle consacre l’objectif, déjà envisagé en 2017, de cinq jours de formation individualisés pour chaque travailleur occupé à temps plein dans le secteur privé en 2024. Elle met fin au côté collectif de la formation. En effet, jusqu’ici, ces jours de formation étaient globalisés. En d’autres termes, une entreprise de 100 personnes était dans les clous si elle avait octroyé 500 jours de formation, peu importe si Paul en avait reçu 10 et Pierre aucun. Depuis le 1er janvier 2024, chaque salarié en équivalent temps plein (ETP) doit bénéficier d‘au moins cinq jours de formation par an pendant cinq ans.

Chaque entreprise ne doit pas octroyer forcément cinq jours cha­que année mais doit veiller à ce que chaque ETP ait épuisé son compteur de 25 jours à la fin 2028. En 2029, un nouveau cycle de cinq ans sera démarré.

Par formation, le législateur entend à la fois des formations formelles (des stages, des cours donnés en interne ou par des intervenants extérieurs pour une durée déterminée sur place ou en ligne, etc.) et des formations informelles (participation à des conférences, auto-apprentissage, formation sur le lieu de travail, etc.).

Chaque entreprise doit disposer d’un plan de formation sur papier ou en ligne qui reprend l’offre et les profils concernés, qui justifie les obligations légales et consultable à tout moment. Il convient aussi de vérifier si une CCT spécifique n’a pas été conclue au niveau sectoriel modifiant certains aspects pratiques de l’offre de formation. Enfin, il y a des exceptions en fonction de la taille de l’entreprise. Une PME de moins de 10 ETP n’est pas concernée par l’obligation. Entre 10 et 20 ETP, le droit individuel à la formation est consacré mais il ne comporte qu’un seul jour par an pendant cinq ans, soit cinq jours d’ici à fin 2028. A partir de 20 ETP, tant le droit individuel de cinq jours que le plan de formation formel sont obligatoires.

Il est inutile de rappeler ici, dans le contexte de pénurie de main-­d’œuvre, de digitalisation du travail et de l’apparition de nouveaux métiers et compétences, du caractère fondamental de la formation continue et du reskilling.

2. Du changement pour les vacances

Plusieurs dispositions concernant les jours de congé sont entrées en vigueur au 1er janvier. Tout d’abord, la mise en conformité de la législation belge (loi du 17 juillet 2023) avec une directive européenne consacrée au temps de travail. Elle consacre le droit, sous conditions, pour un travailleur de conserver ses jours de congé s’il tombe en incapacité durant une période de vacances annuelles. La loi de juillet dernier modifie aussi celle concernant les contrats de travail puisqu’elle introduit deux obligations légales à cette situation spécifique. D’une part, le travailleur devra informer (téléphone, mail, etc.) immédiatement son employeur de son lieu de résidence s’il ne se trouve pas à son domicile. D’autre part, il devra soumettre un certificat médical même s’il s’agit du premier jour d’incapacité. En cas d’hospitalisation, par exemple, ce certificat devra être remis dans un délai raisonnable. Le respect de ces conditions permet de récupérer les jours de congé perdus et de conserver le droit au salaire garanti. La nouvelle loi stipule que ce droit au salaire garanti est consacré aussi en cas de maladie lors de vacances collectives, par exemple quand une entreprise suspend ses activités entre Noël et Nouvel An. Ce n’était pas le cas jusqu’ici pour les ouvriers.

Depuis ce début d’année, il y a aussi du changement à propos de la déduction du pécule de vacances quand on arrive chez un nouvel employeur. Jusqu’ici, les simple et double pécules de vacances, payés par l’entreprise de départ, étaient récupérés d’un coup par l’entreprise d’arrivée. La plupart du temps le mois où elle a l’habitude de payer les pécules ou au moment de la prise par l’employé de ses vacances principales. Cette pratique, vieille de plus de 50 ans et qui n’a jamais fait bondir personne, avait comme défaut que certains employés distraits ou peu prévoyants se retrouvaient avec des salaires de misère le mois de la déduction. Lors du passage récent de la compétence des vacan­ces annuelles du SPF Sécurité sociale vers celui de l’Emploi, ce dernier s’est rendu compte de son illégalité puisque la régu­larisation du pécule n’entrait pas dans la liste des retenues sur salaire autorisées. Le Comité national du travail a alors été saisi et une nouvelle formule, issue d’un compromis, a été mise au point, validée par le ministre Dermagne et coulée dans un arrêté royal le 28 septembre dernier. Si rien ne change pour le double pécule toujours récupéré d’un coup, le simple pécule sera, lui, déduit au fur et à mesure des jours de vacances pris à raison de 90 % du salaire brut journalier. En d’autres termes, l’employé recevra 10 % de son salaire brut pour chaque jour de congé pris. La régularisation finale aura lieu, si nécessaire, en décembre.

Enfin, suite aussi à une transpo­sition d’une directive européenne, le délai pour prendre ses vacances annuelles a été étendu. Jusqu’ici, sauf accord d’entreprise, un travailleur doit prendre ses congés dans les 12 mois qui suivent l’année où ils ont été promérités. Désormais, ce délai passe à 24 mois dans des cas de figure bien précis : accident du travail ou maladie professionnelle, maladie ou accident de droit commun, congé de maternité (devenu de paternité si la maman est décédée), congé d’adoption, congé prophylactique et congé pour soin d’accueil ou congé parental d’accueil.

3. La mobilité revigorée

On le sait, pour stimuler la mobilité douce, le gouvernement a décidé de doper l’indemnité kilométrique vélo. Depuis le 1er janvier, elle est exonérée dans les limites d’un plafond de 0,35 euro (indexé) par kilomètre et 2.500 euros max par an. Ces plafonds sont appliqués par le fisc et l’ONSS. Mais ce n’est pas tout. Il a aussi décidé d’indexer ce qu’on appelle le budget mobilité. C’est le budget, calculé sur base annuelle, qu’une entreprise peut octroyer à son travailleur comme alternative à la voiture de société (même si une voiture de société “durable” peut s’y trouver, on appelle cela le pilier 1) et qui donne accès à des modes et services de transport durables (pilier 2 : transports en commun, vélo électrique ou pas, motocyclette électrique, tricycle ou quadri­cyclique électriques, etc.), à des solutions de partage et même à des frais de logement. Jusqu’ici, ce budget mobilité, qui ne peut pas dépasser 20 % de la rémunération totale brute, devait obligatoirement se situer dans une fourchette comprise entre 3.000 et 16.000 euros.

Depuis le 1er janvier, ces marges sont désormais indexées suivant l’indice santé lissé utilisé notamment pour les pensions. Pour cette année, elles passent ainsi à 3.055 et 16.293 euros. Cette indexation automatique n’empêche pas une indexation volontaire du budget octroyé à un travailleur pour autant que la somme demeure dans les marges. Les dirigeants d’entreprise demeurent exclus du système mais désormais, les bourgmestres, échevins et députés provinciaux y ont droit.

4. Des primes augmentées

Depuis le 1er décembre, l’indemnité de télétravail dite aussi de frais de bureau a été augmentée. Elle est désormais de maximum 151,70 euros, somme exempte de précompte professionnel et de cotisations de sécurité sociale. Cette augmentation est l’occasion de rappeler que l’indemnité n’est acceptée par le fisc et l’ONSS que dans le cadre d’un télétravail structurel et régulier et qu’elle couvre tous les frais de bureau dont : les fournitures informatiques en ce y compris les consommables d’impression, les frais d’entretien et d’assurance, le précompte immobilier, l’eau et les rafraîchissements, l’électricité et le chauffage et, évidemment, les fournitures de bureau au sens large (stylo, papier, etc.) et le bureau lui-même en cas d’achat ou de location.

Dans le cadre de la lutte contre l’absentéisme de longue durée, Frank Vandenbroucke, le ministre de la Santé, a décidé de solidement augmenter la prime de reprise du travail. Depuis le mois d’avril dernier, un employeur pouvait bénéficier d’une prime de 1.000 euros si un de ses employés en invalidité (incapacité de travail de plus d’un an) reprenait le travail au moins pendant trois mois. Depuis le 1er janvier, cette prime s’élève à 1.725 euros. Un quasi doublement rendu possible par la levée d’amendes auprès d’entreprises considérées comme les mauvais élèves de la classe soit au niveau national soit dans leur secteur. Les conditions d’octroi, sévères, n’ont pas changé.

Enfin, les avantages non récurrents liés aux résultats ont, aussi, été adaptés au 1er janvier. Pour de nombreux travailleurs et employeurs, il s’agit d’un bonus salarial fiscalement et socialement très intéressant lié à la CCT 90. Intéressant aussi puisqu’on peut l’octroyer quelle que soit la norme salariale déterminée par les partenaires sociaux. Or, elle est nulle ou quasi pour l’instant. Pour cette année, le plafond a été fixé à 4.020 euros. Fiscalement, après déduction de la cotisation de solidarité de 13,07 %, le travailleur touchera donc 3.496 euros au maximum. Les employeurs sont redevables d’une cotisation ONSS spéciale de 33 %. La prime comme la cotisation sont déductibles au titre des charges professionnelles.

Un employeur peut bénéficier d’une prime de 1.725 euros si un de ses employés en invalidité reprend le travail au moins pendant trois mois.

5. Du neuf pour les GSM d’entreprise

Nous vous en avons parlé il y a peu dans ces colonnes et pour cause, la mesure est passée au Moniteur le 29 décembre dernier. Depuis le 1er janvier, un travailleur a le droit de se voir restituer le numéro de téléphone mobile qu’il a cédé à l’employeur au début ou au cours de l’exécution de son contrat de travail et dont il disposait toujours au moment de la rupture dudit contrat. Cette restitution doit être demandée par écrit, dans un délai d’un mois suivant la fin du contrat de travail. Lorsque cette condition est respectée, l’employeur ne peut refuser la restitution du numéro. Cette disposition règle, une fois pour toutes, des conflits liés, entre autres, à des coordonnées de clients pour les profils commerciaux.

6. Plus d’argent pour les étudiants

On le sait, depuis 2023, le plafond annuel d’heures de travail qu’un étudiant peut prester a été porté de 475 à 600 heures. Cependant, la somme annuelle que pouvait au maximum gagner un étudiant tout en restant à charge de ses parents n’avait pas changé. La loi du 12 décembre dernier vient de régler le problème. Le plafond des ressources nettes est porté, pour tous les enfants, à 7.010 euros pour 2023 (exercice d’imposition 2024 et déclaration à remplir cette année) et à 7.290 euros pour 2024 (exercice d’imposition 2025). Pour déterminer si ce que gagne votre enfant demeure bien dans les limites fiscales, il convient de rajouter à cette somme les premiers 3.190 euros gagnés qui sont exonérés ainsi que des frais forfaitaires de 20 % (les frais réels existent mais sont peu fréquents). Prenons l’exem­ple d’un étudiant qui va gagner 12.000 euros cette année. Est-il dans les clous ? Après déduction de l’exonération, il reste 8.810 euros. Une fois les frais déduits (1.762 euros), le montant net pris en compte par le fisc devient 7.048. Il reste donc à charge. Il ne le serait plus s’il avait gagné cette somme en 2023. Signalons quand même qu’avant la loi de décembre dernier, le plafond des ressources nettes valait moins de 4.000 euros…

7. Bienvenue aux travailleurs des arts !

Une 
nouvelle 
réglementation concernant le statut, les indemnités et l’enregistrement des travailleurs des arts est 
d’application depuis le 1er janvier 2024. © Getty Images

Une nouvelle réglementation concernant le statut, les indemnités et l’enregistrement des travailleurs des arts est d’application depuis le 1er janvier 2024. Elle consacre l’arrivée d’un nouveau statut appelé travailleur des arts. Il englobe tant les artistes eux-mêmes que le personnel de soutien (producteur, etc.) et le personnel technique (son, éclairage, etc.). Ce statut, qui peut englober un travail salarié ou indépendant, suppose une reconnaissance, valable cinq ans, délivrée par la Commission du travail des arts composée d’experts du secteur, de spécialistes en sécurité sociale et de partenaires sociaux. Sous conditions, cette reconnaissance ouvre un certain nombre de droits sociaux semblables à ceux de travailleurs “ordinaires” (pension, maladie et invalidité, allo­cations familiales, etc.) et donne droit, parfois, à une allocation de chômage. La réglementation règle aussi le cas des travailleurs de l’art amateurs. La législation est très complexe. N’hésitez pas à consulter la plateforme Working in the Arts pour plus d’informations si vous êtes dans le cas.

8. Des secteurs en plus pour les flexi-jobs

C’est un rappel mais il est utile vu l’importance croissante prise par les flexi-jobs dans notre économie. Jusqu’à présent, il était possible de décrocher cet emploi complémentaire dans l’horeca, le commerce de détail, le commerce alimentaire, la boulangerie-­pâtisserie, le sport, les cinémas et salles de spectacle, les services de santé, les grands magasins, la coiffure et les soins de beauté. Depuis le 1er janvier, 12 secteurs ont été ajoutés à cette liste : le transport en bus, l’enseignement et l’édu­cation, les garderies d’enfants, le sport et la culture (secteur public), les pompes funèbres, l’événementiel, le secteur automobile (garages), l’agriculture et l’horticulture, les autoécoles, l’immobilier, les entreprises de déménagement, l’alimentation.

Depuis cette année, 12 nouveaux secteurs professionnels peuvent recourir aux flexi-jobs.

Le législateur a toutefois autorisé un système d’opt-in/opt-out moyennant la conclusion d’une convention sectorielle. Ces 12 nouveaux secteurs disposent ainsi de l’autonomie d’interdire les flexi-jobs ou de ne les autoriser que partiellement (opt-out). Des secteurs non encore concernés peuvent, eux, décider de rentrer dans le système (opt-in). Parmi les nouveautés de la nouvelle réglementation entrée en vigueur le 1er janvier, on épinglera l’augmentation de la cotisation patronale de 25 à 28 %, la définition d’une exonération fiscale jusqu’à 12.000 euros (sauf pour les pensionnés), l’interdiction d’exercer un flexi-job chez l’employeur où le travailleur est déjà occupé par le biais d’une autre relation de travail et la définition d’un salaire minimum.

Hors horeca, ce dernier doit correspondre au salaire minimum sectoriel pour la fonction exercée. En son absence, le travailleur flexi-job doit recevoir un salaire au moins égal au revenu minimum mensuel moyen garanti (RMMMG). Enfin, pour éviter les abus, le législateur a aussi défini un salaire maximum : 150 % du salaire minimum sec­toriel ou du RMMMG.

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