Après un an, la semaine de 4 jours séduit peu
La semaine de quatre jours a déjà fait couler beaucoup d’encre. Que l’on soit pour ou contre, voici bien un sujet qui ne laisse personne indifférent. Même ceux qui n’y ont pas droit ont un avis dessus. Et les enquêtes se multiplient, comme en témoignent encore ces deux nouvelles études de Tempo-Team et de l’UGent.
Ce qui ressort de l’enquête de Tempo-Team c’est que les Belges ont soif de congés. Un peu plus de la moitié des travailleurs interrogés (51%) sont prêts à troquer 10% de leur salaire contre des jours de congé supplémentaires. Ainsi, il serait aisé d’arriver à la conclusion que bon nombre d’entre eux ont opté pour la semaine de 4 jours (le travail des cinq jours condensés sur 4 jours sans perte de salaire). Pourtant cette enquête, menée en collaboration avec la professeure Anja Van den Broeck, experte en motivation du travail à la KU Leuven, démontre que ce n’est pas si simple : seulement 1 travailleur interrogé sur 200 y a recours*.
“Effectuer une semaine de travail complète sur quatre jours présente un certain nombre d’avantages : cela te permet de réduire les trajets et le temps de démarrage, souligne Anja Van den Broeck. Mais une bonne organisation du travail est cruciale. Par exemple, il est désavantageux de ne pas aider ses clients un jour par semaine. »
Ainsi, 57 % de tous les travailleurs se disent inquiets des inconvénients d’une semaine de travail complète prestée sur 4 jours ouvrables. Et ils sont 74 % à préférer conserver le régime actuel de 5 jours de travail par semaine, qui à leurs yeux préserve un meilleur équilibre entre travail et vie privée d’une part, mais qui accorde surtout davantage de jours de congé durant l’année. “Sur le plan personnel, il y a aussi un problème : même si tu es à la maison un jour de plus, les autres jours, tu es loin de chez toi pendant très longtemps, ce qui est souvent difficile à concilier avec les tâches ménagères et les loisirs”, précise l’experte en motivation du travail à la KU Leuven.
Différence employés vs ouvriers
L’attrait de la semaine de 4 jours fait débat aussi entre employés et ouvriers.
Enseignement étonnant, et contre toute attente, ce sont surtout les employés (61,1 %), bien plus que les ouvriers (47,3 %), qui redoutent les inconvénients d’une semaine de 4 jours de travail. Plus d’un quart des employés (27,4 %) contre seulement 10,1 % des ouvriers affirment ne pas être en mesure de réaliser tout le travail nécessaire en seulement 4 jours, malgré un allongement de l’horaire quotidien.
De plus, 20,9 % des employés contre 15,4 % des ouvriers sont persuadés qu’un temps complet, presté sur 4 jours, est plus éprouvant et que le jour de congé additionnel servira surtout à récupérer. Et 15 % de tous les participants à l’enquête craignent que la semaine de 4 jours s’avère trop stressante.
Quant à la fameuse moitié des travailleurs disposés à gagner 10 % de moins contre des avantages améliorant l’équilibre entre vie privée et professionnelle (temps libre en plus ou des jours de vacances supplémentaires), la différence employés vs ouvriers, est aussi marquée : 54% des employés sont le plus ouverts à cette idée contre 46% des ouvriers.
À situation différente, envie différente
Mais ce choix de sacrifier une partie du salaire (10%) contre plus de temps libre ne dépend pas que du statut des personnes interrogées. Leur situation personnelle intervient également dans ce choix. Ainsi, 54 % des répondants ayant des enfants à la maison se déclarent prêts à gagner moins, si cela peut leur apporter d’autres avantages. Ce pourcentage retombe à 49% chez les répondants sans enfants.
Sans oublier l’âge du travailleur, car 58 % des plus de 55 ans ne sont pas enclins à perdre en salaire pour gagner d’autres avantages. C’est aussi ce que pensent 49 % des personnes âgées de 35 à 54 ans et 44 % des plus jeunes.
Comme souvent, la motivation et le plaisir ressenti au travail sont les meilleurs remèdes, quels que soient les 4 ou les 5 jours choisis. En effet, plus ceux-ci sont élevés, moins les personnes concernées éprouvent le besoin d’avantages additionnels. Les 57% des travailleurs accordant un score maximal de 6/10 à leur motivation professionnelle et au plaisir ressenti au travail déclarent vouloir échanger une partie de leur salaire contre des avantages additionnels, alors que seulement 45 % des travailleurs qui accordent à cette thématique un score équivalent ou supérieur à 9/10 sont dans le même cas.
“Comme le montre très clairement cette étude, chacun a sa propre définition de l’équilibre entre travail et vie privée, conclut Sébastien Consentino, porte-parole de Tempo-Team. Mais elle trahit un besoin bien supérieur en jours de congé lorsque ceux-ci s’avèrent nécessaires, et nettement moins l’envie de ramener la semaine de travail à 4 jours. Une politique des ressources humaines adaptée à chaque individu est la solution la plus recommandée.”
Et du côté de l’UGent?
Un an après l’entrée en application de cette semaine de 4 jours, force est de constater que cette formule ne séduit qu’un nombre restreint de travailleurs, et encore moins de patrons…
Le 4 octobre dernier, le prestataire de services RH, Acerta, a publié une étude sur le sujet. L’étude portait sur 40.000 employeurs employant 390.000 travailleurs à temps plein et indiquait une forte progression (il est question de plus 56%) du nombre de travailleurs ayant opté pour la semaine des quatre jours. Mais cette augmentation est à prendre avec recul tant elle s’applique à des petits volumes… Toujours selon Acerta, 1,9% des employeurs appliquent ce nouveau régime. C’est une progression indéniable mais qui reste toutefois minime.
1. Ce type d’horaire de travail (cinq jours condensés en quatre) n’est généralement pas perçu comme une source d’une plus grande flexibilité. Il s’agit même plutôt du contraire, la réglementation entourant ce type d’horaire entraîne des heures de travail plus strictes.
2. La mesure semble avoir atteint un de ses objectifs principaux : tous les cadres interrogés et la grande majorité des employés constatent des effets bénéfiques sur l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée.
3. Par contre, la semaine de quatre jours semble manquer un autre de ses objectifs principaux. L’Ugent souligne que sur base des entretiens passés, cette mesure n’a que peu d’impact afin de réduire le burn out. Cela semble dépendre fortement de la situation de l’employé.
4. Dans l’ensemble, la mesure ne semble pas non plus avoir d’impact significatif sur la santé physique, la performance au travail et l’absentéisme. Selon les personnes interrogées, ces résultats étaient en partie le résultat de l’adoption d’un horaire de travail plus flexible (mais convenu de manière informelle).
5. Plusieurs travailleurs ont signalé cependant un certain nombre d’inconvénients suite au passage de la semaine de 4 jours : un moins bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée, un risque accru d’épuisement professionnel, davantage de plaintes concernant des douleurs physiques (dorsales et cervicales), des insomnies et un sommeil de moindre qualité, une surcharge de travail pour l’équipe en raison des journées de travail plus longues.
6. Les avantages susmentionnés sont principalement signalés par des hommes et des femmes qui, de manière volontaire, effectuaient déjà de nombreuses supplémentaires, et par des hommes en couple avec des enfants en bas âge et qui cherchaient un équilibre entre leur emploi principal, un projet personnel (le développement d’une activité indépendante ou un projet de rénovation) et le temps consacré à la famille.
7. Les inconvénients/risques ont été principalement signalés par les femmes qui considéraient un tel horaire de travail comme une alternative au travail à temps partiel. Le manque de flexibilité dans la pratique a perturbé la vie privée et familiale de certaines d’entre elles.
*Source Acerta : https://www.acerta.be/nl/insights/in-de-pers/al-5-op-de-1000-werknemers-maken-gebruik-van-systeem-van-vierdagenwerkweek
**C’est ce qui ressort d’une enquête menée par Tempo-Team en septembre 2023 auprès d’un échantillon représentatif de 2500 travailleurs, en collaboration avec la professeure docteure Anja Van den Broeck, experte en motivation du travail à la KU Leuven
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