Ressources humaines: comment l’analyse des data peut prévenir les burn-out
Les analyses de data peuvent être utiles au secteur des ressources humaines pour, entre autres, anticiper les absences du personnel et prévenir les burn-out. Des garde-fous éthiques doivent cependant être mis en place dans le processus d’analyse de ces données sensibles.
Les entreprises font de plus en plus appel à l’analyse des données de leur personnel pour réaliser des plannings, comprendre certains départs ou éviter des surmenages. Joos Van Dyck, Director Business Intelligence chez Acerta Consult, confirme à Trends Tendances que les grandes entreprises disposent souvent d’une équipe spécialisée dans les data et qu’elles ont l’expérience de la collecte de données. Généralement, il faut un volume assez important d’informations pour pouvoir en tirer des conclusions. Ce sont donc souvent des sociétés qui ont plus d’un millier d’employés qui font appel à ce genre d’analyse.
“Dans les PME, il y a probablement des solutions beaucoup plus simples qui vont permettre d’arriver à 80 % du résultat avec 20 % des ressources”, estime Julien Theys, Managing Partner d’Agilytic. Cette société belge est spécialisée dans l’analyse de data, dans le secteur du marketing ou de la finance. Elle collabore aussi fréquemment avec des départements de ressources humaines de sociétés belges.
Par exemple, pour essayer de comprendre pourquoi une personne souffre de burn-out, de nombreuses données sont passées à la moulinette des algorithmes des data scientists : qu’est-ce qui s’est passé ces dernières années dans un département ? Qui est parti, qui était absent ? Quels sont les éléments communs qui précipitent des départs et des surmenages ? Est-ce lié à une longévité, une promotion, un âge, un manager,…? « Les facteurs qui ont le plus d’influence pour éviter certains comportements ressortent de notre analyse. Parfois, nous identifions aussi des causes sur lesquelles nous n’avons aucune prise. Par exemple, la distance domicile-lieu de travail peut être pertinente, mais ce n’est pas une donnée actionnable», explique Julien Theys.
Equilibrer la charge de travail
L’analyse de toutes ces données permet une meilleure planification du travail en équipes. “Pour la planification des employés, il s’agit de prévoir la charge de travail et de l’équilibrer avec la disponibilité des employés. Mais, cela peut même se faire en grande partie par le biais de rapports classiques en prenant en compte la planification des congés et autres d’une part et les carnets de commande ou les commandes d’autre part, ou en examinant la saisonnalité de la charge de travail passée”, explique Joos Van Dyck. Pour le spécialiste RH, il semble toutefois plus difficile de prévoir l’absentéisme. L’épuisement professionnel, en revanche, peut être prédit en examinant l’absentéisme passé et surtout les données qualitatives telles que les enquêtes de satisfaction, les données d’évaluation, etc.
“L’optimisation des équipes, c’est simplement d’essayer d’éviter que des équipes se tournent les pouces, mais également que des équipes ne soient surmenées”
Julien Theys, managing partner d’Agilytic
Dans les entreprises où les chaines de production ne doivent pas être interrompues, pouvoir prévoir les absences des travailleurs est très utile. Les équipes, elles-mêmes sont demandeuses de planning plus précis. “L’optimisation des équipes, c’est simplement d’essayer d’éviter que des équipes se tournent les pouces, mais également que des équipes ne soient surmenées”, résume Julien Theys. Il poursuit: “Si on donne au personnel un cadre de travail avec une charge de travail prévisible, où on peut anticiper les pics et les creux de manière bien plus précise par rapport à la charge de travail, il n’y aura pas de baisse d’efficacité dans le planning. Etablir ce planning des ressources permet aussi de s’assurer d’être suffisamment dimensionné pour que la charge de travail reste humaine et que l’employé ne se retrouve pas dans une situation de surmenage. De l’autre côté, le client final, ne ressentira pas de baisse de qualité de service.”
Optimisation des équipes
Cette analyse sur l’optimisation des équipes est valable dans n’importe quel secteur. Elle peut aussi être appliquée à des processus administratifs. “Il y a de nombreuses opportunités, notamment dans les back-office, dans les call-centers, des endroits où il y a souvent une charge de travail élevée”, donne comme exemples Julien Theys. “Il y a des saisons qui sont plus chargées que d’autres, en comptabilité par exemple…Il y énormément de saisonnalité que l’on peut anticiper.”
Pas besoin cependant de faire appel à un data scientist pour savoir que la fin du mois est traditionnellement plus chargée dans certains départements et que les fêtes de fin d’année vont mettre à rude épreuve la grande distribution. “Mais, si l’on intègre toute une série de facteurs externes et internes au modèle d’analyse, il va prévoir sur le long terme le volume de travail dans certains départements. Ce qui permet de faire gagner du temps, d’améliorer l’efficacité de l’organisation et par la même occasion, la qualité de vie des employés.”
Une approche “bienvaillante et humaine”
Julien Theys rappelle qu’il est primordial que cette analyse des données soit réalisée avant toute chose en mettant l’humain au centre des préoccupations. « Appliquer le mécanisme d’analyse de données au secteur des ressources humaines doit partir d’une démarche bienveillante». Elle se doit en effet d’être particulièrement cadrée pour assurer le bien-être des employés concernés et leur anonymat. “C’est le bien-être humain qui doit servir de variable d’optimisation”, insiste le CEO d’Agilytic.
« Appliquer le mécanisme d’analyse de données au secteur des ressources humaines doit partir d’une démarche bienveillante».
Julien Theys, managing partner d’Agilytic
Dans ce contexte, obtenir l’adhésion du personnel est aussi primordial. “Il est très important d’inclure dès le début les bénéficiaires finaux, d’avoir leur ressenti, leur feedback. Car, si l’on force la technologie sur les humains, cela peut créer un mécanisme de méfiance et de rejet qui est légitime et naturel”, explique Julien Theys. “Il est important que les employés sachent que les données qu’ils génèrent au sein de l’organisation font l’objet d’une analyse. Bien entendu, toute analyse doit également être à l’épreuve du GDPR”, confirme Joos Van Dyck, d’Acerta Consult.
Car, le risque existe que l’objectif recherché ne soit que purement financier en vue d’une rentabilité renforcée aux dépens du bien-être des employés. “Cela ne sera alors pas la faute de la technologie, mais bien celle des humains qui vont la paramétrer d’une certaine façon”, explique le data scientist. Joos Van Dyck abonde dans ce sens : “Les RH peuvent prendre des mesures plus ciblées grâce à la collecte des données, mais il est important que des humains examinent les résultats de l’analyse”. Il poursuit: “Selon l’analyse, il peut également être difficile d’interpréter pourquoi le modèle prédit un résultat particulier. Le modèle lui-même est une black box. C’est pourquoi il est important de valider le modèle sur la base de données antérieures, dont on connaît déjà le résultat”.
Eviter les dérapages
Des utilisations “malveillantes” doivent absolument être évitées, selon Julien Theys. “Il peut en effet y avoir d’énormes dérapages en analysant ces données sensibles. Il ne faut pas nécessairement être mal intentionné pour faire le mal. Des personnes pensent bien faire, mais elles peuvent mal utiliser la technologie, car elles n’ont pas dressé de garde-fous dans les méthodologies et qu’elles n’ont pas réfléchi aux conséquences négatives sur des tiers.”
D’où l’importance d’avoir une logique de professionnalisation de la discipline et d’établir des règles de précaution techniques et éthiques, alerte le spécialiste des données. “N’oublions pas que, contrairement au marketing, dans les RH, les enjeux, ce sont des vies, des carrières, des destins familiaux. Il faut donc être très prudent avec ce type d’analyses”, prévient-il.
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