R&D : comment les PME belges peuvent optimiser les incitants fiscaux

La Belgique doit simplifier ses démarches administratives et offrir un meilleur retour sur investissement pour stimuler l’innovation dans les petites entreprises, selon la dernière étude du cabinet de conseil international Ayming. Selon ses experts, notre pays offre des avantages fiscaux moins généreux, et l’administration y est plus complexe que dans les autres pays.

Innover, oui. Mais à quel prix ? Pour les PME belges, la réponse est de plus en plus préoccupante. Si l’innovation est un levier stratégique essentiel, l’environnement fiscal belge peine à leur offrir le soutien nécessaire pour transformer leurs idées en projets concrets. C’est le constat dressé par le Benchmark 2025 du cabinet de conseil international Ayming. Ce dernier a comparé les incitants fiscaux à la R&D dans 24 pays, en Europe, en Amérique et en Asie. Résultat : la Belgique se situe nettement en dessous de ses voisins, tant en termes de soutien financier que de simplicité administrative.

Un retour sur investissement trop faible

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Une petite entreprise belge peut récupérer en moyenne 13,5 % de ses dépenses en R&D via des déductions fiscales (11,3 % pour les grandes entreprises). En comparaison, une PME française bénéficie d’un taux de 30 %, une néerlandaise de 32 % et une allemande de 25 %. Pour une structure qui doit surveiller chaque euro investi, cet écart est loin d’être anodin. « Cela signifie que pour une même dépense en innovation, une PME belge est structurellement désavantagée par rapport à ses homologues européennes », explique Tony Bulcaen, Innovation Performance Director chez Ayming.

Des démarches trop complexes pour les petites structures

Mais au-delà du soutien financier, c’est la complexité administrative du système belge qui pose problème. Procédures lourdes, manque de clarté, outils numériques limités : autant d’obstacles qui freinent les PME dans leur volonté de profiter des dispositifs existants. « Pour une grande entreprise disposant d’un département fiscal ou juridique, ces démarches sont absorbables. Pour une PME, elles représentent un risque, une perte de temps et une incertitude trop grande », analyse Tony Bulcaen.  Avec la conséquence que de nombreuses petites structures passent tout simplement à côté des aides disponibles. Ce qui représente une perte sèche de compétitivité à long terme.

Des pistes concrètes pour sortir de l’impasse

Face à ce constat, Ayming appelle les autorités belges à agir rapidement sur deux fronts. « La Belgique doit faire des efforts pour rester compétitive », avance Tony Bulcaen. « Le pays doit augmenter sa générosité afin de s’aligner avec les pays voisins, investir dans la simplification administrative et la numérisation des processus, ainsi qu’ encourager l’utilisation des incitants fiscaux par les PME avec un accompagnement ciblé. » L’objectif étant que les incitants à la R&D soient réellement accessibles, y compris pour les structures sans service financier interne.

Les PME belges risquent de se retrouver à la traîne si rien ne change. « Il faut une volonté politique claire de soutenir les petites entreprises dans leurs efforts d’innovation, sans quoi elles délaisseront la R&D ou chercheront à la développer ailleurs », prévient Tony Bulcaen.

Une concurrence mondiale féroce

Le Benchmark 2025 montre aussi que l’Europe, et la Belgique en particulier, évolue dans un environnement de plus en plus concurrentiel. La Chine, par exemple, offre jusqu’à 200 % de super-déduction fiscale pour la R&D dans certains secteurs stratégiques. « La Chine combine les avantages fiscaux et le financement étatique, et utilise l’innovation en tant qu’instrument géopolitique », déclare Tony Bulcaen. Les États-Unis, malgré une certaine instabilité réglementaire, restent eux-aussi plus compétitifs que la Belgique. Leur méthode ASC (Accounting Standards Codification), un système de normalisation comptable qui regroupe toutes les normes et règles comptables américaines sous une codification unique, offre un avantage fiscal de 14 %. Les réformes mises en place par l’administration précédente créent toutefois de l’incertitude à l’avenir. Certaines entreprises envisagent de délocaliser leurs investissements en R&D.

Une union fragmentée

Le cabinet de conseil Ayming donne, par ailleurs, des recommandations pour l’Union européenne. « L’Union européenne reste fragmentée, sans approche unifié et avec de grandes disparités entre les États membres. Par exemple, le régime IP Box (lire ci-dessous) ne s’applique qu’à 13 des 27 États membres, chacun ayant ses propres modalités et avantages. Cette fragmentation affaiblit la force collective d’innovation de l’Europe. Nous recommandons l’harmonisation des systèmes nationaux. Il est important de promouvoir la coopération et le partage des connaissances, et de mieux intégrer les incitants à la R&D dans une politique plus large de l’innovation, comme Horizon Europe. »

PME : 3 démarches clés pour activer les incitants fiscaux à la R&D en Belgique

1. Identifier vos activités R&D éligibles
Toutes les innovations ne sont pas forcément éligibles aux incitants fiscaux. Pour entrer dans le cadre, vos projets doivent comporter une dimension technique ou scientifique, une incertitude à résoudre et un processus structuré d’expérimentation. Pensez à documenter vos démarches dès le départ (carnets de labo, fiches projets, etc.).
2. Choisir et activer le(s) incitant(s) fiscal(aux) approprié(s)
Plusieurs mécanismes existent, cumulables sous conditions :
Déduction pour revenus d’innovation (IP Box) : le régime IP Box (ou “Innovation Income Deduction” en Belgique) est un dispositif fiscal qui permet aux entreprises de bénéficier d’une réduction d’impôt sur les revenus générés par leurs actifs intellectuels, comme les brevets, logiciels ou certificats végétaux. En Belgique, jusqu’à 85 % de ces revenus peuvent être exonérés d’impôt, sous certaines conditions.
Déduction pour investissement R&D : jusqu’à 13,5 % pour les PME sur certains équipements ou actifs immatériels.
Exonération partielle du précompte professionnel : sur les salaires des chercheurs.
Un avis préalable auprès du SPF Finances ou d’un conseiller spécialisé est recommandé pour maximiser vos chances.
3. Préparer une justification claire et sécuriser la documentation
La charge administrative reste lourde. Il faut pouvoir prouver l’éligibilité technique, comptable et fiscale du projet en cas de contrôle. Conservez des preuves structurées : descriptions de projets, coûts liés, CV des chercheurs, contrats, rapports d’avancement.

Bon à savoir
Des organismes comme Innoviris, SPW Recherche ou VLAIO proposent un accompagnement gratuit pour les PME locales.
Une demande d’attestation auprès de Belspo peut être nécessaire pour certaines exonérations fiscales.

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