Quelles leçons tirer des chutes de Mithra et Cellaïon ?

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Les dernières mésaventures du secteur biotech montrent qu’il est très risqué. Mais il peut être très rentable.

Les dernières nouvelles concernant Mithra et Promethera/Cellaïon aujourd’hui, et le souvenir des chutes de Celyad, Thrombogenics/Oxurion, Bone Therapeutics/Bioscenic, Asit Biotech hier, nous rappellent que le parcours des entreprises de biotechnologie est semé d’embûches.

Mithra se débat pour ne pas définitivement sombrer, mais la tempête que la société liégeoise affronte est de grande ampleur. Mithra a annoncé ce mardi 4 juin avoir demandé au tribunal de l’entreprise de Liège de prolonger jusqu’au 30 juin 2024 les mesures de protection judiciaire qui lui avaient été accordées précédemment. Ces mesures couraient initialement jusqu’au 19 juin. Elles plaçaient sous protection de réorganisation judiciaire la filiale Novalon et le CDMO du groupe liégeois, afin de faciliter la revente par appartement de ce qui reste vendable. Un acquéreur, le groupe hongrois Gedeon Richter, serait intéressé par certains actifs liés à l’estetrol et à la pilule Estelle.

De son côté, comme l’annonce L’Echo ce 5 juin, Cellaïon, anciennement Promethera, a été mise en liquidation. Son traitement concernant les insuffisances hépatiques qui se déclarent sur certaines maladies du foie s’est révélé insuffisant.

Risque biotech

Ces échecs ne doivent pas occulter les réussites d’entreprises comme ArgenX, UCB ou Univercells, mais soulignent que le secteur biotech, comme toute entreprise, n’est pas sans risque. Il est même certainement un des plus risqués. Sur la cinquantaine d’entreprises qui font partie de l’indice Next Biotech, presque la moitié ont des cours qui évoluent entre 0 et un euro. Et on ne parle que des sociétés qui se maintiennent encore dans l’indice, d’autres ont purement disparu. Certains estiment qu’une entreprise biotech sur sept, voire une sur dix seulement réussira à trouver la voie du succès.

Le risque biotech tient à trois éléments. Le premier est évidemment médical. La société doit valider son traitement de phase clinique en phase clinique pour réussir à passer la dernière ( la phase 3 ou 4, selon le projet) puis être agréée par les autorités des marchés les plus importants, le principal étant le marché américain. Et dans ce parcours, il y a beaucoup de chutes. Des entreprises comme Celyad, Cellaïon, Bone Therapeutics… n’ont pas réussi à démontrer la validité de leur traitement.

La vallée de la mort

Intervient alors le deuxième élément : le financement. Une biotech traverse souvent une « vallée de la mort », une période au cours de laquelle elle investit beaucoup, mais ne reçoit pratiquement pas de recette. Cela demande plusieurs tours de financement, mais ces levées de capitaux ainsi que le montant qui sera demandé ne peut pas toujours être anticipé au départ. Il y a donc un risque extrême de dilution des actionnaires historiques. La FSMA avait voici un peu plus d’un an émis une mise en garde contre ces sociétés en mal de financement qui lèvent des obligations convertibles comportant des conditions de dilution importante pour les actionnaires existants : plus l’action baisse, plus le nombre de nouvelles actions pouvant être créées est important. Et une fois la conversion réalisée, les fonds d’investissement qui ont reçu ces actions les vendent, ce qui fait plonger le cours. Le gendarme belge des marchés avait ajouté (on était en février 2023), que « neuf sociétés cotées soumises à (notre) contrôle recouraient à de telles obligations convertibles pour combler leurs besoins de financement. Ces émetteurs sont pour la plupart des biotechs ou des medtechs. »

Et puis, le dernier risque est sans doute celui de la gouvernance de ces sociétés. Le porteur du projet est souvent un scientifique, qui n’a pas toujours l’ADN entrepreneurial. Et les apporteurs de capitaux ne mesurent pas toujours l’enjeu scientifique. Le mariage peut très bien se passer, mais il peut parfois donner une progéniture faible, à une stratégie boiteuse.

Analyser et diversifier

Cela ne veut pas dire qu’un investissement en biotech est à déconseiller et que le secteur est maudit. Loin de là. Le secteur biotech belge est réputé, et son utilité n’est plus à démontrer : on a vu lors du covid à quel point le savoir de ces laboratoires de pointe est décisif. Mais si un particulier veut y investir, il doit avoir le cœur bien accroché. Le risque est très élevé, mais le rendement peut aussi être énorme. Celui qui a acheté ArgenX au début de sa cotation, voici 10 ans, a multiplié sa mise par 40. Le conseil, donc, encore et toujours, est de regarder la position de liquidité de l’entreprise dans laquelle on veut investir (ArgenX et Galapagos étaient des biotechs qui s’étaient assurées de disposer d’un imposant matelas de trésorerie au départ) et de diversifier, encore et toujours, afin de multiplier ses chances de succès qui combleront le risque, inévitable de l’échec.

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