Quel avenir pour Umicore 
et la voiture électrique?

L’ACTION ­UMICORE peut-elle se redresser ? © Belga

Acculé par les inquiétudes entourant sa division batteries, Umicore a perdu les trois quarts de sa valeur boursière depuis 2021. L’action peut-elle se redresser ? Faut-il s’inquiéter pour les autres acteurs de la voiture verte comme Melexis ?

Printemps 2021, tout sourit à Umicore. Le spécialiste des métaux non ferreux profite de l’envolée des prix des métaux platinoïdes, signe un partenariat avec le géant BASF et lorgne la forte croissance de la mobilité électrique. Le groupe se dote aussi d’un nouveau CEO en la personne de Mathias Miedreich, spécialiste du secteur automobile. Un choix qui semble évident étant donné la forte dépendance d’Umicore aux pots catalytiques (métaux platinoïdes) et ses importants investissements dans les matériaux pour batteries.

Avertissement sur résultat

Trois ans plus tard, le tableau est nettement moins idyllique. Le titre a chuté d’un pic de 60 euros à moins de 15 euros et Umicore a annoncé un changement de CEO surprise à la mi-mai. Bart Sap, le nouveau capitaine, aura fort à faire alors que son mandat a commencé par un avertissement sur résultats.

Mi-juin, le groupe a raboté ses prévisions annuelles en raison du “ralentissement de la croissance des VE” (voitures électriques). Dans le détail, Umicore explique pâtir de l’expiration plus rapide que prévu des volumes de ses contrats historiques, de retard dans la montée en puissance prévue des nouveaux contrats en Europe en raison de la réduction de la voilure des plans d’électrification et de la non-concrétisation des volumes prévus pour un constructeur chinois de batteries.

Erreur de technologie

Le ralentissement du marché du véhicule électrique est réel. Au niveau mondial, les ventes avaient même quasiment stagné en février avant de rebondir les mois suivants, mais avec une croissance inférieure aux dernières années. En Europe, les ventes de voitures entièrement électriques n’ont progressé que de 2,1% au cours des cinq premiers mois de l’année selon les chiffres de l’ACEA (fédération du secteur automobile).

Cela n’explique toutefois que partiellement les déboires d’Umicore qui était déjà à la peine avant ce ralentissement. La principale explication tient à la percée des batteries dites LFP (lithium-­­fer-phosphate) alors que le groupe belge est spécialisé dans les cathodes pour batteries NMC (nickel-manganèse-cobalt). Ces dernières sont historiquement bien plus performantes en termes de densité (énergie stockée par rapport à la masse de la batterie), mais les accumulateurs LFP ont réduit l’écart et sont surtout 20% moins chers selon l’Agence internationale de l’énergie.

La part des voitures électriques avec une batterie LFP est ainsi passée de 6% en 2020 à plus de 30% en 2022 sous l’impulsion notamment des constructeurs chinois et de Tesla. Dans leur dernier rapport sur les perspectives à long terme des voitures électriques, les analystes de BloombergNEF estimaient que la chimie LFP pourrait représenter la majorité du marché d’ici deux ans.

Batteries en suspens

Aux dernières nouvelles, Umicore maintient pourtant le cap sur la chimie NMC, arguant que ses performances supérieures lui assureront toujours une place importante, notamment sur le segment premium. Mais même à ce niveau, les concurrents ne manquent pas comme la batterie solide qui pourrait atteindre une densité énergétique deux à trois fois supérieure.

La confiance actuelle semble ainsi de façade et motivée par les importants investissements déjà consentis. Dans l’attente de la revue stratégique dont le résultat doit être annoncé en juillet, les déboires actuels d’Umicore semblent en tout cas donner raison à son grand concurrent (dans les pots catalytiques) Johnson Matthey.

Quelle stratégie ?

Fin 2021, le groupe britannique avait déçu les marchés en annonçant renoncer au marché des batteries. Il justifiait alors sa décision par les perspectives de rentabilité limitées au vu des investissements à consentir. Des craintes justifiées puisque les marges sont déjà sous pression et le pire est même peut-être à venir selon Frank Claassen, analyste chez DegroofPetercam. “Le risque existe que les NMC deviennent un marché de niche plutôt qu’un marché de masse alors qu’une surcapacité se ­profile.”

Pour compenser l’inévitable impact de l’électrification sur ses activités (les voitures électriques n’ayant pas de pot catalytique), Johnson Matthey misait notamment sur l’hydrogène ou la décarbonation de la chimie. Avec un succès mitigé puisqu’il a annoncé en mai une division par trois de ses investissements dans l’hydrogène en raison du développement poussif du secteur.

Ne pas jeter le bébé

La situation d’Umicore et de son concurrent britannique demeure ainsi assez spécifique. Les deux leaders des pots catalytiques sont fondamentalement des perdants de la transition. Le groupe belge pensait avoir trouvé l’échappatoire et même une source de croissance avec les cathodes des batteries NMC, lui permettant d’utiliser son savoir-faire dans les matériaux complexes. Hélas, la concurrence technologique a joué les trouble-fêtes et Umicore suscite toujours la méfiance des analystes (4 recom­mandations de vendre et 11 avis neutres sur 19), même à un prix bradé.

Cela ne remet toutefois pas réellement en cause l’électrification. Même à un rythme ralenti, elle continue et les voitures électrifiées (électriques et hybrides rechargeables) représentent déjà plus d’une vente sur six dans le monde. En Chine, l’AIE table même sur une part de 45% cette année. Dans l’Union européenne, au Royaume-Uni, au Canada ou en Corée du Sud, les voitures thermiques traditionnelles devraient avoir disparu des show-rooms d’ici 11 ans. Globalement, les analystes de BloombergNEF tablent sur des ventes mondiales de voitures électriques de 30 millions en 2027 – le double de 2023 – et de 73 millions en 2040.

Pépite belge

Des perspectives qui sont de bon augure pour les entreprises exposées à l’électrification sans être cantonnées aux batteries NMC. Ce qui est le cas de Melexis parmi les acteurs belges. Spécialiste des semi-conducteurs pour l’industrie automobile, le fleuron de Roland Duchâtelet profite d’une forte croissance de son marché. Les dernières voitures électriques embarquent en effet environ 3.000 puces selon Polar Semiconductor, que cela soit pour la gestion de l’énergie, la connectivité ou les aides à la conduite, contre à peine 1.000 pour une voiture thermique récente.

Le ralentissement de l’électrification, combiné à la normalisation du marché des semi-conducteurs automobiles après des années de pénurie, a pesé sur Melexis en Bourse. Ce qui a ramené sa valorisation à un niveau attractif de 16 fois les bénéfices. Par ailleurs, l’actuel ralentissement ne doit, de plus, pas être exagéré. Les analystes tablent en moyenne sur un profit de 5,12 euros par action cette année, à peine 1,2% de moins qu’en 2023 et 58% de mieux qu’en 2021. Melexis devrait de plus renouer avec la croissance dès l’année prochaine.

Le titre Umicore a chuté d’un pic de 60 euros à moins de 15 euros et l’entreprise a annoncé un ­changement de CEO surprise à la mi-mai.

Leaders mondiaux

Ailleurs dans le monde, l’acteur incontournable de l’électrification est évidemment Tesla. Force est toutefois de constater que même après une chute de 55%, l’action reste chèrement valorisée à 76 fois les bénéfices prévus pour 2024 – contre un multiple de 4,6 pour Volkswagen par exemple. Les marchés tablent sur un rebond de ses marges dans l’automobile et le développement d’autres activités. Elon Musk a notamment évoqué des avancées dans l’intelligence artificielle, mais le potentiel est extrêmement incertain. D’autant plus que Tesla semble être en concurrence avec X (ex-Twitter) dans la galaxie d’entreprises du milliardaire. Un investissement dans Tesla est ainsi davantage basé sur Elon Musk que sur l’électrification.

Le constructeur chinois BYD, principal concurrent de Tesla, est une autre option évidente. Toutefois, ses rêves d’expansion internationale sont barrés par les vives tensions commerciales entourant les voitures électriques chinoises. Les Etats-Unis et l’Union européenne ont ainsi d’ores et déjà annoncé d’importantes surtaxes. Pour contrecarrer ces droits de douane, BYD mise sur la production locale avec une usine en Hongrie (et une deuxième en projet dans l’UE) et une au Mexique. Cela va toutefois ralentir son développement et le priver d’une importante partie de son avantage concurrentiel. A noter que Berkshire Hathaway, conglomérat de Warren Buffett, a récemment vendu un nouveau paquet de titres du constructeur chinois.

Les start-up comme Rivian ou Xpeng font pour leur part face à un marché désormais très concurrentiel, limitant leurs marges et leur capacité de financement.

Opportunités de niche

A l’heure actuelle, les meilleures opportunités semblent ainsi à trouver du côté des fournisseurs. ON Semiconductor (Onsemi), concurrent de Melexis, fait ainsi partie des valeurs bien positionnées et présente de plus une valorisation attractive de 14 fois les bénéfices. Ses résultats devraient davantage baisser cette année, mais Onsemi devrait ensuite rapidement renouer avec une forte croissance grâce à ses investissements. Le groupe américain a d’ailleurs récemment annoncé un projet de 2 milliards de dollars en République tchèque.

Autre bénéficiaire moins attendu de l’électrification, Autoliv est le leader mondial des équipements de sécurité automobiles. Le groupe américain a autant développé de nouveaux systèmes dédiés (coupe-circuits pour les batteries…) que des équipements plus adaptés (ceintures à faible bruit, airbags plus grands…). A 16,6 fois les bénéfices, Autoliv bénéficie d’une recommandation d’achat moyenne de surperformance des analystes avec un potentiel haussier à 12 mois de 25%.

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