Portrait de Sébastien Desclée, le patron belge du bout du monde
Né à Bruxelles, Sébastien Desclée a dirigé Publicis Belgique au début des années 2010, avant d’opter pour une carrière internationale. Il vit aujourd’hui à Auckland où il occupe depuis un an le poste de CEO de FCB New Zealand, un réseau d’agences de communication porté par 160 employés.
De l’autre côté du globe, la Nouvelle-Zélande s’étire sur près de 270.000 km2, soit un territoire neuf fois plus grand la Belgique, mais qui ne compte “que” 5 millions d’habitants. C’est dire toute l’importance du rôle que joue la nature dans cette contrée lointaine qui a notamment servi de décor à la trilogie cinématographique Le Seigneur des anneaux.
Ce rapport à la nature est très présent dans la culture maori qui a façonné le pays avant que les premiers Européens n’y débarquent en 1642 et n’occupent les deux îles principales depuis la fin du 18e siècle. Depuis cette colonisation et l’indépendance de la Nouvelle- Zélande proclamée en 1840, les Maoris ne représentent plus que 17% de la population, mais un travail de fond s’est opéré ces dernières années pour réintégrer toutes leurs valeurs et leur culture, non seulement dans la société néozélandaise mais aussi dans le monde de l’entreprise.
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Mesurer les enjeux
Témoin privilégié de cette transformation, Sébastien Desclée a posé ses valises à Wellington, la capitale du pays, il y a un an, avant de rejoindre Auckland, le phare économique de l’archipel, au nord du territoire. Ce Belge de 45 ans est en effet devenu le CEO de FCB New Zealand, un réseau d’agences de communication qui appartient à Interpublic Group, l’un des quatre “Big Four” du monde de la pub (avec WPP, Omnicom et Publicis).
“La première chose à faire quand on arrive dans un pays que l’on ne connaît pas, c’est d’essayer de le comprendre un tout petit peu et d’en mesurer les enjeux, explique Sébastien Desclée. Moi, je suis arrivé en tant que petit Belge pour apporter mon regard extérieur sur le business et les tendances publicitaires. Mais il y a en Nouvelle- Zélande un vrai défi de transformation de la culture au sein des entreprises pour intégrer davantage ces notions et ces valeurs maories. Dans ce cadre-là, j’ai effectué un gros travail avec mes équipes pour revoir le business de manière différente, avec une organisation plus inclusive par rapport aux minorités, maories et autres.”
Lorsqu’il rencontre des Maoris, Sébastien Desclée se présente avec l’Annapurna en guise de montagne et, plus modestement, avec la Molignée comme rivière.
Immersion en culture maorie
Pour épouser ce virage sociétal en Nouvelle-Zélande, Sébastien Desclée s’est lui-même imprégné de la culture maorie, et plus précisément du livre Aroha écrit par la docteure Hinemoa Elder. Le CEO de FCB New Zealand a même invité l’auteure de ce recueil de 52 pensées maories au sein de son agence pour présenter l’ouvrage à ses équipes et à certains de ses clients, histoire de faire évoluer les mentalités.
Mais ce n’est pas tout. Le patron belge s’est aussi mis en tête d’apprendre le maori pour montrer l’exemple et accélérer le processus d’inclusion dans l’entreprise. “J’essaie aujourd’hui de me présenter en maori, confie Sébastien Desclée, et c’est assez intéressant parce que les Maoris, qui ont un rapport très fort avec la nature, se présentent toujours en disant leur nom, bien sûr, mais aussi quelle est leur rivière et quelle est leur montagne. C’est une façon de raconter leur histoire et c’est aussi, pour moi, une ouverture et un cheminement qui sont très intenses.”
Molignée et Annapurna
Lorsqu’il rencontre des Maoris, Sébastien Desclée se présente dès lors avec l’Annapurna en guise de montagne (“j’ai eu la chance de me rendre, plus jeune, dans l’Himalaya, au camp de base de ce massif”, précise-t-il) et, plus modestement, avec la Molignée comme rivière. Ce petit cours d’eau s’écoule dans la région de Maredsous où le patron de FCB New Zealand possède la ferme familiale et où il se pose volontiers lorsqu’il revient en Belgique. Comme les Maoris, Sébastien Desclée avoue se sentir très proche de la nature, mais ce choix de la rivière Molignée est aussi une référence à la région où l’un de ses ancêtres fonda l’abbaye de Maredsous il y a tout juste 150 ans.
Mais pourquoi ce quadragénaire, qui fut le CEO de l’agence Publicis Belgique au début des années 2010, a-t-il subitement quitté le plat pays pour s’installer et travailler à l’autre bout de la planète? “Comme me l’a dit gentiment ma fille lorsque l’occasion s’est présentée à moi de reprendre la direction de FCB de New Zealand: ‘Papa, c’est maintenant ou jamais! ‘, raconte ce père de trois adolescents. Bien sûr, c’était un sacré pari car nous étions encore en pleine crise sanitaire, mais nous avons décidé de le relever en famille.”
Flash-back professionnel
Le monde de la publicité n’était pourtant pas le premier choix de Sébastien Desclée. Au départ, le jeune homme rêvait d’être fermier, mais ses études d’ingénieur agronome ne se révéleront pas vraiment concluantes. Il décide alors de changer de cap et embrasse avec succès les sciences de gestion.
Diplômé de la Louvain School of Management en 2000, Sébastien Desclée fait ses premiers pas professionnels chez Procter & Gamble (la multinationale américaine spécialisée dans les biens de consommation courante), d’abord comme analyste financier puis au sein du département marketing.
Le virage publicitaire s’opère en 2007. Il est alors débauché par le groupe Publicis pour redynamiser la filiale belge du géant français de la pub. Fort de ses bons résultats, il devient CEO de Publicis Belgique en 2011 et engrange, durant deux ans, de jolies récompenses nationales et internationales, notamment grâce à la créativité de l’agence anversoise Duval Guillaume qu’il dirige également au sein de l’entité belge qui compte, au total, 150 employés.
L’appel du large
En 2013, c’est le coup de théâtre: Sébastien Desclée quitte Publicis Belgique pour partir vers de nouveaux horizons géographiques. Nommé president international markets du vaste réseau d’agences FCB, il supervise alors une vingtaine de bureaux de communication déployés en Europe, au Moyen-Orient, en Asie, en Afrique et Amérique du Sud. Il occupe cette fonction nomade durant six ans et découvre pour la première fois le marché de la Nouvelle- Zélande, en 2014.
Cinq ans plus tard, le groupe Publicis lui fait à nouveau de l’oeil et lui propose cette fois le poste de global client lead pour gérer quelques grands comptes au niveau international, par exemple celui de la marque Heineken. L’aventure ne durera que deux ans, le temps que son ancien employeur FCB lui lance le défi de rejoindre la Nouvelle- Zélande pour y endosser le costume de CEO de cette antenne locale. “Lorsque nous avons atterri là-bas en août 2021, le pays était encore en situation de lockdown et nous avons d’abord dû être isolés à Wellington dans une maison qui, fort heureusement, était au bord de la mer. C’était surréaliste mais extraordinaire à la fois car le fait de se retrouver comme ça seul, avec femme et enfants, dans un nouveau pays à l’autre bout du monde, sans pouvoir trop bouger, était certes difficile mais aussi très intense.”
Une double casquette
Au fil des semaines, la situation se décoince et Sébastien Desclée peut abandonner le télétravail et le surf quotidien en famille pour rejoindre Auckland et le siège de FCB New Zealand. Forte de ses 160 collaborateurs, l’agence dispense ses services de communication et de marketing pour plusieurs grandes marques locales (la compagnie Air New Zealand, l’enseigne de distribution Pak’n’Save, le fournisseur d’énergie Mercury, etc.), à la fois dans la création publicitaire, l’achat médias et les nouvelles technologies. Mais cela ne suffit pas au patron belge qui se voit honoré, au printemps dernier, du titre de global international partner chez FCB, une fonction supplémentaire qui consiste à “animer la relation entre le réseau d’agences et tous ses pays franchisés, soit une soixantaine au total”, dixit Sébastien Desclée.
Cette double casquette le fait à nouveau voyager pour partager les dernières tendances publicitaires et les nouveaux outils en matière de communication auprès des différents bureaux. Une fonction “panoramique” qui lui permet non seulement de comparer les différents marchés, mais aussi de mesurer le taux de créativité de certains pays comme la Belgique et la Nouvelle-Zélande qu’il connaît très bien: “Les Néozélandais, comme les Belges, sont très forts en termes de créativité publicitaire, constate Sébastien Desclée. Il existe d’ailleurs une carte du monde qui a été dessinée par un publicitaire et où la taille de chaque pays a été redimensionnée en fonction des récompenses décrochées dans les grands festivals de la publicité, et donc de la créativité per capita. Sur cette carte, la Belgique et la Nouvelle- Zélande sont immenses, alors que d’autres grandes nations comme les Etats-Unis, la France ou la Grande-Bretagne apparaissent soudainement toutes petites.”
Un métier en pleine mutation
Aujourd’hui, à 45 ans, Sébastien Desclée est loin d’avoir terminé son parcours dans le monde de la publicité. Mais ses deux dernières décennies passées dans la com’ et le marketing le poussent à tirer malgré tout un premier bilan sur l’évolution de la profession: “Il est clair que le métier s’est fort complexifié, tant au niveau des cycles, des supports, du rythme et de la manière dont on doit désormais rebondir, conclut le CEO de FCB New Zealand. Avant, c’était relativement simple: on avait fait le tour avec une campagne télé, radio, print et affichage. Aujourd’hui, avec des budgets qui n’ont pas augmenté, on doit créer 1.000 fois plus de contenus pour faire beaucoup plus d’interactions personnalisées. Les composantes technologiques sont fortement présentes mais, surtout, les marques doivent jouer aujourd’hui un rôle beaucoup plus fondamental dans la transition sociale, sociétale et environnementale. Elles doivent nourrir leur raison d’être dans des thèmes qui sont pertinents par rapport à ce qu’elles font vraiment et par rapport à ce que les consommateurs attendent d’elles. Aujourd’hui, il faut qu’il y ait une cohérence absolue entre le message qu’elles véhiculent en tant que marques et tout ce qu’il y a derrière.”
A 22.000 kilomètres de sa terre natale, l’apprentissage du maori par Sébastien Desclée fait évidemment partie de cette cohérence qu’il défend et qu’il prône volontiers au sein de FCB New Zealand.
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