Philippe Kehren (Solvay): “Le contexte change vite et souvent, mais nous ne dévions pas de nos objectifs à long terme”


Le CEO de l’entreprise industrielle, dont le siège se trouve toujours à Bruxelles, souligne dans notre Trends Talk combien son modèle a anticipé l’évolution déroutante de l’économie à l’ère Trump. “Solvay est une entreprise qui a plus de 160 ans, qui a traversé beaucoup de crises et de guerres, mais Solvay est toujours là.”
Philippe Kehren, CEO de Solvay, est l’invité de notre Trends Talk qui passe en boucle ce week-end sur Canal Z. Cette entreprise industrielle historique, dont le siège se trouve à Bruxelles, emploie 9000 personnes dans le monde, vend partout et dispose de 45 sites sur tous les continents, sauf l’Afrique. Un acteur au regard acéré sur une économie devenue folle avec les décisions versatiles du président américain, Donald Trump.
“Nous allons bien, nous avons fêté le premier anniversaire du ‘nouveau Solvay’, une entreprise concentrée sur la chimie essentielle, les métiers historiques et les molécules connues”, entame-t-il. En décembre 2023, Solvay s’est scindé en deux à l’initiative de sa CEO, Ilham Kadri, pour donner naissance à Syensqo, active dans la chimie de spécialité, où l’on invente de nouvelles molécules. Notre principal défi, à nous, c’est d’adapter nos modes de production pour être compétitifs et durables.”
“Le plus près possible des clients”
Comment perçoit-il cette ère de guerre commerciale et d’incertitude? “Les choses changent très vite et très souvent, c’est ce qui caractérise la période que nous sommes en train de vivre, dit-il. Notre manière de voir les choses, c’est de ne pas dévier nos objectifs à long terme. Solvay est une entreprise qui a plus de 160 ans, qui a traversé beaucoup de crises, de guerres, des périodes difficiles et Solvay est toujours là. Ma mission, et celle de mes équipes, consiste à conserver cet héritage, à le transformer pour faire face aux nouveaux défis et à le transmettre aux nouvelles générations.”
L’entreprise “garde le cap”, insiste-t-il. “Mais nous devons nous adapter très vite au changement. Je pense qu’il y a des tendances de fond qui font partie de la stratégie de Solvay depuis le départ, notamment le fait d’être le plus près possible des clients. Nous passons d’un monde où tout était mondialisé à une période où l’on essaye de produire et vendre d’une manière plus régionale. On a traversé des périodes de crise comme le Covid, on a eu des ruptures d’approvisionnement importantes avec la Russie… La tendance consiste à trouver de la sécurité d’approvisionnement, des chaînes plus courtes… C’est un travail que l’on fait en permanence, mais c’est aussi un héritage. Solvay fait 80% de ses ventes à partir de production régionale.”
La crainte principale, au coeur de la guerre commerciale actuelle, c’est l’impact plus large d’une inflation forte qui réduirait la demande, dit-il.
Le retour des terres rares en Europe
Comme un symbole de l’adaptation aux temps nouveaux, Solvay a inauguré cette semaine à La Rochelle une usine de production pour aimants permanents. “Notre priorité en Europe, c’est avant tout de préserver l’industrie. Nous discutons notamment avec la Commission européenne pour soutenir notre compétitivité, souligne Philippe Kehren. Mais il y a aujourd’hui une volonté de remettre en oeuvre des filières stratégiques au niveau régional. C’est dans ce sens-là que nous faisons cette proposition à l’Europe. Nous produisons des terres rares depuis longtemps en Chine ou au Japon. Nous disposons à La Rochelle d’une usine unique au monde en dehors de la Chine parce qu’elle est capable depuis 77 ans de prendre n’importe quel type de minerai pour produire des terres rares pour n’importe quel usage.”
L’usine était déjà active pour la catalyse automobile, les puces électroniques ou des applications médicales comme les IRM. Cela sera désormais aussi le cas pour les aimants permanents, un élément clé de l’électrification des usages. “Aujourd’hui, les aimants permanents ou les terres rares pour les produire viennent quasi exclusivement de Chine, explique-t-il. C’est une dépendance que l’Europe a décidé d’attaquer puisqu’elle a rédigé une directive en 2023 sur les matières critiques. Dans cette directive, on se fixe l’ambition de ne pas acheter plus de 65% de ces matières stratégiques à un seul pays non européen.” L’usine de La Rochelle y contribuera.
Un Trends Talk passionnant, où il est aussi question d’innovation, de compétitivité et d’enjeu climatique, à ne pas manquer.
Trends Talk
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Solvay
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Siège social:
Neder-Over-Heembeek
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Secteur:
Holdings