Le modèle Odoo n’est pas unique – d’autres entreprises vendent leurs logiciels par abonnement – mais il est terriblement efficace, en raison des relations entretenues entre le groupe de Louvain-la-Neuve et ses désormais 10.000 partenaires. Exemple avec VS Consulting, jeune société de consultance bruxelloise, qui profite de la croissance d’Odoo pour soutenir son propre développement, et réciproquement. Plongée dans un business model.
On ne présente plus Odoo, success story wallonne avec une valorisation qui n’en finit pas de monter au fil des reventes de titres par d’anciens actionnaires. La progression est fulgurante : Odoo dépassait le milliard et devenait licorne en 2020, passait à 2 milliards en 2021, atteignait 5 milliards de valorisation en novembre 2024 et ce n’est pas terminé.
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Le chiffre d’affaires a connu le même chemin, avec une croissance régulière de plus de 40% par an : il était de 426 millions d’euros l’an dernier et “devrait atteindre 700 à 750 millions cette année”, nous précise le CFO d’Odoo Alessandro Mazzochetti.
Vers le milliard d’ARR
Cette valorisation importante d’Odoo est acceptée par les grands investisseurs qui sont entrés récemment au capital (BlackRock, Sequoia, etc.) parce que ce qui fait la valeur du groupe wallon est notamment la progression du revenu récurrent annuel (ARR en anglais) qu’il engrange. Le produit d’Odoo est une plateforme d’applications ERP (Enterprise Resource Planning), un système de planification des ressources qui permet, selon les modules que l’on utilise, de gérer et d’intégrer les différentes fonctions d’une entreprise : la finance, les ressources humaines, la production, la chaîne logistique, la gestion du site web…
Une fois qu’un abonnement est acquis, il va générer un revenu régulier pendant des années, car une entreprise ne peut pas se permettre de changer de système d’ERP tous les ans. Et ces revenus récurrents croissent de manière exponentielle. “Cette année, le montant des revenus récurrents devrait s’élever entre 500 et 550 millions d’euros, et nous sommes donc en ligne pour réaliser notre objectif, qui est d’atteindre le milliard d’ici 2027”, observe Alessandro Mazzochetti.
Plusieurs éléments de croissance
Cette croissance spectaculaire repose sur plusieurs éléments, explique-t-il. Il y a les caractéristiques du produit simple, modulaire, complet, qui est l’objet d’un important effort de R&D. “L’intégration native de modèles, le périmètre extrêmement large des fonctionnalités, la facilité d’implantation, la flexibilité, nous offrons toute une série de choses que la concurrence n’a pas aujourd’hui, observe le CFO. Mais il ne faut pas s’endormir. Notre département recherche et développement représente environ 10% du chiffre d’affaires annuel. Toutefois pour une société comme la nôtre, ce devrait être 20 à 25%, mais nous manquons de développeurs.”
Il y a aussi l’impact de la nouvelle politique tarifaire. “Il y a trois ans, nous facturions par utilisateur et par application, explique Alessandro Mazzochetti. Aujourd’hui, nous avons simplifié : un prix unique par utilisateur, indépendamment du nombre d’applications utilisées, avec deux niveaux : Standard et Custom.” Après la première application, gratuite, Odoo offre un forfait standard à 24,90 euros par utilisateur et par mois (19,90 euros la première année). Et pour les clients qui auraient des besoins de personnalisation plus poussés, Odoo propose un forfait personnalisé à 37,40 euros par mois (29,90 euros la première année). “L’idée est d’attirer les petites entreprises avec un tarif accessible tout en faisant payer davantage les grandes. Cette nouvelle politique tarifaire nous permet d’attirer 10.000 nouveaux clients par mois”, ajoute-t-il.
Dix mille partenaires et…

Et puis, le développement d’Odoo ne serait rien sans son réseau de partenaires, qui grandit à un rythme aussi spectaculaire que l’entreprise. “Nous venons de passer la barre des 10.000 dans le monde, avec une répartition géographique similaire à celle de notre chiffre d’affaires : 50 % en Europe, 30 % aux États-Unis, et le reste entre le Moyen-Orient et le Pacifique”, se réjouit Alessandro Mazzochetti.
“Nous venons de passer la barre des 10.000 partenaires dans le monde.” – Alessandro Mazzochetti (Odoo)
“Notre philosophie est d’ouvrir le partenariat à tous. Il n’y a pas de prérequis stricts : pas besoin d’être consultant, d’avoir un certain chiffre d’affaires ou une ancienneté particulière. Tout candidat peut devenir partenaire en s’inscrivant via notre programme, en payant une cotisation annuelle et en se formant sur le produit. Ensuite, il existe plusieurs niveaux de partenariat – Learning, Ready, Silver, Gold – qui dépendent du nombre de licences vendues par an. Plus un partenaire vend, plus il bénéficie de remises importantes et d’un accompagnement dédié, avec un manager attitré. Cette approche favorise l’accessibilité et encourage l’engagement à long terme”, dit-il.
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Un exemple
Un exemple de ce partenariat gagnant-gagnant est donné par VS Consulting, jeune société de conseil bruxelloise, fondée en septembre 2022 par Valérie Kibieta et Siyuan Wu, deux expertes en finances qui, après avoir passé des années dans des groupes importants, ont décidé de fonder leur propre entreprise de consultance. Basée à Bruxelles, VS Consulting s’est spécialisée dans les services financiers, de stratégie et de transformation digitale pour PME et grandes entreprises. Le consultant aide par exemple depuis plusieurs années l’entreprise bruxelloise Mekanika, qui fabrique des fraiseuses numériques sur mesure pour les particuliers ou les petites entreprises.
VS Consulting s’est développée rapidement. Quand nous l’avions vue une première fois en mai 2023, elle comptait sept personnes. Aujourd’hui, elle en emploie 16, et réalisera cette année un chiffre d’affaires de deux millions d’euros dont un tiers provient de son activité d’intégrateur Odoo. Depuis peu, en effet, VS Consulting est devenu partenaire “Silver”, ce qui signifie que la société bruxelloise remplit plusieurs exigences, dont celle de vendre 75 licences par an.
Complémentarité était évidente
“Nous avons découvert Odoo il y a deux ans, explique Siyuan Wu. À l’époque, nous accompagnions déjà des PME dans l’implémentation d’ERP ou d’autres outils, en jouant un rôle de Solution Architect. Nos clients, souvent des entreprises de petite ou moyenne taille, étaient soit déjà sur Odoo, soit en phase de choisir un ERP. La complémentarité était évidente”, explique-t-elle, en ajoutant que devenir partenaire a nécessité un investissement important, pas seulement financier, mais aussi en formation et en recrutement de consultants spécialisés.
“Ce qui nous distingue, c’est notre ADN financier, poursuit-elle. Nous ne voulons pas être des intégrateurs qui poussent un produit. Nous essayons de comprendre le business de nos clients – trésorerie, contrôle de gestion, stratégie de croissance – et nous utilisons Odoo comme un levier pour répondre à leurs besoins. Par exemple, nous avons présenté Odoo à l’Association des experts -comptables (ITAA) lors d’un événement sur la digitalisation. Les retours étaient clairs : les échecs d’implémentation viennent souvent d’un mauvais choix d’outil ou d’une préparation insuffisante. Il faut donc accompagner les clients tout au long de leur parcours, de l’analyse à la mise en œuvre, en veillant à une adoption progressive pour éviter les résistances internes.”
Avantages compétitifs
“Notre valeur ajoutée réside dans notre double casquette, poursuit-elle. Quand nous rencontrons un client, il est souvent déjà sensibilisé à Odoo, soit parce qu’il l’utilise, soit parce qu’il y pense. Notre rôle est d’abord d’écouter et de poser un diagnostic précis. Par exemple, un client peut vouloir démarrer avec le module comptabilité, mais nous lui suggérons d’ajouter le CRM ou la gestion des stocks pour optimiser ses processus. Cette approche organique, combinée à notre expertise métier, nous permet de proposer des solutions sur mesure.”
“Nous avons découvert que pour nos clients, Odoo présentait plusieurs avantages, enchaîne Valérie Kibieta. “Un de nos clients est basé à Londres et est actif dans la mode de luxe.” Le groupe préparait l’ouverture d’une boutique à Paris. Cette entreprise, initialement B to B, voulait en effet se lancer dans le commerce de détail, et ouvrir des magasins. “Mais c’était un projet coûteux, il y avait des contraintes financières, des délais serrés pour respecter les ouvertures. Odoo s’est imposée comme la solution idéale pour plusieurs raisons.” D’abord, expliquent les deux consultantes, la flexibilité : Odoo est un ERP modulaire, ce qui permet de l’adapter aux besoins spécifiques de l’entreprise : les processus sont évidemment différents dans la mode et dans l’industrie.
“Mais ce qui a emporté la décision de cette entreprise de mode, c’est aussi la facilité d’utilisation, avec une interface intuitive, ce qui est cruciale pour des équipes qui ne sont pas composées de techniciens. Les autres atouts sont l’évolutivité (l’entreprise peut commencer avec quelques modules, comme la comptabilité ou le CRM, et ajouter d’autres fonctionnalités au fil de sa croissance) et le coût abordable. Contrairement à d’autres ERP, Odoo propose une tarification simple et compétitive, essentielle pour une PME avec des moyens limités”, ajoute Valérie Kibieta.
Gagnant-gagnant
Tant pour Odoo que pour ces consultantes bruxelloises, le partenariat semble donc être gagnant-gagnant. “En tant que partenaire, nous bénéficions directement de l’effort marketing d’Odoo. à Bruxelles, je vois des voitures ou des trams aux couleurs d’Odoo tous les jours ! À Londres, ce sont les taxis. Cette omniprésence facilite notre travail : quand nous démarchons un client, il a souvent déjà entendu parler d’Odoo, ce qui nous donne un avantage compétitif”, ajoute Siyuan Wu.
“En tant que partenaire, nous bénéficions directement de l’effort marketing d’Odoo. à Bruxelles, je vois des voitures aux couleurs d’Odoo tous les jours ! Cette omniprésence facilite notre travail.” – Siyuan Wu (VS Consulting)
Et Odoo profite en retour du développement de ses partenaires qui vont l’aider à prendre des parts de marché, en Belgique et à l’étranger. “Nous sommes très ambitieuses, affirment Siyuan Wu et Valérie Kibieta. En deux ans et demi, nous avons construit une équipe de six consultants dédiés au digital, sur un total de 16 collaborateurs. Notre objectif à court terme est de devenir partenaire Gold dans les deux prochaines années (ce qui nécessite de vendre 300 licences par an et d’avoir plusieurs experts certifiés, ndlr). À plus long terme, d’ici sept ans, nous visons une équipe de 50 à 60 consultants spécialisés, avec une présence renforcée en Belgique, en France et au Royaume-Uni.
Nous venons d’ailleurs de signer un bail pour un bureau à Lille, en France, pour profiter du potentiel énorme de cette région qui se caractérise par son tissu économique dynamique et abrite un vivier de PME et de start-up sensibles à la digitalisation, mais souvent freinées par des outils qui ne sont pas ou plus en ligne avec les standards actuels. Odoo, avec son approche moderne et accessible, répond parfaitement à leurs besoins.”
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