Nouvelle loi sur les sociétés unipersonnelles : “N’hésitez pas à ignorer cette procédure inutile et coûteuse”

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Hans Brockmans redacteur chez Trends

Depuis cette année, la loi impose aux sociétés unipersonnelles de passer devant le notaire et de devenir une société à responsabilité limitée à part entière, via une modification des statuts. Selon Joeri Vananroye, professeur en droit des sociétés, les sociétés avec un associé unique peuvent ignorer cette loi, sans risque de sanctions importantes. Il s’agit d’une intervention inutile et beaucoup trop coûteuse.

Avant la fin de 2023, les associés d’une société privée à responsabilité limitée (SPRL) sont tenus par la loi de modifier leurs statuts devant un notaire pour obtenir le statut de SRL (société à responsabilité limitée). Une discussion intéressante, quant à l’application de cette loi pour les entreprises individuelles, a eu lieu récemment sur les réseaux sociaux. Une “lex imperfecta”, ou loi imparfaite, c’est ainsi que le professeur de droit des sociétés Joeri Vananroye qualifie l’article du nouveau code des sociétés et des associations (CSA), qui a introduit cette obligation en 2020. En effet, les sanctions en cas de non-respect sont extrêmement faibles. Selon le professeur, un “délinquant rationnel” peut penser que cette règle ne doit pas être suivie s’il n’y a aucune sanction effective de toute façon. “Ce n’est certainement pas ce qu’il y a de plus propre, mais est-ce vraiment mauvais ?” rapporte-t-il via LinkedIn.

Une réforme en profondeur

Le nouveau code des sociétés et des associations (CSA) a marqué le début d’une réforme en profondeur du droit des sociétés. La société privée à responsabilité limitée (SPRL), la société privée à responsabilité limitée unipersonnelle (SPRLU) et la SPRL Starter ont disparu et ont été remplacées par la SA ou société anonyme. Celle-ci peut désormais être constituée d’un seul associé et ne doit pas disposer d’un capital minimum lors de sa création.

Le CSA transforme automatiquement toutes les sociétés privées à responsabilité limitée en sociétés à responsabilité limitée (SRL). Toutefois, le conseil d’administration est tenu de veiller à ce que les statuts de la société soient modifiés pour être conformes à la nouvelle situation d’ici la fin de l’année. La loi prévoit une sanction si cela n’a pas été pas fait : les administrateurs seront tenus pour responsables en cas de dommages causés à la société ou à des tiers du fait de la non-adaptation.

Cette exigence a été introduite pour éviter que les statuts contiennent des dispositions contraires à la nouvelle loi “obligatoire”, à laquelle ils ne peuvent pas déroger. De l’avis de M. Vananroye, tout ceci est beaucoup trop lourd, alors que la philosophie du CSA était principalement le besoin d’un cadre juridique flexible. “On voudrait rendre les actionnaires plus heureux grâce à des dispositions plus souples”, ironise-t-il. “Faut-il vraiment les rendre heureux contre leur gré avant la fin de l’année?”

Quoi qu’il en soit, Vananroye, également avocat, ne se pressera pas pour modifier les statuts de sa propre société à responsabilité limitée. Et les autres sociétés anonymes unipersonnelles ne devraient pas non plus se précipiter, estime-t-il. Sur les réseaux sociaux, il a reçu le soutien, entre autres, de sa collègue Marieke Wyckaert, professeur de droit des sociétés. “La SPRL est devenue de plein droit une SA, le capital a été converti également de plein droit en fonds propres. Ce n’est pas un drame si elles ne modifient pas leurs statuts, souvent extrêmement simplifiés”

Sur Twitter, le professeur de gestion publique Steven Van de Walle (KU Leuven Public Governance Institute) souligne le coût financier qu’ entraine  cette modification des statuts devant notaire. Il fait référence à un dossier où une entreprise a dû payer 1 290 euros pour modifier ses statuts (simples). Pour les 400 000 sociétés à responsabilité limitée, cela constitue une charge commune d’un demi-milliard d’euros, indépendamment du temps passé. “Des frais administratifs plutôt inutiles”, dit-il.  Pour ce prix-là, on pourrait rénover le Palais de justice de Bruxelles ainsi qu’éliminer l’arriéré judiciaire, se moque Simon Deryckere (auteur de « Justice in time », Maklu, 2020) sur le même réseau social. “Politique = penny wise, pound foolish”, ou comment le gouvernement économise chichement sur des petites sommes, mais gaspille l’argent par millions ailleurs. 

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