Michaël Labro (PMSweet): Docteur Macarons & Mister Manager

Frederic Brebant Journaliste Trends-Tendances  

Il y a 12 ans, il était étudiant en médecine et confectionnait des macarons dans la cuisine de sa maman. Aujourd’hui, il dirige 350 employés et son entreprise PMSweet produit 700.000 macarons par jour, portée par un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros. Michaël Labro a tout juste 30 ans.

Un chèque cadeau peut changer une vie. Michaël Labro en est convaincu. En 2008, ce jeune Liégeois reçoit d’un ami proche un “bon Fnac” de 20 euros pour son 15e anniversaire. L’adolescent est amateur de pâtisseries et achète donc un livre sur les macarons qui sont de plus en plus tendance. Il s’évertue à en fabriquer quelques-uns, entretient une précieuse correspondance avec Mercotte (une blogueuse culinaire qui rejoindra ensuite le jury de l’émission de télé Le Meilleur Pâtissier) et peaufine peu à peu son art gourmand.

A 18 ans, Michaël Labro dispose déjà d’un certain savoir-faire et d’un petit réseau. La cuisine familiale est régulièrement squattée pour produire des dizaines de macarons que le jeune homme et son ami Antoine vendent en porte-à-porte sous le label M&A Macarons (les initiales de leurs prénoms). Mais à cette époque, Michaël veut surtout devenir médecin et s’inscrit donc en septembre 2011 à la faculté de médecine de l’Université de Liège. Sa passion pour les pâtisseries ne se tarit pas pour autant, d’autant plus que M&A Macarons multiplie les ventes. “On nous en commandait 200, puis 500 et ça a même été 1.000 pièces pour le festival Voo Rire de Liège, se souvient Michaël Labro. Mais à un moment donné, ma mère a dit stop: ‘Tu sors de ma cuisine, tu te trouves un autre endroit! ’ Je mettais du caramel partout… (rires)”

Double casquette

Le destin sourit au jeune pâtissier. Son grand-père dispose d’un garage inoccupé que les deux complices transforment alors en atelier. Pendant quatre ans, Michaël Labro va mener de front cette double activité: d’une part, la fabrication de macarons en grandes quantités et, d’autre part, des études de médecine qu’il finira pourtant par abandonner. “Cela devenait de plus en plus compliqué, explique l’entrepreneur. J’étais vraiment passionné par la médecine et le fonctionnement du corps humain. Ce sont des études fabuleuses, mais en cinquième année, je me suis rendu compte que le métier en lui-même ne me passionnait pas autant. Et donc, en 2015, j’ai refermé les portes de l’hôpital pour me concentrer uniquement sur les macarons.”

Le choix est d’autant plus assumé que “Docteur Macarons” (son surnom à l’époque) a fait une rencontre déterminante deux ans plus tôt, qui s’est soldée en 2014 par la création d’une nouvelle société. Terminé M&A Macarons (son ami Antoine a poursuivi ses études de médecine et travaille aujourd’hui comme ophtalmologue), place à PMSweet avec, là aussi, deux initiales en guise de premières lettres: P pour Philippe et M pour Michaël. Le jeune vingtenaire a en effet décidé de s’associer désormais à Philippe Lhoest, fondateur de la société liégeoise Frianda, et leurs macarons prennent alors une nouvelle dimension. En 2015, la production déménage dans un atelier de 80 m2 où s’affairent sept employés pour fabriquer 10.000 pièces pâtissières par jour.

Au fil des ans, le rythme s’accélère et les commandes s’enchaînent. Point Chaud, Delhaize, Carrefour, les Galeries Lafayette… Les grandes enseignes succombent aux saveurs sucrées et salées de PMSweet qui ne vend pas de macarons sous sa marque propre mais bien des produits de qualité que ses clients peuvent “brander” comme bon leur semble. “Nous travaillons exclusivement pour le B to B, précise Michaël Labro. Développer sa propre marque, c’est un autre métier. Moi, je préfère me concentrer sur la production avec une seule ambition: être les meilleurs en termes de qualité, d’efficacité et de flexibilité. La vision de l’entreprise est claire: nous voulons être le numéro 1 sur le macaron haut de gamme, en grands volumes, de manière mondiale.”

Le défi est ambitieux. Mais aujourd’hui, les chiffres témoignent d’une impressionnante croissance et donnent des ailes à PMSweet. L’entreprise liégeoise a non seulement gonflé ses rangs (350 employés) mais aussi ses volumes et ses revenus. De 18 millions d’euros en 2020, le chiffre d’affaires a doublé en 2021 pour flirter avec les 50 millions d’euros l’année dernière. “Nous devrions atteindre les 60 millions en 2023”, confie Michaël Labro, avec ce bémol: “Notre croissance n’est pas top cette année car nous sommes un peu bloqués par nos murs.”

L’entreprise affiche pourtant une belle cadence de production avec 700.000 macarons fabriqués chaque jour sur deux sites en région liégeoise. Mais bientôt, elle pourra accélérer le rythme et déménager ses collaborateurs dans des installations flambant neuves à Thimister. Quelque 17.000 m2 seront alors dédiés au macaron début 2024 avec une capacité de production “presque illimitée”, dixit le fondateur de PMSweet.

Nouveau trio

Portée par une croissance phénoménale, l’entreprise liégeoise exporte aujourd’hui ses produits dans une trentaine de pays, du Japon aux Etats-Unis en passant par l’Europe et les Emirats arabes unis. Entretemps, Philippe Lhoest a fait un pas de côté et revendu ses parts dans la société à deux autres cadres de l’entreprise. “Philippe est un père spirituel pour moi, commente Michaël Labro. Il m’a appris énormément: la rigueur, le business, l’industrie… Mais PMSweet devenait trop grande pour lui, il a donc préféré passer le relais, même s’il est toujours parmi nous puisqu’il est aujourd’hui responsable du chantier de notre nouveau site de production.”

Désormais, c’est donc un trio d’administrateurs qui se trouve aux commandes de la société. Arnaud Woitrin et Guillaume Vander Borght ont rejoint Michaël Labro en tant qu’actionnaires minoritaires et accompagnent aujourd’hui PMSweet vers de nouveaux défis. Avec l’ambition d’être et de rester numéro un mondial dans la production de macarons haut de gamme.

© National

“L’IA n’est pas une menace, mais une opportunité”

Si l’intelligence artificielle n’a pas encore bouleversé le business model de PMSweet, Michaël Labro se dit toutefois attentif à l’évolution de cette technologie qui pourrait s’inviter prochainement dans la conception de ses macarons. “Aujourd’hui, on ne peut pas à proprement parler d’IA dans notre processus de fabrication, constate l’entrepreneur. Notre nouvelle chaîne de production disposera toutefois de scanners très performants qui pourront par exemple détecter les imperfections pour éjecter les mauvais macarons. Sur notre nouveau site, nous aurons aussi des AGV, des véhicules automatisés, qui vont libérer le personnel du transport des charges lourdes. Cette automatisation des tâches, tout comme l’IA d’ailleurs, n’est pas une menace, mais une opportunité. C’est une aide qui peut améliorer encore le processus de production, voire la conception même des macarons. Nous avons d’ailleurs inauguré il y a quelques mois une nouvelle cellule R&D et l’intelligence artificielle pourrait très vite y être intégrée. L’IA va sans doute nous aider à explorer de nouvelles saveurs, de nouveaux produits et de nouveaux packagings. C’est très excitant! Le département R&D a déjà énormément de responsabilités. Il va grandir et sera certainement le futur de l’entreprise.”

C.V.

· 1993: naissance à Seraing

· 2008: première production artisanale de macarons

· 2011: première année de médecine à l’ULg

· 2014: création de la société PMSweet avec Philippe Lhoest

· 2015: abandon, en cinquième année, de ses études de médecine

· 2017: nouvel atelier à Vivegnis. Production: 50.000 macarons par jour

· 2023: 60 millions de chiffre d’affaires (trois fois plus qu’en 2020). Production: 700.000 macarons par jour

· 2024: ouverture planifiée d’une nouvelle usine à Thimister

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