Mayonnaise 100% belge, création d’une nouvelle filière… les ambitions de Bister pour passer d’une production de 25 à 100 tonnes par jour
La marque belge Bister, bien connue pour ses moutardes vendues dans les pots emblématiques en forme de grenade, approche les 100 ans. L’occasion pour Trends-Tendances de faire le point sur ses innovations, le prochain déménagement de l’entreprise à Namur et la relocalisation de la filière.
Qu’elle soit à l’ancienne, au miel ou encore de Dijon, la moutarde est un condiment très apprécié en Belgique. Les occasions de la consommer ne manquent d’ailleurs pas, que ce soit à l’apéro ou pour relever un plat principal. La Belgique compte diverses marques artisanales dont l’une est presque centenaire : la moutarde Bister. Créée en 1926, l’entreprise est restée dans la famille Bister jusqu’en 2019 quand Arthus de Bousies, l’actuel CEO, a racheté la marque à Fabienne Bister, représentante de la troisième génération familiale. “Je lui avais dit à l’époque que si elle ne trouvait pas de repreneur, il fallait qu’elle pense à moi”, se rappelle l’entrepreneur. “Et elle l’a fait”, sourit-il.
En effet, les sauces et condiments ne sont pas un univers inconnu pour ce jeune CEO. Depuis 2012, Arthus de Bousies est également administrateur délégué de l’entreprise belge Natura, spécialisée dans les sauces et plus particulièrement la mayonnaise. Il a fusionné les deux entreprises en 2020, créant le groupe Bionat. “Sur le marché belge, nous étions deux petits acteurs qui partagions les mêmes valeurs; en nous unissant, nous sommes devenus plus forts”, explique Arthus de Bousies. Grâce à cette acquisition, Natura a par exemple pu accéder au marché français où Bister a développé ses activités à travers sa société sœur Bister France, basée à Saint-Thibault en Champagne. En France, la marque vend ses produits sous l’appellation Bioster.
Un retour aux sources
“Aujourd’hui, l’entreprise se porte plutôt bien”, se réjouit le CEO. La moutarderie Bister a pratiquement triplé ses volumes depuis son rachat. “En 2019, on produisait entre six à sept tonnes de moutarde par jour alors qu’aujourd’hui on avoisine désormais les 25 tonnes.” Même dynamique sur le site français qui est passé d’une fabrication de cinq à quinze tonnes de moutarde. Depuis peu, l’entreprise exporte également sur des marchés comme le Canada, Hong Kong, la Corée ou encore le Moyen-Orient grâce à des partenaires distributeurs.
D’ailleurs, les affaires se portent tellement bien que l’entreprise a décidé de déménager son usine dans le zoning de Suarlée, près de Namur, en juillet prochain. L’occasion pour Bionat de rassembler ses activités et d’optimaliser ses processus et sa logistique. Pour le moment, le groupe dispose d’un bureau à La Hulpe en plus de son site de production à Ciney et de deux espaces de stockage externe. L’entreprise a déjà fermé l’usine de Tubize qui était dédiée à la fabrication de la marque Natura. Mais si la moutarde Bister est produite à Achêne depuis 2013, les locaux historiques étaient installés à Jambes. “C’est donc en quelque sorte un retour aux sources”, constate Arthus de Bousies. “Notre bâtiment actuel est vieillissant”, explique le CEO. Il s’agit en fait d’un ancien entrepôt de découpe de bétail : les plafonds sont assez bas et peu adaptés à la production. Au total, l’investissement pour la nouvelle usine s’élève à 13 millions d’euros.
Au total, l’investissement pour cette nouvelle usine s’élève à 13 millions d’euros.
De 25 à 100 tonnes par jour
Le nouveau bâtiment sera trois fois plus grand que l’actuel, ce qui va permettre d’optimiser l’espace et d’intégrer de nouvelles machines. “La partie broyage restera la même, mais on va améliorer les processus de production et de préparation des graines”, précise le CEO. Aujourd‘hui, Bister travaille les grains à l’horizontal. Dans la nouvelle usine, le travail se fera de manière verticale grâce à une tour de 12 mètres de haut construite à cet effet. “Ça permet non seulement de gagner de la place, mais également de faciliter le travail des employés, car les tuyaux seront plus visibles et donc identifiables en cas de problème”, ajoute-t-il. Le reste des machines ne change pas – les lignes de conditionnement datent de l’année dernière et les broyeurs de moutarde fonctionnent encore impeccablement. L’entreprise maintient également le même nombre de lignes de production. “Je parle plutôt de zones de travail”, précise Arthus de Bousies afin de différencier les productions de moutardes, piccalilli, mayonnaise ou conditionnement en seau. “L’objectif est de passer d’une production de 25 tonnes à 100 tonnes par jour.”
L’occasion pour Bister de réhabiliter le musée d’entreprise qui vendait également une partie des produits. La seule activité business to consumer puisque l’entreprise ne dispose pas encore de site destiné à l’e-commerce. Le business model de Bister fonctionne donc actuellement en b-to-b. Aujourd’hui, l’entreprise écoule sa production principalement via le canal de la grande distribution – qui représente 50% de ses affaires. Toutes les enseignes de supermarchés classiques – Delhaize, Carrefour et Colruyt ainsi que les hard discounters Aldi et Lidl – vendent les moutardes Bister, sans oublier les épiceries bios.
Le produit plutôt que le prix
Le reste est réparti entre l’horeca et l’industrie qui achètent la moutarde afin de l’ajouter à des plats préparés ou de la transformer dans d’autres sauces. Dans une moindre mesure, Bister produit également pour des marques de distributeurs. “Mais ça représente à peine 10% du retail“, nuance Arthus de Bousies. “Nous n’avons pas envie de devenir un acteur de private label“, affirme-t-il. Produire pour les supermarchés permet à Bister de remplir ses lignes de production afin d’optimiser son fonctionnement.
Même si les marques de distributeurs gagnent des parts de marché dans toutes les catégories – y compris celle des sauces – Bister veut se concentrer sur sa propre marque et “ne pas devenir trop dépendant de ces contrats”. L’inflation est la principale raison qui explique l’intérêt des consommateurs pour ces marques. Et la moutarde n’a pas été épargnée par ces hausses de prix : touchée par une pénurie à cause de la sécheresse au Canada mais également par la guerre en Ukraine qui a compliqué l’approvisionnement des matières premières, la moutarde a enregistré une hausse de 36% de son prix sur l’année 2022. Les producteurs ont alors eu le choix de passer soit par les promotions – pour maintenir du volume au détriment de la marge – soit d’assumer de perdre du volume ce qui influence également leur marge. Bister, elle a fait le choix de communiquer sur son produit et la valeur ajoutée de ces ingrédients locaux. “Nous préférons miser sur l’authenticité de nos produits plutôt que sur le prix”, assure Arthus de Bousies. Un pari gagnant pour l’entreprise belge puisque dans notre pays, Bister est la marque leader sur la catégorie des moutardes avec 25,1% de parts selon les chiffres Nielsen de 2023, sur un marché des sauces contrôlé à 90% par les multinationales comme Unilever ou Kraft Heinz. Un marché relativement petit: il représente 240 millions d’unités, dont seulement 14 millions d’unités pour la moutarde. “C’est un marché de niche”, confirme le CEO de Bister.
Historiquement, Bister produisait également des sauces avant de se concentrer uniquement sur la moutarde. Arthus de Bousies a décidé de repositionner la marque grâce à son savoir-faire acquis chez Natura. “Bister avait une notoriété bien plus importante que Natura, nous avons donc relancé la machine”, explique l’entrepreneur. Les deux marques sont donc présentes dans le même rayon mais n’entrent pas vraiment en concurrence puisque Bister propose des sauces en conventionnel alors que Natura va passer en 100% bio et produits locaux. Bister élargit donc son portefeuille de produits avec une mayonnaise 100% belge, à la moutarde, aux œufs ou au citron, l’andalouse, la béarnaise, la sauce cocktail et la tartare. “L’objectif des sauces Bister est de profiter de la notoriété acquise grâce à la moutarde.” Les sauces sont d’ailleurs vendues dans les fameux contenants en forme de grenade, caractéristiques de la marque belge. Au total, celle-ci compte une vingtaine de références si l’on ajoute les moutardes.
Une nouvelle filière
Pour le CEO, la complexité d’innovation de Bister n’est pas tant due au fait que la marque soit centenaire mais plutôt que le marché soit traditionnel. “Tout le monde trouve ça amusant de goûter une mayonnaise au wasabi mais 98% des consommateurs veulent une mayonnaise classique”, assure-t-il. L’entreprise commercialise aujourd’hui une moutarde et une mayonnaise 100% belge. “On a essayé de prendre le meilleur de Natura et le meilleur de Bister pour aboutir à ces nouveaux produits.” Là où Bister innove, c’est dans son approvisionnement et la relocalisation de ses ingrédients, notamment les graines de moutarde. “Ce n’est pas seulement un nouveau goût que l’on développe mais une nouvelle filière”, ajoute Arthus de Bousies.
Grâce à une collaboration avec la coopérative Farm for good, l’entreprise belge a relocalisé la production de moutarde en Belgique. Un savoir-faire qui s’était perdu au fil des années. “J’étais assez atterré de voir que l’on dépendait du Canada, de l’Ukraine et de la Russie pour des graines de moutarde”, souligne Arthur de Bousies. Celui-ci a donc décidé avec la coopérative de relancer la culture de moutarde en Belgique et s’est engagé à acheter la production en cas de réussite ou à couvrir la moitié des frais en cas d’échec. La première année, en 2020, la récolte s’élevait à 3,5 tonnes de moutarde contre 85 tonnes l’année dernière. “On s’est engagé pour près de 200 tonnes cette année”, ajoute le CEO. La récolte belge fait d’ailleurs mieux que celle du Canada ou de la France en ce qui concerne le rendement par hectare en culture bio. L’entreprise collabore aujourd’hui avec environ 35 agriculteurs afin de produire sa moutarde belge. Le prix est alors fixé à l’avance par les trois acteurs afin de garantir une rémunération juste pour chaque maillon de la chaîne. Bister va même un peu plus loin puisque l’entreprise va créer une ferme pilote et un potager destiné à l’agroécologie dans sa nouvelle usine. Celle-ci n’a pas pour objectif d’être rentable. L’entrepreneur souhaite en faire une sorte de laboratoire afin de tester des nouvelles variétés de moutarde. “Ce qui évite aux agriculteurs de prendre des risques.”
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici