Mariage dans le monde du parking

Thomas Bimson (Indigo) et Julien Vandeleen (BePark) © PG
Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

Réattaquer le marché français pour la scale-up BePark. Prendre pied sur le créneau “B to B” pour Indigo. Les raisons derrière la reprise de 60% des actions BePark par Indigo ne sont pas les mêmes mais les intérêts convergent. Retour sur une lune de miel qui, sur papier déjà, semble parfaite.

Après 12 années d’existence, la jeune pousse bruxelloise BePark se lie à un géant des parkings. Le groupe français Indigo a en effet confirmé la semaine passée qu’il reprenait un peu plus de 60% des parts de la “start-up” de 30 personnes spécialisée dans la gestion numérique des parkings. Si les détails chiffrés du deal sont gardés secrets, on sait que le groupe français a procédé à un rachat d’actions aux différents actionnaires non opérationnels de l’entreprise, en ce compris le fonds luxembourgeois Faduval qui avait injecté 3 millions d’euros dans BePark en 2019. Le fondateur et CEO Julien Vandeleen et le management restent actionnaires de l’entreprise. Le deal porte également sur la joint-venture annoncée l’année passée entre BePark et Electra pour développer un réseau de recharges électriques sur le marché belge. Mais pas sur Izix, la spin-off logicielle née de BePark, qui fait l’objet d’une entité séparée.

Cette prise de participation survient après de nombreuses collaborations fructueuses entre les deux sociétés.

L’objectif de cette opération? Trouver les leviers de développement utiles pour les deux entreprises. A savoir accélérer sur le marché français pour la scale-up qui génère un chiffre d’affaires de 12 millions. Et disposer d’outils numériques à destination du B to B pour Indigo qui, lui, affiche 743 millions au compteur (chiffre d’affaires) pour un Ebitda de 381 millions d’euros.

Objectif France

Du côté de la jeune pousse, le but affiché est clairement de faciliter son développement sur le marché français où elle a peiné à se développer et n’occupe, pour l’instant, qu’une toute petite place. Historiquement, la firme propose à ses clients (grands propriétaires immobiliers, acteurs du retail, de l’hôtellerie et du public, etc.) de rentabiliser leurs espaces de parking vides en les partageant avec les particuliers et les entreprises par l’intermédiaire de ses services. Pour opérer cette activité, la société a notamment déployé des solutions d’accès aux parkings, combinant de la techno, du software et l’internet des objets.

A ce stade, BePark ne possède dans son réseau que 130 sites d’emplacements de parking dans l’Hexagone. Ce qui, à l’échelle du pays, n’est pas gigantesque. A titre de comparaison, BePark opère un total 570 parkings, soit 25.000 places, sur l’ensemble de son marché, soit la Belgique, la France et le Luxembourg.

Voir aussi le reportage de Canal Z: Bepark 8 ans au service de la mobilité

Ce qui l’a empêché de se développer correctement en France? La taille du pays qui complexifie fortement les choses. “Sur des plus petites villes comme Lyon, cela marche bien, précise Julien Vandeleen, CEO de BePark. Par contre, dans des villes comme Paris, on n’a pas un assez bon maillage car on n’a pas l’offre. De plus, c’est un marché bien plus concurrentiel qu’en Belgique, ce qui a un effet sur les marges à cause de boîtes survalorisées. C’est une course à la marge à laquelle on ne peut pas participer.”

Indigo n’injectera pas de nouveaux fonds dans le capital de l’entreprise, mais le géant français dispose d’environ 500 sites commercialisables en B to B par BePark. De quoi quasi doubler le stock de parkings disponibles. Le rachat de 60% de BePark s’explique par la volonté d’Indigo de faire usage de bons outils digitaux pour approcher un marché du B to B qu’il maîtrise moins, alors que c’est le cœur d’activité de la scale-up bruxelloise.

Le deal pourrait aussi être une opportunité pour Indigo de se renforcer progressivement sur le marché belge, saturé, et où règne Interparking. Les responsables des deux entreprises évoquent donc très clairement leur complémentarité. Lors de certains appels d’offres, l’association entre la puissance du grand groupe et l’agilité de la start-up semblerait déjà faire mouche, à en croire Julien Vandeleen.

Management local

Car si les routes d’Indigo et de BePark viennent de se croiser au niveau capitalistique, c’était déjà le cas d’un point de vue opérationnel. “Cette prise de participation survient après de nombreuses collaborations fructueuses entre les deux sociétés”, nous disent les responsables. Elles ont d’ailleurs obtenu différents marchés ensemble, dont le parking de l’ambitieux projet The Mix sur le site de l’ancienne Royale Belge à Bruxelles. “BePark s’est spécialisée dans les parkings privés et mutualisés, détaille Julien Vandeleen. Mais la demande de certains propriétaires était parfois d’y réaliser des investissements importants ou de s’ouvrir sur du parking public. Ce qui exigeait des capitaux. C’est là qu’on a réalisé des collaborations opportunistes qui ont bien fonctionné et permis d’identifier un ADN commun.”

A entendre les responsables des deux entités, rien ne changera réellement, au niveau structurel, pour BePark. La jeune pousse bruxelloise conservera son nom, ses équipes, son patron et restera indépendante. Ce discours, toutes les start-up qui se lient à un mastodonte le chérissent au moment de l’opération. Mais souvent, les choses évoluent dans une direction différente, précipitant le départ des fondateurs, l’intégration des équipes et du produit dans la grande entreprise. Les exemples de prise de pouvoir par des groupes français sur des petites (ou moins petites) boîtes belges sont nombreux, le management français ayant tendance à être assez centralisateur.

Sens interdit

“Mais ici, la différence, insiste Thomas Bimson, directeur d’Indigo pour l’Europe, c’est que laisser de l’autonomie aux entités du groupe fait partie de la culture d’Indigo. C’est d’ailleurs une nécessité business: nous avons une activité excessivement locale. Un changement de sens interdit dans une rue peut affecter sensiblement le succès d’un parking. Il nous faut donc un management local très autonome. On ne veut surtout pas prendre les équipes de BePark dans nos locaux et tout centraliser.”

De son côté, Julien Vandeleen, en tant qu’entrepreneur, se montre satisfait de cette évolution pour son entreprise et s’engage sur la durée. Qu’il conserve l’ensemble de ses actions dans BePark, tout comme le management, le prouve. “Je ne suis pas quelqu’un qui se contente de maintenir un business une fois qu’il tourne, admet-il. En tant qu’entrepreneur, j’avais besoin de nouveaux challenges car j’aime prendre des risques et développer. La France restait un marché inabouti et c’est donc un défi ambitieux qui m’anime pleinement. Et pour encore au moins quatre ou cinq ans.”

L’entrepreneur a en effet de la suite dans les idées: en 2015 déjà, il avait laissé entrer le groupe Bouygues dans le capital de BePark en vue de pénétrer le marché français, mais l’expérience n’avait pas été concluante. Aujourd’hui, BePark peut compter à la fois sur son expérience passée, une bien plus grande maturité d’entreprise et une activité qui tourne tout en affichant la rentabilité.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content