Sandra Wilikens, à la tête de la banque privée de BNP Paribas Fortis

Sandra Wilikens © Frank Toussaint
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

À 57 ans, Sandra Wilikens est l’une des rares femmes à occuper un poste en vue sur la scène bancaire du pays. Depuis peu aux commandes de la banque privée de BNP Paribas Fortis, numéro 1 de la gestion de fortune en Belgique, elle nous livre sa vision du private banking.

La cinquantaine élégante, Sandra Wilikens pilote depuis le mois de novembre dernier le pôle banque privée et gestion de fortune de BNP Paribas Fortis. À ce poste, elle est en charge des produits et des services destinés aux clients aisés de la banque. Une casquette qui la voit superviser 30 centres de banque privée et un staff de plus de 1.600 personnes, soit le numéro 1 de la gestion de patrimoine en Belgique.

Dix ans après avoir quitté l’univers du private banking, voici donc Sandra Wilikens aux commandes du leader de la gestion de patrimoine en Belgique. Un retour aux sources pour cette juriste de formation, également titulaire d’un master en fiscalité (VUB), qui a rejoint l’ex-Fortis aux débuts des années 2000 pour s’occuper de planification successorale et lancer un nouveau département intitulé “patrimonial lending”. Un job qu’elle assumera pendant plusieurs années au sein de ce qui s’appelait encore MeesPierson avant de pousser les portes de la haute direction pour devenir en 2015 secrétaire générale de la banque, puis trois ans plus tard, responsable des ressources humaines.

Un joli parcours auquel est donc venu s’ajouter sa nomination en novembre dernier comme head of affluent and private banking et membre du comité de direction de BNP Paribas Fortis. “Quand notre CEO Michael Anseeuw m’a proposé de prendre la direction de la banque privée, j’ai accepté avec beaucoup d’enthousiasme”, glisse la principale intéressée qui se dit “super heureuse” de se voir ainsi retrouver ses premières amours.

Un joli retour aux sources donc, à ceci près que la maison n’est plus vraiment la même. Ce qui a changé depuis le début de carrière de Sandra Wilikens dans la banque ? La taille, avance-t-elle sans hésiter. “Quand j’ai commencé, les équipes du département estate planning de MeesPierson au sein de la banque étaient beaucoup plus petites, se souvient-elle. Aujourd’hui, nos activités affluent (clients à partir de 80.000 euros, ndlr), private banking (à partir de 250.000 euros, nldr) et wealth management (pour les patrimoines supérieurs à 5 millions d’euros, ndlr) comptent environ 470 priority bankers, 450 banquiers privés et une cinquantaine de wealth managers, avec une offre qui est aussi nettement plus étendue que par le passé.”

Environ 370.000 clients

Depuis sa reprise en 2009 par le groupe bancaire français BNP Paribas, l’ex-Fortis a en effet changé d’échelle. La gestion de patrimoine de BNP Paribas Fortis est aujourd’hui devenue une imposante maison au service de près de 370.000 clients, pour un total de fonds sous gestion qui dépasse les 120 milliards d’euros, soit 25% du marché de la gestion de fortune en Belgique.

Les clés du succès ? Sandra Wilikens en voit plusieurs. “Mais, estime-t-elle, le fait d’appartenir à un grand groupe bancaire international et qui est la première banque privée de la zone euro nous offre une multitude d’avantages. Pouvoir accompagner des entrepreneurs ou des familles partout dans le monde, dans 17 pays d’Europe où la banque privée du groupe est présente, c’est vraiment quelque chose que les clients apprécient et valorisent énormément. Sans oublier, bien sûr, notre modèle de banque universelle qui nous offre un double vivier naturel de potentiels clients : celui de la banque de détail et celui de la banque commerciale.”

Autre changement par rapport aux débuts de Sandra Wilikens : le private banking est devenu un marché très compétitif en proie à une phase de consolidation. Ces dernières années, fusions et acquisitions ont été nombreuses dans le secteur, pour aboutir à la disparition de plusieurs acteurs en vue : SoGen, par exemple, a été absorbée par ABN Amro, Mercier Vanderlinden a rejoint Van Lanschot Kempen, Degroof Petercam est passée dans les mains du groupe français Crédit Agricole (Indosuez), Nagelmackers a été rachetée par BPCE.

“Parce qu’elle consomme peu de capitaux propres, la gestion de patrimoine est un marché fort convoité par les banques, mais elle fait face à un contexte de concurrence nationale féroce, d’une avalanche réglementaire, d’une digitalisation accrue et d’une guerre des talents, souligne Sandra Wilikens. Certains acteurs, qui avaient pourtant des positions importantes dans le marché belge, ont malgré tout constaté qu’ils n’avaient pas réussi à développer leurs activités avec suffisamment de succès”, souligne-t-elle.

Taille critique

Aux yeux de Sandra Wilikens, ce mouvement s’explique notamment par la montagne de règles auxquelles sont soumises les institutions bancaires. “Aujourd’hui, les banques en général, mais c’est encore plus le cas pour le métier de la banque privée, sont confrontées à un déferlement de réglementations, que ce soit en matière de lutte contre le blanchiment et du contrôle de l’origine de l’argent des clients, de la protection des intérêts des consommateurs et des clients, avec ce qu’on appelle les réglementations MiFID ou encore celles liées aux investissements durables. L’activité est souvent aussi très fortement impactée par l’évolution de la fiscalité. Tout cela demande des investissements véritablement énormes en termes de moyens humains et de capacités IT. Aujourd’hui, je pense qu’il est difficile pour une banque privée de pouvoir continuer à se développer dans ce marché sans avoir au minimum 20 milliards d’euros de fonds sous gestion”, estime Sandra Wilikens.

“Il est difficile pour une banque privée de continuer à se développer dans ce marché sans avoir au minimum 20 milliards d’euros de fonds sous gestion.”

Selon elle, cette taille critique est importante pour absorber les dépenses de fonctionnement et répondre aux attentes des clients qui sont demandeurs de solutions digitales.

“Ils veulent pouvoir consulter et suivre leur portefeuille partout où ils sont. Mais ils veulent aussi, et ça c’est très important, maintenir et même renforcer une dimension très humaine, très personnalisée, adaptée à leurs besoins, prolonge Sandra Wilikens. C’est cette combinaison entre technologie et contact humain qu’il faut sans cesse équilibrer. Et je pense que chez BNP Paribas Fortis, nous avons un modèle qui fonctionne très bien de ce point de vue-là. Nous avons investi plus de 120 millions d’euros ces cinq dernières années à la fois dans les solutions digitales et la formation de nos collaborateurs”, insiste en ce sens Sandra Wilikens.

Dans ses fonctions précédentes de DRH, Sandra Wilikens a réussi à maintenir la paix sociale avec les syndicats tout en rendant la banque plus compétitive sur le marché de l’emploi. Et ce, au travers de programmes de recrutement encourageant au passage la diversité, étant elle-même le modèle à suivre en tant que première femme à accéder au comité exécutif de la banque.

Sandra Wilikens © Frank Toussaint

Le client a changé

Conséquence de tout ce qui précède, et malgré un environnement pas toujours simple, le département désormais dirigé par Sandra Wilikens connaît une belle croissance de l’ordre de 6% par an sur les dernières années. La banque se développe et se spécialise notamment dans de nouveaux segments : création d’un family office, offre adaptée aux indépendants et aux professions libérales, ainsi que d’autres segments spécifiques qui requièrent des besoins particuliers. “À côté de l’old money, indique Sandra Wilikens, c’est-à-dire les anciennes fortunes familiales, il y a de plus en plus de new money, c’est-à-dire des patrimoines nouvellement constitués, notamment par des entrepreneurs qui nous confient le produit de la cession de leur activité.”

Parallèlement à cette évolution de la clientèle, le rôle du banquier privé a aussi profondément changé en 20 ans. “Historiquement, explique Sandra Wilikens, c’était un conseiller en investissements. Aujourd’hui, c’est un véritable chargé de relation qui est là pour accompagner les clients sur l’ensemble des dimensions bancaires, financières et patrimoniales, et plus uniquement sur la partie investissement. C’est sur cet aspect que se marque aujourd’hui la différence très grande, et qui est même en train de s’accentuer, entre les modèles de banques de niche qui sont surtout axés sur une solution liée aux placements et des clients qui veulent être servis de manière globale sur l’ensemble de leurs besoins : gestion financière du patrimoine, assurance, crédit, gouvernance familiale, transmission, daily banking, etc. C’est le modèle des banques universelles et encore plus, dirais-je, notre modèle au sein de BNP Paribas Fortis.”

“Nous voulons croître organiquement sur une base saine et pas de manière externe au travers d’éventuelles acquisitions.”

Un modèle qui met l’accent sur l’humain et l’expertise des collaborateurs. “Juste pour vous donner une idée, en 2024, ils ont en moyenne reçu dix jours de formation et au cours des cinq dernières années, plus de 120 personnes ont été recrutées et formées au sein de nos équipes, chiffre Sandra Wilikens. Ce qui fait aussi la différence entre les banques, ce sont les compétences du banquier privé et sa relation personnalisée avec le client.”

Croissance saine

Enfin, s’agissant des ambitions pour le futur, le cap fixé par celle qui est également membre du comité exécutif de la division wealth management de tout le groupe BNP Paribas est clair : “La banque privée est une activité clé pour le groupe BNP Paribas et sa filiale belge BNP Paribas Fortis depuis maintenant une quinzaine d’années, souligne Sandra Wilikens. Nous entendons garder le même rythme de croissance, c’est-à-dire une progression des actifs sous gestion de 5 à 7% par an. Différentes poches de croissance, comme les professions libérales, ont été identifiées. Notre objectif est de grandir sur ces nouveaux segments, c’est-à-dire là où nous n’atteignons pas encore notre part de marché naturelle qui se situe en moyenne aux alentours de 25%. En d’autres mots, il s’agit de croître organiquement sur une base saine et pas de manière externe au travers d’éventuelles acquisitions.”

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