L’intelligence stratégique pour booster la croissance des PME

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Les décideurs agissent en fonction des informations qui leur parviennent. Et elles sont de plus en plus nombreuses. Leur agilité à gérer ces flux d’information – également appelée business intelligence ou intelligence stratégique – sera donc primordiale dans le processus de développement de leurs affaires.

Veille concurrentielle, renseignement d’affaires ou encore espionnage économique. L’intelligence stratégique renferme bien des concepts… et quelques fantasmes. Sa finalité ? Traiter la multitude d’informations disponibles légalement afin de pouvoir anticiper le futur et accompagner en connaissance de cause les choix stratégiques d’une entreprise.

Diplômé notamment à Paris de l’Ecole de guerre économique, institution de référence en matière de management stratégique de l’information, Claude Lepère s’est intéressé à ce concept de business intelligence, qui a déjà largement fait ses preuves dans les grandes entreprises françaises. “Ces techniques ne leur ont-elles finalement pas permis de mettre la main sur des pans entiers de notre économie ?”, demande ce fondateur-gérant de la société de conseil I-Cube, citant en exemple les assurances (Axa/Royale Belge), le domaine bancaire (BNP Paribas/Fortis), le pétrole (Total/PétroFina) ou l’électricité (Suez/Electrabel). “Ces reprises ne sont pas le fruit du hasard mais la résultante d’une démarche volontariste !” Et donc d’une bonne intelligence stratégique.

Dans les PME aussi

Et pourtant, le travail d’accompagnement des entreprises en croissance porte généralement davantage sur des éléments inhérents aux processus d’innovation, de financement, de marketing ou d’organisation. L’intelligence stratégique n’est, elle, que rarement évoquée, parce que considérée comme trop conceptuelle pour les patrons de PME. Une erreur, selon Claude Lepère, qui rappelle que les techniques de gestion de l’information ne sont pas du ressort exclusif des (plus) grandes entreprises et qu’elles peuvent également être déclinées à l’échelle des PME. “Il faut garder à l’esprit que l’innovation au sens où on l’entend généralement – nouveaux produits, nouveaux marchés – est trop restrictive : le concept doit être élargi à tout ce qui améliore l’activité de l’entreprise.”

Cet ancien collaborateur de l’Agence de simulation économique (ASE) pense notamment au cas d’une société active dans le créneau de la sécurité, qui avait au départ fait l’impasse sur l’intelligence stratégique. “Son produit était, sans aucun doute, le meilleur qui soit sur le marché. Elle maîtrisait ses coûts, la technique, et avait largement de quoi tenir la dragée haute à la concurrence. Et pourtant, il restait quelques incertitudes sur le discours de vente car le produit imaginé pouvait engendrer un risque d’intrusion dans la vie privée et les clients se retourner contre l’entreprise. Il a donc fallu détecter le problème par le biais d’un feed-back client et travailler sur l’argumentaire à mettre en place pour que l’entreprise puisse se développer à plus grande échelle.”

Gestion de l’information

Un des points souvent appréhendé par les décideurs est celui du temps consacré à la recherche de l’information. Or, une meilleure efficience des outils de gestion de l’information engendrerait une économie de temps, qui pourrait alors être consacré au développement des affaires. “Les patrons d’entreprise sont pragmatiques et sont bien conscients qu’on vit aujourd’hui dans un monde où le volume d’informations qui leur parvient frise l’overdose. Parmi les principaux ‘polluants’ : les courriels ! Ils se sont imposés dans les entreprises comme nombre d’éléments de communication innovants, sans pour autant qu’un objectif de plus grande efficacité ne soit instauré au départ.”

Mais la gestion de l’information provenant de l’extérieur n’est pas le seul défi rencontré. Régenter le flux de données circulant au sein même de la société en est également un. Et de taille. Les patrons de PME qui recruteront dans le moyen terme seront d’ailleurs plus fréquemment confrontés à de jeunes diplômés habitués à utiliser des outils d’information complètement différents de ceux usités jusqu’alors. “Suite à un constat simple (90 % des nouveaux engagés n’échangent plus par e-mails mais par le biais des réseaux sociaux), Atos a par exemple décidé de passer à une politique de zéro e-mails (en interne) d’ici 2014, pointe Claude Lepère. A l’heure où certains, aujourd’hui, n’ont même pas encore intégré le mail dans leur organisation, les défis à relever sont donc immenses…”

L’importance d’une bonne gestion de l’information prend tout son sens face à une génération Y désireuse de changement et de rotation. “Une gestion optimale de l’information s’impose donc, afin de rendre les nouveaux collaborateurs performants le plus vite possible… puisque la probabilité de les voir partir sera également de plus en plus élevée, précise Claude Lepère. En Europe occidentale, où nous ne sommes compétitifs ni sur le plan des matières premières ni sur celui du coût du travail, un de nos principaux avantages réside dans les compétences des collaborateurs. Et contrairement à ce qui était de mise dans le passé, le défi est aujourd’hui non seulement d’arriver à conserver les talents suffisamment longtemps au sein de l’entreprise, mais aussi de s’assurer d’une méthodologie pour que, une fois partis, les informations dont ils ont connaissance et leurs compétences restent acquises à l’entreprise.”

Rétention de l’information

Autre point crucial de l’intelligence stratégique : protéger l’information interne à l’entreprise de l’extérieur. Montrer patte blanche auprès des fournisseurs ou des cocontractants en faisant état d’une bonne information governance, c’est-à-dire une bonne capacité de gestion de l’information, risque de devenir de plus en plus important dans le futur. “Au WSL, centre spatial gravitant dans l’orbite de l’ULg, on travaille déjà sur des stress tests visant à tester la fiabilité de leur système de gestion et de rétention de l’information, conclut Claude Lepère. A terme, il ne serait pas étonnant de voir apparaître des nouvelles normes – à l’image des normes ISO – pour tout ce qui relève de l’information governance. Ceux qui afficheront ce label de qualité – pour ne pas dire de sécurité – apparaîtront alors comme les plus professionnels et disposeront de facto d’un avantage compétitif.”

Jean-Marc Damry

Claude Lepère et Jean-Christophe Marcoux, Small business intelligence – De l’intelligence stratégique à l’information governance, Editions Edipro, Liège, septembre 2011.

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