L’industrie du voyage s’attend à un hiver incertain

© D.R.

En Europe, l’industrie du voyage continue d’envisager l’avenir avec optimisme, mais le marché américain commence à présenter quelques failles. 

L’industrie du voyage a connu une saison estivale extraordinaire. Les compagnies aériennes ont enregistré des bénéfices record. Des deux côtés de l’Atlantique, les hôtels ont retrouvé des taux d’occupation proches de ceux observés avant la pandémie de coronavirus. Néanmoins, l’industrie s’attend à un hiver incertain. Il reste à voir si la demande de vacances résistera à la persistance d’une inflation élevée et à la stagnation économique.  

En Europe, l’inflation ne devrait pas freiner l’appétit des consommateurs pour les voyages. Mais aux États-Unis, où les premiers signes d’affaiblissement de la demande sur le marché intérieur sont visibles, des failles commencent à apparaître. La compagnie aérienne à bas prix Spirit a annoncé des “rabais importants” lorsqu’elle a envoyé un avertissement sur ses bénéfices ce mois-ci, tandis que JetBlue a noté une “désaffection pour les voyages intérieurs” au mois d’août.  

Des observateurs plus optimistes de l’industrie du voyage soulignent que les voyageurs américains échangent leurs vacances nationales contre des vacances à l’étranger. Par exemple, l’industrie du tourisme en Europe a été stimulée cet été par l’afflux de voyageurs en provenance des États-Unis. Mais comme les voyages intérieurs aux États-Unis ont été l’un des premiers segments de l’industrie du voyage à se redresser pendant la pandémie, certains craignent que ce ralentissement ne soit un signe avant-coureur que les Américains soient moins enclins à voyager.  

Des hauts et des bas  

En Europe, Michael O’Leary, PDG de Ryanair, la plus grande compagnie aérienne du continent, reste “prudent”, même si les réservations pour l’hiver sont supérieures de 3 à 4 % à celles de l’année dernière. “Je m’inquiète de la confiance des consommateurs. Les taux d’intérêt sont plus élevés, les remboursements hypothécaires et les prix de l’énergie augmentent”, a-t-il déclaré. O’Leary s’attend à ce que Ryanair doive baisser ses prix pour remplir les avions pendant les périodes plus calmes, car le secteur connaît “davantage de pics et de creux”. Cet hiver, les prix baisseront généralement d’un pourcentage inférieur à 10 %. 

Sébastien Bazin, PDG du géant de l’hôtellerie Accor, estime que le secteur doit faire face à une “baisse du pouvoir de fixation des prix”. Les taux d’occupation des hôtels sont inférieurs de 4 % à ce qu’ils étaient avant la pandémie, ce qu’Accor a compensé en augmentant ses prix de 10 %. “Avec l’augmentation des taux d’intérêt et de l’inflation, les consommateurs auront moins à dépenser, mais nous en avons tenu compte”, déclare Sébastien Bazin. Accor prévoit une croissance plus normale du revenu par chambre, de 2,5 à 5 % par an, “compte tenu de la pression exercée sur la classe moyenne”.  

Des habitudes de voyage normales  

 La plupart des observateurs maintiennent que le secteur du voyage ne présente pas encore de brèches sérieuses. À la mi-septembre, les réservations hôtelières mondiales pour le quatrième trimestre étaient supérieures de 11 % à celles de la même période de l’année précédente, selon la plateforme technologique de voyage Amadeus. Le revenu par chambre disponible, un indicateur clé de l’industrie, s’élevait à 116 dollars cette année à la fin du mois d’août, juste en dessous de la moyenne de 117 dollars pour 2019, mais bien au-dessus des 99 dollars de 2022.  

Dana Dunne, PDG d’eDreams Odigeo, l’une des plus grandes agences de voyage en ligne d’Europe, estime que les spéculations sur une “bulle du voyage” post-pandémique susceptible d’éclater ne sont pas d’actualité. Il affirme que le secteur est revenu à des “schémas de voyage normaux”, avec les hauts et les bas des pics saisonniers et des hivers calmes. Il ne voit aucun signe d’effondrement de la demande. “Les choses se présentent bien”, selon Dunne. 

Le retour des touristes chinois pourrait donner un coup de pouce bienvenu au secteur des voyages internationaux. Avant la pandémie, 170 millions de touristes chinois se rendaient à l’étranger, mais d’ici la fin de l’année, ils ne seront plus que 70 millions, selon les prévisions du China Outbound Tourism Research Institute (l’Institut chinois de recherche sur le tourisme). “Les touristes chinois ne peuvent pas quitter la Chine parce qu’il n’y a pas de capacité de vol. Le marché international ne s’est pas encore rétabli”, explique Bill Heinecke, directeur général du groupe hôtelier thaïlandais Minor International. “Mais la situation devrait s’améliorer d’ici la fin de l’année”.  

Soleil d’hiver  

La compagnie aérienne Virgin Atlantic prévoit un dernier trimestre “solide”, avec un nombre de passagers en hausse de 14 % par rapport à l’année dernière, alors que la compagnie se concentre sur les destinations au soleil hivernales, avec de nouvelles routes vers Dubaï, les Maldives et les îles Turques-et-Caïques. Le voyagiste londonien On The Beach Group a indiqué dans une mise à jour rassurante que le nombre de réservations pour l’hiver cette année est supérieur de 26 % à celui de la saison 2022-2023, tandis que les réservations pour l’hiver de P&O Ferries ont également augmenté de plus de 30 % par rapport à l’année dernière. Les vacanciers sont d’autant plus importants pour l’industrie que les voyages d’affaires se redressent plus lentement.  

Les compagnies aériennes constatent une forte hausse des prix du carburant, ce qui rend indispensable une forte demande de voyages pour répercuter ces coûts plus élevés sur les consommateurs par le biais de billets plus chers. Chris Tarry, consultant en aviation, a déclaré que le secteur bénéficiait encore de la “demande excédentaire” depuis la fin de la pandémie, mais qu’une fois que celle-ci se sera calmée, les “facteurs économiques” détermineront à nouveau le sort des compagnies aériennes.       

Un coup dur  

 Les actions de l’industrie du voyage ont été malmenées récemment. Ainsi, l’indice MSCI Global Airlines a chuté d’un cinquième depuis la mi-juillet et se situe à 40 % en dessous de son niveau d’avant la pandémie. Le secteur est généralement considéré comme cyclique et sensible à l’économie mondiale. Les investisseurs n’ont jamais accordé beaucoup de crédit à la reprise, les cours des actions de la plupart des grandes compagnies aériennes étant toujours inférieurs à leurs niveaux d’avant la pandémie. “Les actions des compagnies aériennes ne sont pas à la mode”, estiment les analystes de Barclays dans une note récente.  

Le PDG d’eDreams Odigeo estime toutefois que les investisseurs ont tort de lier la fortune du secteur à l’économie mondiale. “Je ne suis pas du tout d’accord avec cela. Historiquement, c’est complètement faux”, a-t-il déclaré. Il y a un an, certains investisseurs vous auraient dit : “Oh, c’est vraiment mauvais, les gens ne voyagent pas”. Ce n’était tout simplement pas le cas.”

Financial Times

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content