“L’Europe doit intervenir immédiatement pour empêcher la poursuite du déclin de son industrie automobile”
Dans un rapport, Allianz Trade ne mâche pas ses mots : l’industrie automobile va vers sa perte si l’Union européenne ne fait rien de concret. Quelles mesures faut-il envisager ?
Le potentiel déclin de l’industrie automobile européenne en inquiète plus d’un. Parmi ceux qui craignent que les choses iront mal, il y a les économistes de l’assureur Allianz Trade. Dans un rapport, ils appellent donc l’Europe à faire le nécessaire pour éviter ce déclin.
“L’Europe doit intervenir immédiatement pour empêcher la poursuite du déclin de son industrie automobile. Une action immédiate s’impose pour accélérer la mise en place de l’écosystème indispensable aux voitures électriques. Sans mesure, l’écart avec la Chine et les États-Unis continuera de se creuser, ce qui entrainera de graves conséquences pour l’économie européenne, notamment en termes d’exportations, d’emploi et d’innovation”, plaident-ils. Et d’ajouter : “Face à trop de réglementations, Bruxelles n’offre pas assez d’incitations.”
Quelles mesures ?
Un des défis qui attend le secteur est la fin de la vente de véhicules thermiques (sauf exceptions, comme les véhicules roulant au carburant de synthèse “renouvelable”), en 2035. Pour Allianz Trade, il n’y a pas assez de choses qui sont faites pour promouvoir l’adoption de la voiture électrique, pour que l’industrie puisse se préparer à cette fin.
“Quelles alternatives sont envisagées ? Aux États-Unis et surtout en Chine, l’on constate un soutien coordonné et une stratégie globale. Il y a 15 ans, le gouvernement chinois s’est pleinement engagé en faveur des VE, notamment en construisant de grandes usines de batteries. L’Europe se contente de quelques mesures incitatives éparses. Dans 20 pays de l’UE, des incitations en matière d’infrastructures (telles que des subventions pour les bornes et les stations de recharge) font défaut. Très peu de choses sont faites pour promouvoir l’adoption des voitures électriques. Et les mesures d’incitations mises en place en 2024 sont encore réduites, notamment en Allemagne et en France, où les subventions sont restreintes en raison de contraintes budgétaires”, réfléchit Johan Geeroms, Director Risk Underwriting Benelux chez Allianz Trade.
Un élément important à mettre en place, pour l’économiste, est un réseau plus dense de bornes de recharge. Car il n’y a que certains pays, comme la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne ou encore la France, où les conducteurs sont bien desservis (et encore, il peut y avoir des régions avec moins de bornes). Ailleurs, la couverture du territoire est moins importante. Ce qui est un élément qui retient encore les automobilistes à sauter le pas de l’électrique.
La Chine : double risque
Les voitures électriques chinoises, bon marché (et fortement subsidiées par Pékin, selon de nombreux observateurs), risquent d’inonder le marché européen. Les constructeurs européens craignent ainsi avoir du mal à s’imposer sur le marché de l’électrique. “La Chine a une longueur d’avance, ce qui est dramatique pour les constructeurs automobiles européens qui ont tardé à réagir. Certes, des efforts sont en cours pour combler ce retard. Les fabricants européens sont confrontés à une concurrence féroce, surtout lorsqu’il s’agit du marché de masse des voitures de classe moyenne abordables. Cela se traduit par des prix plus bas et des marges plus serrées. Ceux qui restent à la traîne auront du mal à survivre”, continue Geeroms, notant aussi que les faillites augmentent et que certains constructeurs produisent des VE à perte, ce qui n’est pas viable.
Le rapport ne donne pas de pistes de mesures pour ce problème. Mais le sujet est souvent débattu, et une des propositions politiques mises sur la table est une hausse des taxes d’importation, pour gommer la différence de prix.
Les prix moins élevés des VE ne sont pas le seul risque émanant de la Chine. Il y a aussi la dépendance aux batteries chinoise, continue le rapport. Elles sont le coût principal de la production d’une voiture électrique. Les dix plus grands constructeurs de batteries sont asiatiques, dont six sont chinois, met en garde Geeroms. De nombreux constructeurs européens achètent donc des batteries chinoises – ce qui crée une dépendance “dangereusement élevée”. En cas de pépin avec Pékin, ces constructeurs perdraient un élément crucial de la production. L’Europe doit donc mettre en place le développement de sa propre filière de batteries. Une piste pour le favoriser pourrait être d’exclure les véhicules équipés de composants chinois des subsides (comme l’a fait Washington avec l’IRA), poursuit l’expert.
Comme risque de dépendance, on peut également ajouter les matières premières. La Chine est le numéro un mondial en ce qui concerne le raffinage de lithium et la production d’autres matériaux critiques, comme les terres rares. Mais c’est encore un tout autre casse-tête.
Voitures électriques
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