“L’éthique et les bénéfices sont parfaitement compatibles”

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Joker et Bob Elsen, son administrateur délégué, pratiquaient déjà la responsabilité sociale des entreprises avant même l’invention du concept. L’économiste mérite donc bien sa place dans notre série consacrée aux entrepreneurs sociétaux.

Bob Elsen, qui nous reçoit dans ses bureaux malinois, insiste : Joker est une entreprise commerciale qui entend bien réaliser des bénéfices. Mais ce n’est pas son seul but. “La rencontre entre les personnes a toujours été le fil conducteur de nos activités, qu’il s’agisse du tour-opérateur Joker, des cafés de voyage ViaVia ou de Living Stone, le centre pour l’entreprenariat interculturel. Les trois autres valeurs qui sous-tendent notre philosophie sont l’ouverture, l’égalité et l’émerveillement.”

Ce principe a incité Joker à innover dans le secteur des voyages, il y a trente ans. “Pour susciter les rencontres, nous avons conçu de nouveaux produits. Nous étions les premiers à organiser des voyages en petits groupes de huit à douze personnes. Pour beaucoup, un suicide financier. Nous voyagions aussi en transports publics, nous logions dans de petits hôtels, nous payions une partie du prix directement à la population locale et nous ne fixions pas notre programme quotidien. Tout cela pour favoriser les rencontres et la participation active des touristes.”

Trente ans plus tard, Bob Elsen est toujours l’administrateur délégué de Joker. Pendant des années, il a aussi dirigé d’une manière socialement responsable la centrale de pneus louvaniste Dupont, une entreprise familiale qu’il a vendue en 2006. “Le slogan personnes, planète et profits s’applique aussi aux produits commercialisés. Voyez les banques, par exemple. D’un côté, elles attirent les clients avec leurs fonds éthiques, mais de l’autre, elles leur proposent des produits à haut risque. Comment peut-on encore parler de développement durable ? L’écoute du client et la fixation d’un prix juste n’excluent pas la réalisation de bénéfices. On peut même en faire beaucoup, tant que c’est dans le respect de l’éthique.”

Une culture d’entreprise basée sur des principes durables

Bob Elsen s’est inspiré au départ du livre de management In Search of Excellence, de Tom Peters, pour définir quatre objectifs stratégiques : la concrétisation innovante de la vision, le centrage sur les clients, la mise en £uvre d’une organisation inspirante et ciblée, et la réalisation de bénéfices. Plus tard, après avoir lu Organisaties op scherp (Les organisations sur le qui-vive), de Herman Van den Broeck et de Steven Mestdagh, Bob Elsen a appliqué ces cinq principes à Joker :

1. Optez pour une approche holistique. “Celle-ci implique de considérer le système comme un ensemble, un peu comme une équipe de football où les avants, les milieux et les arrières doivent jouer ensemble pour gagner.”

2. Cherchez l’équilibre entre l’ordre et le chaos. “Dans une entreprise telle que Joker, la créativité joue un grand rôle, ce qui empêche de tout déterminer d’avance. Mais pour éviter le chaos, des lignes directrices sont nécessaires. Nous travaillons donc aussi avec des indicateurs-clés de performance.”

3. Instaurez des structures de concertation effectives. “Si vous réfléchissez au niveau global, vous devez permettre aux différents niveaux de participer aux décisions. Joker a ainsi intégré des personnes issues de tous les départements de l’entreprise dans le comité directeur qui détermine le fonctionnement opérationnel.”

4. Fournissez des informations. “Les collaborateurs doivent disposer d’informations suffisantes pour prendre les bonnes décisions. Mais si vous publiez tout sur l’intranet, ils seront rapidement submergés.”

5. Stimulez la créativité. “Nous utilisons un certain nombre de techniques pour encourager la créativité. Quiconque publie une proposition sur l’intranet doit recevoir une réponse, même négative. Par ailleurs, nous constituons régulièrement des groupes de travail sur un thème déterminé. Les participants peuvent discuter librement, sans règles ni limitations.”

Renforcer la collaboration locale

Joker, qui a remporté l’année dernière le Travel Magazine Award du tour-opérateur le plus durable, suit de près les tendances de la société et cherche à mettre en avant ses valeurs dans un environnement changeant. L’Internet a profondément modifié le secteur touristique, et Bob Elsen perçoit déjà le prochain changement. “Le marché de la vente des billets d’avion se développe encore. Les consommateurs ne se tournent vers un tour-opérateur que lorsque les choses se compliquent et que plusieurs billets sont nécessaires pour le même voyage. D’après moi, le tourisme évoluera vers une plus grande collaboration avec les populations locales.”

BENNY DEBRUYNE

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