Les voitures chinoises inondent le continent européen

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Après le Japon et la Corée du Sud, le marché automobile européen est désormais inondé de voitures chinoises, avec des marques encore peu connues telles que Aiways, Li Auto, MG, Nio et Xpeng. Pour la nouvelle puissance mondiale, l’industrie automobile est l’un des secteurs clés par lesquels elle veut conquérir le monde.

Les ventes de la marque MG, filiale du leader chinois SAIC Motor, ont augmenté de plus de 240 % en Belgique au cours des cinq premiers mois, pour atteindre 1 397 voitures. Dans l’Union européenne, ce nombre s’élève à 70 000 voitures vendues au cours des quatre premiers mois, a indiqué l’entreprise publique chinoise dans son rapport annuel 2022. MG vend principalement des voitures électriques. Ce segment a représenté 415 579 nouvelles immatriculations en Europe.

“Nous sommes inondés de voitures électriques chinoises. Ils veulent à tout prix gagner des parts de marché en Europe”, a déclaré Sam De Spiegelaere, directeur général du site de transport de fret Wallenius Wilhelmsen (port de Zeebrugge) à De Standaard au début du mois de mai. Le quotidien avait publié un article sur Zeebrugge en tant que plus grand port automobile du monde. “Ce sont des voitures électriques abordables pour la classe moyenne. Elles peuvent être livrées de stock”, poursuit De Spiegelaere.

Un rapport alarmant de l’assureur-crédit Allianz Trade a suivi à la mi-mai. Johan Geeroms, directeur de la souscription des risques au Benelux : “Ce rapport met en garde contre le coup, porté par la Chine, à l’industrie automobile européenne et, plus généralement, à l’ensemble de l’économie européenne. Dans les années à venir, les Européens conduiront en masse des voitures fabriquées en Chine”. Cela réduirait les bénéfices annuels des constructeurs européens de 7 milliards d’euros, d’ici 2030. L’industrie automobile étant le secteur industriel le plus important de l’Union européenne.

Un effet gigantesque

L’offensive chinoise repose presque entièrement sur les voitures électriques. En 2015, le gouvernement chinois a présenté son plan “Made in China 2025”. L’industrie automobile y est définie comme l’un des neuf secteurs industriels clés dans lesquels la Chine souhaite devenir un leader mondial. L’accent est mis sur les voitures électriques. Le gouvernement chinois s’est montré très généreux et les constructeurs automobiles ont reçu des subventions pour développer ces technologies respectueuses de l’environnement. Les consommateurs chinois ont, eux, bénéficié, entre autres, de subventions pour l’achat de voitures électriques, de tarifs de recharge avantageux et d’une remise des taxes à l’importation.

Mais ces subventions ont été largement supprimées cette année. L’un des constructeurs de voitures électriques, Nio, s’inquiète d’ailleurs de cette situation dans son dernier rapport annuel. La croissance de Nio est largement due à l’aide de l’État. Si cette aide disparaît, l’entreprise, lourdement déficitaire, court un risque.

L’initiative “Made in China 2025” a eu un effet considérable. Nulle part ailleurs dans le monde, il n’y a autant de voitures électriques qu’en Chine, selon l’étude d’Allianz Trade. En 2022, les Chinois ont acheté plus de deux fois plus de voitures électriques que les Européens et les Américains réunis. Avec 5,4 millions de voitures électriques vendues dans le pays, la Chine représente les deux tiers des ventes mondiales de voitures électriques. Les marques chinoises représentent plus de 80 % de ces ventes. La première entreprise internationale qui arrive juste derrière est l’Américaine Tesla, propriété d’Elon Musk.

Jouer de la guitare dans les embouteillages

L’augmentation des parts de marché au niveau national s’est accompagnée d’une prise de confiance de la part de la Chine, en particulier depuis que la domination de ce pays s’est intensifiée au premier trimestre 2023. Au salon de l’automobile de Shanghai, les constructeurs chinois se sont imposés. Toutes sortes de marques encore inconnues en Europe (comme Aiways, Li Auto, Lynk & Co, Nio et Xpeng) ont volé la vedette aux constructeurs occidentaux. Toutes ces marques chinoises fabriquent des voitures électriques.

Et toutes prétendent être meilleures que les voitures européennes d’un point de vue technologie. En effet, les consommateurs chinois sont friands de nouveautés technologiques. Le contrôle de l’éclairage et de la température est entièrement automatisé et la technologie vocale est omniprésente. Pour les passionnés, il existe des fonctions surprenantes de divertissement. Ceux qui le souhaitent peuvent choisir l’option “karaoké” en conduisant dans un embouteillage. Dans les  portières de la Yuan Plus du leader du marché BYD (qui signifie “Build Your Dreams”), il y a même des cordes de guitare sur lesquelles les passagers peuvent jouer, ou bien le conducteur…

Des performances financières insuffisantes

Les constructeurs automobiles allemands, leaders mondiaux du segment haut de gamme, observent cette évolution avec crainte, mais aussi avec expectative. Pour Audi, BMW, Mercedes-Benz mais aussi Volkswagen, la Chine est le plus grand marché. “L’industrie automobile allemande a sous-estimé la force de la concurrence chinoise. Nous assistons, en Chine, à une bataille technologique, comme nous n’en avions jamais connue auparavant”, a reconnu Markus Duesmann, PDG d’Audi, dans l’hebdomadaire allemand Der Spiegel à la fin du mois d’avril.

Mais M. Duesmann a également fait remarquer avec délicatesse que “ces voitures équipées de nouvelles technologies sont vendues à un prix qui ne s’approche même pas du prix de revient”. Il faut dire que la guerre des prix fait rage en Chine depuis des années, précisément en raison du grand nombre de nouveaux arrivants. Selon le chercheur JSC Automotive, tous les constructeurs automobiles chinois sont en surcapacité, en raison de prévisions beaucoup trop optimistes. La capacité de production moyenne, en 2022, était de 49 %, alors qu’une usine rentable devrait avoir une capacité de 80 %.

Certaines marques chinoises sont des entreprises très solides. BYD, fondée en 1995, est également un important fabricant de batteries. Tesla fait partie de ses clients. Par ailleurs, l’entreprise publique SAIC Motor est devenue importante aussi grâce à des coentreprises avec Volkswagen (1,3 million de voitures l’année dernière) et General Motors (2,8 millions de voitures l’année dernière).

Un coup d’œil aux bilans des nouveaux venus chinois, dans le monde de l’automobile, fait froncer les sourcils. Même si ces derniers peuvent être technologiquement très en avance, leurs résultats financiers sont médiocres. C’est en partie compréhensible, quand il s’agit de jeunes entreprises fondées par un entrepreneur. Li Xiang a fondé Li Auto en 2015, tandis que Bin Li avait lancé Nio un an plus tôt. En 2014, quatre entrepreneurs ont fondé Xpeng. Les trois marques sont cotées en bourse et enregistrent toutes des pertes. Mais les investisseurs croient à l’histoire, car Li Auto et Nio valent plus en bourse que les marques européennes haut de gamme Porsche ou Volvo, qui eux pourtant font des bénéfices.

La part de marché d’abord, les bénéfices ensuite

Volvo, que beaucoup connaissent encore comme une marque suédoise, figure également sur la liste des constructeurs automobiles chinois. Avec ses 7 000 employés, l’usine de voitures de Volvo à Gand est le plus grand employeur industriel de Flandre. Le groupe automobile chinois Geely est propriétaire de Volvo Cars depuis 2010. Le fondateur de Geely, Li Shu Fu, suit une voie quelque peu différente. Le groupe Geely – qui signifie “chanceux” en chinois – est le troisième constructeur automobile en Chine et possède plusieurs marques chinoises et européennes. Polestar, par exemple, est une de Volvo filiale introduite en bourse. Les voitures “suédoises” de Polestar sont fabriquées en Chine. Une autre marque de  voiture de sport électrique du groupe Geely, Zeekr, a des projets d’introduction en bourse. Zeekr se décrit comme “une voiture électrique premium intelligente”. La filiale reste déficitaire pour l’instant.

Encore une autre marque de Geely, Lynk & Co, déjà connue en Flandre, a réalisé l’année dernière un bénéfice net minuscule d’à peine 1 million d’euros, et ce malgré des ventes de près de 200 000 voitures. Les ventes en Europe expliquent en grande partie ces faibles chiffres. Bien que celles-ci aient augmenté de 145 % l’année dernière, “la promotion de la marque a entraîné de lourds investissements en marketing”, écrit Geely dans son rapport annuel, mais gagner des parts de marché est plus important que de faire des bénéfices.

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