Les quatre défis du modèle de l’abonnement

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Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

Du prix de l’abonnement au coût d’acquisition du client en passant par la délicate question de la valeur ajoutée et du “churn”: tout ce qu’il faut savoir avant de lancer son entreprise dans l’aventure de la souscription.

Malgré les nombreux avantages qu’offre le modèle de l’abonnement (lire ici notre dossier), il n’a rien d’une formule magique pour autant. Les obstacles sont en effet bien réels et nombreux. Voici les grands points d’attention si vous comptez vous lancer dans un processus de “Netflixisation”.

1. La conception de l’offre

Le point de départ du modèle réside évidemment dans la conception de l’offre d’abonnement et l’élaboration de son prix. Cela semble évident écrit comme cela, mais il s’agit d’un élément crucial. Et il n’est pas rare qu’une entreprise échoue parce qu’elle a mal estimé l’offre de départ. Cette dernière se définit par le produit ou service proposé, sa valeur ajoutée et, bien sûr, son prix.

La grosse erreur à ne pas commettre? Imaginer une offre et un prix seulement en fonction des besoins de l’entreprise… et ne pas assez se mettre à la place du client. L’abonnement doit en effet offrir une valeur ajoutée suffisante pour justifier un coût régulier. Il doit se révéler assez attrayant: imaginez une service de vidéo à la demande avec un catalogue trop réduit ; impossible de motiver les clients potentiels.

De plus, il faut que cette valeur ajoutée de l’abonnement le soit aussi par rapport à un achat unique. En résumé: le prix ne peut pas être trop bas pour éviter que l’entreprise perde de l’argent, mais il ne peut être trop élevé pour la valeur perçue, sous peine de faire fuir les clients.

2. L’acquisition des clients

Si l’offre et le prix de l’abonnement sont bons, reste à… convaincre les clients. “L’acquisition client et la création d’un abonné constituent clairement le plus gros challenge, analyse Cyril Vart, executive vice-president chez le consulat spécialisé EY Fabernovel. Mais il s’agit essentiellement d’une allocation de ressources. L’entreprise doit savoir ce qu’elle est prête à donner pour qu’un utilisateur s’abonne chez elle. Cela peut coûter assez cher selon le secteur et le type de services proposés. De quelques dizaines d’euros dans la presse à plusieurs centaines d’euros dans les télécoms…”.

“La création d’un abonné constitue clairement le plus gros challenge. Cela peut coûter assez cher selon le secteur et le type de services proposés.” CYRIL VART, EY FABERNOVEL
Cyril Vart (EY Fabernovel): “La création d’un abonné constitue clairement le plus gros challenge”. © PG

Cette somme comprend le coût des investissements publicitaires, événementiels, promotionnels ou de marketing nécessaires pour attirer l’attention de clients et les convaincre de s’abonner. “Aujourd’hui, avec un peu de créativité et une bonne utilisation du digital et des réseaux sociaux, il est possible de légèrement réduire ces coûts d’acquisition”, poursuit Cyril Vart.

Mais cela reste des investissements: le prix des achats de mots-clés sur Google explose dans certains secteurs très compétitifs, notamment dans l’e-commerce. Les entreprises qui veulent imposer un abonnement dans un marché déjà saturé (surtout si elles ne disposent pas d’un grande notoriété) devront donc disposer de suffisamment de ressources financières.

3. La fidélisation des abonnés

Garder ses clients: voilà un des enjeux majeurs du modèle de l’abonnement, puisque c’est cette rétention de clients sur le long terme qui permet d’assurer un revenu récurrent et stable. “Les entreprises payent parfois très cher pour l’acquisition de clients, observe Cyril Vart. Mais le vrai enjeu derrière, c’est la fidélisation, pour éviter qu’à un moment donné, le solde net de ceux qui s’en vont et des nouveaux entrants (ce qu’on appelle le ‘churn’, Ndlr) ne soit négatif. Dans de nombreux cas, il y a davantage de valeur à garder un abonné qu’à recruter de nouveaux clients”.

“La balance acquisition/fidélisation est une donnée très mathématisable.”

Dans le modèle de la souscription, ce churn constitue donc probablement la mesure la plus importante. Un churn trop élevé, synonyme de perte de clients, est un très mauvais signal, et à plusieurs points de vue. En effet, garder ses abonnés facilite la capacité de l’entreprise à se projeter financièrement dans le futur. Moins on les garde longtemps, moins on peut maximiser leur valeur et donc amortir rapidement leur coût d’acquisition.

“En fonction de nos taux d’acquisition et de rétention, on peut estimer à 10% près les revenus liés aux abonnements que l’on va obtenir le mois d’après.” JONATHAN SCHOCKAERT, CEO DE RING TWICE
Jonathan Schockaert (Ring Twice). © PG

Un churn trop élevé est aussi un mauvais signal par rapport à l’offre et au produit. Soit c’est la preuve que le produit ne plaît plus (assez) ou n’apporte pas/plus de valeur ajoutée suffisante aux clients. Soit que des offres concurrentes les attirent davantage. Dans les deux cas, l’entreprise doit se poser des questions.

Heureusement, à offre constante, “la balance acquisition/fidélisation est une donnée très mathématisable, intervient Cyril Vart. Cet exercice d’équilibre est essentiellement de l’optimisation. Si l’on maîtrise bien les variables de l’abonnement, on se trompe assez peu.”

Jonathan Schockaert, cofondateur et CEO de Ring Twice (ex-ListMinut) peut en attester. La start-up qui met en contact les internautes et des corps de métiers propose aussi une formule d’abonnement. “En fonction de nos taux d’acquisition et de rétention, on peut estimer à 10% près les revenus liés aux abonnements que l’on va obtenir le mois d’après, se réjouit-il. On sait combien d’abonnés vont repayer et combien mettront un terme à l’abonnement. La rétention est très similaire de mois en mois. C’en est étonnant.”

4. Maintenir un bon produit

“Un élément est souvent négligé, regrette Cyril Vart: le risque que le produit ne devienne fainéant, qu’on propose toujours la même chose au client, qu’on ne le chouchoute pas assez et qu’il se lasse. Il faut renouveler, apporter du neuf et de l’étonnement, surtout dans le cas d’un produit à forte intimité où l’aspect émotionnel joue beaucoup. C’est le défi de plateformes comme Netflix ou Disney, par exemple. Autre gros point: à un moment donné, l’entreprise arrive au maximum du nombre d’abonnés qu’elle peut acquérir. Résultat: le seul moyen d’optimiser le modèle, c’est de rogner sur le produit… Et donc de proposer une valeur ajoutée qui soit moins grande.”

Une telle issue crée de l’insatisfaction, et donc des désabonnements. Pour éviter cette mésaventure, les entreprises doivent constamment améliorer leur offre ou leurs produits, répondre aux besoins et aux attentes des clients en proposant de nouvelles fonctionnalités ou délivrer des avantages exclusifs aux abonnés les plus fidèles. Les entreprises peuvent également utiliser les données clients pour comprendre comment les clients utilisent l’offre, afin d’identifier les domaines d’amélioration potentiels.

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