Les entreprises n’ont jamais payé autant d’impôts en Belgique
Avec une inflation galopante et une explosion des prix de l’énergie, 2022 aura été une année de crise. Cela n’a pourtant pas empêché le Trésor belge de percevoir un montant record d’impôts sur les sociétés. Plus de 19,3 milliards d’euros ont été versés directement par les entreprises à l’État. C’est beaucoup plus que les 17,5 milliards d’euros versés en 2021. Une année qui avait déjà été un record.
Trends, en collaboration avec Trends Business Information, la base de données financière de notre éditeur Roularta, a analysé les bilans de 507.803 entreprises pour l’exercice 2022. Plus des trois quarts d’entre elles paient l’impôt sur les sociétés.
Un demi-million d’entreprises
La sélection a été faite sur base des bilans uniques des entreprises belges, ou sur base des branches de groupes, internationales ou non. Ces bilans montrent très concrètement le montant réel et effectif de l’impôt des sociétés payé à l’Etat belge. En revanche, dans le cas des holdings de consolidation, il n’est pas toujours évident de savoir combien de liquidités sont versées au gouvernement au titre de l’impôt sur les sociétés. “Au total, nous avons analysé plus d’un demi-million d’entreprises qui ont déposé un bilan”, explique Pascal Flisch, analyste financier chez Trends Business Information. “Le quart des entreprises qui n’ont pas payé d’impôt sur les bénéfices sont soit en perte, soit en mesure de récupérer les pertes reportées à des fins fiscales.
La TVA fait aussi gonfler les caisses de l’État
Il est intéressant de noter que l’impôt sur les sociétés augmente depuis cinq années consécutives, si l’on fait abstraction du coup de mou en 2020 lié au Covid. “En 2020, suite à la pandémie, le gouvernement a accordé des reports d’impôts et de TVA”, notait Pascal Flisch l’an dernier, lors de l’analyse de la facture de l’impôt sur les sociétés pour 2021. “En conséquence, de nombreuses entreprises ont terminé l’exercice 2020 avec plus de dettes fiscales que d’habitude. Cet argent a tout de même été versé dans les caisses de l’État en 2021.” L’année 2022 s’est donc révélée encore meilleure que l’année 2021 qui était déjà record. Pascal Flisch y voit deux raisons principales. “Le total des bénéfices avant impôts de nos entreprises a certes diminué l’année dernière, passant de près de 126 milliards d’euros en 2021 à plus de 118 milliards d’euros en 2022. Mais le nombre d’entreprises qui ont payé des impôts a augmenté de 8 227. Cela a entraîné une augmentation des recettes pour le gouvernement. En outre, l’inflation générale a entraîné une forte hausse des prix de vente, ce qui s’est traduit par une augmentation des recettes de TVA.” Si l’on additionne l’impôt sur les sociétés et la TVA, l’État a collecté près de 22 milliards auprès des entreprises au cours de l’exercice 2022. Le nombre total d’entreprises est alors également plus élevé, car les entreprises paient la TVA mais pas nécessairement l’impôt sur les sociétés.
Le top 50 des entreprises qui paient le plus d’impôts en Belgique
Mastercard et BASF sont les entreprises qui paient le plus d’impôts sur les sociétés. Comme l’année dernière, la Flandre, avec deux tiers, se taille la part du lion en matière d’impôt sur les sociétés. Six entreprises parmi les dix premières ont leur siège social en Flandre. Comme l’année dernière, le géant de la chimie nv BASF Antwerp occupe la deuxième place. La Wallonie ne fournit que 18 % du total, soit 1 point de pourcentage de plus qu’en 2017. La Wallonie accueille toutefois l’entreprise qui paie le plus d’impôt sur les sociétés pour la deuxième année consécutive.
Mastercard, à nouveau, la plus généreuse
Basée à Waterloo, Mastercard SA s’occupe notamment des transactions de paiement électronique. Avec 469 millions d’euros d’impôt sur les sociétés, elle représente plus de 13 % du montant total de la Wallonie. “Notre siège européen se trouve à Waterloo et, avec 600 employés, nous sommes à la pointe de la technologie financière et de la cybersécurité”, a déclaré Henri Dewaerheijd, directeur général pour la Belgique et le Luxembourg chez Mastercard. “Nous sommes conscients d’être l’un des plus gros contribuables de Belgique. L’inclusion et la responsabilité sociale étant au cœur de nos activités, nous pensons que notre empreinte fiscale doit refléter notre présence mondiale et l’importance de l’Europe pour nos activités.”
L’État profite des prix élevés de l’énergie
On notera que cette année, il y a des changements majeurs dans le top 50 des plus grandes entreprises contribuables. La guerre en Ukraine, l’inflation et la crise énergétique en sont les principaux responsables. NV Total Energies Petrochemicals & Refining, qui ne figurait pas dans le top 50 de 2021, apparaît soudain à la troisième place. La filiale belge du géant français de l’énergie a bénéficié l’année dernière de ce que l’entreprise elle-même décrit comme des tarifs de raffinage “historiquement élevés”, en raison de la guerre en Ukraine. Total Energies Petrochemicals & Refining comprend les raffineries d’Anvers, de Feluy et de Rotterdam. L’entreprise a vu son chiffre d’affaires augmenter pour atteindre 26 milliards d’euros, mais le bénéfice avant impôt en particulier a bondi de 187 millions d’euros en 2021 à 934 millions d’euros l’année dernière. L’entreprise a payé 195 millions d’euros d’impôts, contre seulement 9 millions d’euros en 2021. L’État belge n’a pas été le seul à en profiter. La France a pu compter sur une distribution de dividendes de pas moins de 1,73 milliard d’euros.
En raison d’une inflation sans précédent, les entreprises du secteur de l’énergie et des matières premières ont été encore plus nombreuses à truster une place dans le classement des plus gros payeurs d’impôts sur les sociétés en 2022. L’entreprise sidérurgique ArcelorMittal est passée de la dix-septième à la quatrième place, tirant des bénéfices nettement plus importants de l’augmentation des prix de l’acier. L’entreprise SQM Europe est sortie de nulle part pour débarquer à la quatorzième place. Cette société chilienne cotée en bourse, Sociedad Química y Minera, est une entreprise minière qui exploite notamment le lithium. Sa filiale anversoise a vu son chiffre d’affaires passer de 760 millions d’euros à 4,4 milliards d’euros. Le bénéfice net est passé de 22 millions d’euros à 169 millions d’euros en raison de la “forte augmentation des prix des produits (notamment du lithium)”, indique le rapport annuel. L’État belge se sucre aussi au passage puisqu’il perçoit 57 millions d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés, contre 7,6 millions d’euros en 2021.
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