Les conséquences de la guerre au Moyen-Orient sur… McDonald’s

Le conflit qui oppose le Hamas et Israël s’est introduit dans les cuisines des restaurants McDonald’s. La multinationale américaine de restauration rapide est impliquée dans une controverse dont elle se serait bien passée. En cause? Les positions affichées par certains de ses franchisés dans plusieurs pays, parmi lesquels Israël, l’Arabie saoudite, le Liban ou Oman.

Burger, frites, soda… Le tout compilé dans une boîte rouge et servi par un clown (ou presque), c’est en substance ce que les consommateurs trouvent lorsqu’ils poussent la porte d’un McDonald’s. L’entreprise de restauration rapide américaine possède 40.000 restaurants dans le monde (dont une centaine en Belgique) mais elle n’en exploite quasiment aucun. En effet, plus de 90% de ces restaurants sont des franchisés, donc gérés par un indépendant. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’entreprise du célèbre burger fonctionne bien en business to business to consumer: ce sont les franchisés (et non les consommateurs friands de Happy Meal) qui constituent les principaux clients de la chaîne. En plus de percevoir les commissions sur les ventes, McDonald’s loue l’ensemble de ses restaurants aux franchisés puisqu’il reste propriétaire des bâtiments exploités. C’est là sa principale source de revenus. Si l’enseigne a pu séduire un grand nombre d’indépendants désireux d’exploiter sa marque, c’est évidemment notamment grâce à la notoriété de celle-ci. “L’image de marque d’un réseau est l’une des motivations essentielles des candidats à la franchise qui souhaitent reproduire son succès”, rappelle Michaël Rosin, président de la Fédération belge de la franchise (FBF).

Initiatives indépendantes

Cette image de marque peut être renforcée positivement grâce aux initiatives de son réseau de franchisés mais également en pâtir et avoir des conséquences sur la réputation de l’entreprise. Un exemple? Les prises de position récentes des indépendants McDonald’s au Moyen-Orient qui ont abouti à des appels au boycott de la chaîne. Tout a commencé lorsque McDonald’s Israël, géré par la société Alonyal Limited, a déclaré via les réseaux sociaux qu’il offrirait des repas gratuits aux soldats israéliens ainsi qu’aux hôpitaux. Ce geste de solidarité a été perçu de manière très différente selon les positions défendues par chacun quant au conflit qui oppose le Hamas et l’armée israélienne. Pendant ce temps, d’autres franchisés ont d’ailleurs décidé d’exprimer leur solidarité, mais cette fois avec la Palestine. Par exemple, les McDonald’s des Emirats arabes unis et d’Oman ont communiqué leur intention d’offrir un soutien financier en faveur de la population de Gaza. Au Koweït, en Jordanie, au Liban et en Arabie saoudite, les franchisés ont aussi donné des fonds pour la population de Gaza.

“Il est du devoir du franchiseur de s’assurer que les franchisés respectent son image de marque.”

Michaël Rosin, président de la Fédération belge de la franchise

“Le franchisé est avant tout un indépendant mais il doit y avoir un certain équilibre entre son indépendance et le respect de l’image de marque et des valeurs que transmet l’enseigne”, souligne Michaël Rosin qui rappelle que le contrat de franchise prévoit des obligations qui concernent tant le franchiseur que le franchisé. Parmi celles-ci figurent des obligations générales comme le respect du concept de restaurant, avec l’utilisation et le respect des couleurs et du logo de l’entreprise, l’utilisation des outils informatiques prévus en interne ou encore les achats en centrale.

Autre élément particulièrement encadré dans le contrat de franchise: l’indépendant s’engage à ne pas porter atteinte à la bonne réputation du réseau ou de l’enseigne. “Un franchisé n’est donc pas censé prendre position de manière indépendante, il est libre de ses opinions en tant que personne mais il ne peut les exprimer sous la bannière de l’enseigne”, précise le président de la FBF.

Franchiseur, seul titulaire

“La prise de position n’est pas le rôle d’une entreprise, rappelle Thierry Bouckaert, spécialisé dans la communication de crise. Cela reste un outil qui permet de véhiculer des valeurs ou attirer des talents.” Le franchiseur est ainsi le seul titulaire pour défendre ou orienter l’image de la marque selon ses principes. Il a donc la possibilité de contraindre ses franchisés à respecter un cadre précis en matière de communication. Le problème, dans ce cas spécifique, est que la position de McDonald’s Monde varie de celle des McDonald’s par pays. “Cela reste humain d’avoir des sentiments moraux et nationaux”, concède Michaël Rosin qui note qu’en pratique, il est toujours difficile de distinguer l’individu de l’entreprise. Reste que ces positions diamétralement opposées entre franchisés ont forcé l’enseigne mère à réagir par le biais d’un communiqué, de quelques lignes.

“Il vaut mieux en dire trop peu afin d’éviter tout malentendu.”

Thierry Bouckaert, spécialisé dans la communication de crise

“Une entreprise doit être très prudente dans sa communication, il vaut mieux en dire trop peu afin d’éviter tout malentendu”, partage Thierry Bouckaert. Dans sa publication, McDonald’s Corporation précise qu’il ne finance ni ne soutient aucun gouvernement impliqué dans ce conflit. “Toutes les actions de nos titulaires locaux de licence ont été menées de manière indépendante et sans l’accord ou l’approbation de McDonald’s”, explique l’entreprise américaine. Cette prise de position protège également le franchiseur vis-à-vis de ses franchisés actifs dans les autres pays. En effet, si les appels au boycott venaient à se multiplier et impacter le chiffre d’affaires des autres indépendants, ces derniers pourraient se sentir léser et estimer que leur franchiseur n’a pas pris ses responsabilités en matière de communication. Ils pourraient alors se retourner contre leur franchiseur. “Il est du devoir du franchiseur de s’assurer que l’ensemble des franchisés suivent les normes et respectent l’image de marque afin, justement, de protéger le réseau, pointe Michaël Rosin. Ces derniers peuvent demander réparation du préjudice au franchiseur ou d’investir éventuellement dans de la contre-communication.”

Des précédents

Dans le cas où le franchiseur estime que son image de marque est entachée, il peut également se retourner contre ses franchisés et les contraindre à des ruptures anticipées de contrat ou des amendes. “Tous les contrats de franchise sont différents mais pour une entreprise mondiale, la protection de la marque est un des objectifs premiers, donc j’imagine que les sanctions doivent être très lourdes”, avance Michaël Rosin. McDonald’s n’a pas souhaité nous répondre sur la nature de ces éventuelles sanctions… A noter que McDonald’s n’est pas la première marque mondiale à être entraînée dans une controverse en raison de sa position sur le conflit israélo-palestinien. La multinationale néerlando- britannique Unilever a aussi été critiquée pour avoir omis de révéler que sa marque de glaces Ben & Jerry’s avait décidé de boycotter les territoires occupés par Israël en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Des situations qui rappellent les polémiques dans lesquelles se sont embourbées les entreprises qui ont décidé de maintenir leurs activités en Russie (comme TotalEnergies) alors même que celle-ci avait attaqué l’Ukraine.

“Les entreprises doivent s’adapter à l’évolution des mœurs. Mais avec la géopolitique, c’est toujours plus délicat.”

“Il y a une dizaine d’années, une entreprise pouvait se permettre de ne pas communiquer”, analyse Thierry Bouckaert qui nuance qu’aujourd’hui, ne pas prendre position revient à prendre position. Le cas de McDonald’s met en lumière les dynamiques géopolitiques délicates auxquelles les marques du monde entier doivent faire face à une époque où les entreprises sont souvent censées peser sur des questions sociales, environnementales ou politiques. “Les entreprises doivent s’adapter à l’évolution des mœurs, assure Thierry Bouckaert. Il y a énormément de sujets de société qui peuvent constituer des opportunités pour les entreprises, même si dans le cas de la géopolitique, c’est toujours plus délicat.”

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