Le vendeur, mi-psy, mi-coach
La vente est un processus qui repose sur une succession d’étapes balisées et bien connues de la majorité des commerciaux. Pourtant, il n’est pas conduit avec la même efficacité par tous parce que les changements de comportement que cet étapes induisent ne sont pas maîtrisés.
Le processus est simple en lui-même: toute vente passe par une introduction, puis une “découverte des besoins”, suivie par une “argumentation” ou une “proposition” ouvrant généralement la voie à une phase “d’objections” ou de “négociation” qui, une fois traversée, aboutit à une “conclusion”. Voici les cinq étapes universelles communes à l’absolue majorité des ventes, depuis l’achat d’un canapé en cuir jusqu’à la commande d’une machine-outil sur mesure. La durée de chacune de ces étapes peut varier, de quelques minutes à plusieurs mois. Certaines peuvent se répéter. Mais leur ordre est immuable et il est impossible d’en permuter deux.
Si le chemin a l’air simple, peu de vendeurs l’empruntent avec décontraction. Car chaque étape nécessite une adaptation particulière, propre à l’émotion du client qui, elle, ne cesse d’évoluer pendant tout le parcours. Alors, comment aborder chacune d’entre elles avec le bon comportement et la bonne intention ? Sans entrer dans l’inventaire du large éventail des techniques applicables à chaque étape, je vous propose d’apprendre à adopter deux postures essentielles pour faciliter vos ventes et amener avec fluidité votre client à la réalisation de ses souhaits.
Deux casquettes
Les bons commerciaux savent porter en alternance deux “casquettes” distinctes et jongler avec ces deux attitudes différentes aux moments les plus opportuns. Pour mieux vous permettre de les saisir, utilisons une métaphore : les meilleurs de la profession savent se comporter tantôt comme des psys et tantôt comme des coachs.
Un bon vendeur est donc d’abord un excellent “psy”. Comme lui, il apprend à poser des questions ouvertes, puissantes, confrontantes, non pas dans la seule ambition de comprendre son client mais également dans le but de l’amener à se comprendre lui-même en lui permettant de mettre des mots choisis et précis sur ses émotions, parfois contradictoires, et de faire émerger l’existence de besoins plus profonds et plus riches que ne l’était en apparence sa demande initiale. Savoir porter la casquette du psy requiert bienveillance, empathie, écoute active, étiquetage émotionnel, bon usage du silence, lecture fine du non-verbal et une excellente capacité de rebond sur tous les termes significatifs ou imprécis. La maîtrise de cette seule posture est déjà un art et peu de commerciaux sont capables de “lire” correctement les besoins de leurs clients. La plupart se contentent de “sauter” sur la moindre demande formulée pour tenter d’y répondre et de verrouiller le deal, piétinant de ce simple fait toutes les pistes subtiles qui auraient pu les conduire à la compréhension des vraies motivations de leur client.
Mais le second talent, encore plus rare, réside dans l’habilité à coacher son client. Le coach diffère du psy dans l’intention et les comportements. Le coach veille tout d’abord à ce que son client se fixe des objectifs clairs, ambitieux et réalistes, pour ensuite l’accompagner dans la mise en œuvre des stratégies et des efforts nécessaires à leur réalisation. En d’autres termes, si le psy aide à comprendre, le coach, lui, mobilise l’énergie pour faire avancer vers un but, sans lâcher d’un pouce, en aidant à sortir son client de ses propres ornières motivationnelles dans lesquelles il s’enlisera quand les choses deviendront plus difficiles. Le psy permet la compréhension, le coach engage l’action.
Prendre le contrôle
Voyons à présent, étape par étape, l’attitude la plus judicieuse à adopter. Dans les premiers instants d’un rendez-vous commercial, c’est la posture de coach qui prévaut. Il sait que la première impression est essentielle et va donner sa tonalité à toute la suite de la relation. Pendant l’introduction, le vendeur doit donc être clair, concis et engageant. Il veille à établir un cadre de confiance, en expliquant l’objectif de l’interaction et en démontrant qu’il est là pour aider. Il prend le contrôle, de façon douce et ferme, en éclairant le chemin à suivre.
Ensuite, la phase de découverte nécessite de savoir basculer en mode psy, d’oser poser les premières questions et de se garder de l’envie dévorante d’interrompre, de démontrer sa pertinence ou d’interférer dans le processus d’exploration du besoin en redécouvrant une vraie capacité d’écoute curieuse et bienveillante, en sachant quand et comment relancer ou faire approfondir son client. Bien entendu, le “psy” maîtrise la reformulation pour s’assurer d’avoir tout absorbé tout en rassurant son client de la bonne compréhension de ses enjeux.
Le coach prend alors le relais dans la partie proposition/argumentation en mettant en regard les objectifs clarifiés du client et les moyens disponibles (produits/services) pour les atteindre, en démontrant leur pertinence et leur efficacité. Il s’agira de transférer l’envie, la motivation à agir, à accomplir le changement, devenu possible, à portée de main ! Au bout de son motivational speech, il prendra soin d’engager son client dans l’action avec une question tranchée comme “on part là-dessus ? on y va ?”, plutôt que de commettre l’erreur de solliciter son sens du jugement, de l’opinion et de la critique par un désastreux “qu’en pensez-vous ?”, porte ouverte à toutes les procrastinations.
Le psy permet la compréhension, le coach engage l’action.
Plus la transformation envisagée par le client est lourde de conséquences, plus il est probable qu’il bute contre ses propres préoccupations et soit tenté de freiner le processus, pour conserver le statu quo, sa zone de confort. Il faudra donc revenir une nouvelle fois à toute la délicatesse et à l’empathie du “psy”, dans cette phase d’objections ou de négociation, pour écouter, faire à nouveau s’exprimer, au-delà des premiers mots, les racines profondes des besoins restés sans réponse, des inconforts, des peurs et doutes qui le retiennent de s’engager pleinement, afin de les verbaliser, les conscientiser et permettre de les rassurer et de les évacuer avec patience et bienveillance, plutôt que de tenter à tout prix de s’y opposer, d’y apporter des arguments contraires ou de tenter un passage en force délétère.
La juste posture
Quand sera enfin venu le moment de conclure, c’est à nouveau au coach que nous cédons le pas, pour libérer le désir d’avancer vers la transformation réussie. En gardant en ligne de mire les résultats escomptés par le client et en établissant clairement le plan d’action réaliste, cadré dans le temps, qui le sépare de cet aboutissement et en l’encourageant encore à franchir le cap, le coach obtiendra l’accord final et enclenchera valablement la mise en œuvre de la volonté du client à obtenir réellement ce qu’il veut. Les meilleurs coachs suivent et accompagnent les clients vers le résultat final tant espéré, qu’ils célébreront d’ailleurs avec eux avec une pointe de fierté.
Vous voilà à présent mieux équipés pour guider harmonieusement vos clients depuis leurs premiers désirs jusqu’à leur réalisation en adoptant la juste posture au bon moment. Ce n’est pas un hasard si je fais appel pour les clarifier à deux métiers d’aide à la personne. Trop de vendeurs restent focalisés sur ce qu’ils ont à vendre là où ceux qui excellent sont émerveillés par toute la richesse et la complexité de l’humain qui achète. “Stop selling, start helping”, aurait conclu l’immense auteur américain Zig Ziglar.
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