Le télescope Einstein, un projet en or

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Ce vaste observatoire de l’univers, qui pourrait voir le jour dans 10 ans, offre des perspectives économiques colossales pour la Wallonie. Son avènement se prépare dès à présent.

“C’est le projet de ma vie.” L’économiste Geert Noels ne cache pas sa passion et son enthousiasme pour le télescope Einstein, un projet démesuré appelé à être attribué d’ici 2026 et construit à l’horizon 2035. Son entreprise de consultance, Econopolis, a été choisie en novembre 2023 pour accompagner le projet, préparer la candidature et apprêter des retombées économiques vitales pour notre pays. “Depuis, je multiplie les contacts aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suisse pour former une coalition et fédérer les responsables politiques dans toutes les régions”, nous dit-il.


Le projet de télescope Einstein fédère les Pays-Bas, l’Allemagne et la Belgique. Ensemble, les voisins veulent donner naissance dans la région d’Aubel, des Fourons et de La Calamine à ce qui serait le plus grand observatoire mondial en matière de détection des ondes gravitationnelles. Une mise en abîme concrète de la théorie de la relativité du célèbre scientifique. L’objectif ultime est vertigineux: il s’agit, ni plus ni moins, de partir à la recherche du mystère de la formation des trous noirs et des origines de l’univers. C’est la porte ouverte à tous les possibles. Economiquement aussi.

“Un projet mobilisateur”

“Ce n’est pas un télescope classique, explique Geert Noels. Il s’agit d’un observatoire souterrain, enfoui à 250 kilomètres en dessous du sol, dans un triangle de 8 kilomètres de côté. L’investissement s’élèvera à 2 ou 3 milliards et fait d’ores et déjà partie des priorités de l’Union européenne.” Si la Belgique en fait partie, c’est grâce à la qualité de son sol, dont les roches conviennent à l’accueil d’un tel projet: sans cela, les Pays-Bas, qui étaient initialement à la manœuvre, se seraient peut-être passés de nous.


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Avec un tel projet de Big Science, vous attirez les cerveaux du monde entier dans votre pays: les retombées sont imprévisibles !

Geert Noels (Econopolis)


Seule la Sardaigne propose un projet rival pour accueillir ce télescope. Une option consisterait à fédérer les deux projets. Mais les autorités belges et celles des pays voisins misent sur le caractère central de leur projet, au cœur de l’Europe, pour convaincre de sa pertinence à l’heure où amener le matériel par bateaux et les chercheurs par avions n’est pas très neutre en carbone.


“Cela peut être un projet mobilisateur, insiste Geert Noels. Quand on voit ce que le CERN (le laboratoire européen pour la physique des particules, basé à Genève, Ndlr) a généré en Suisse depuis 1954, c’est inouï. Cela a littéralement transformé cette zone qui était une économie plutôt rurale et locale. Le CERN a développé le world wide web, vous imaginez ? Ce n’était pas prévu, mais c’est souvent comme ça. Avec un tel projet de Big Science, vous attirez les cerveaux du monde entier dans votre pays: les retombées sont imprévisibles!”


C’est le chercheur britannique Tim Berners-Lee qui a inventé le web au sein du CERN en 1989. Ce projet de réseau d’échanges avait été initialement conçu et développé afin que des scientifiques travaillant dans des universités et instituts du monde entier puissent s’échanger des informations de façon instantanée. Le world wide web a généré les géants de l’économie actuelle. “Un tel rassemblement de chercheurs peut avoir un effet de levier pour les sciences et technologies, et attirer des sièges sociaux de grandes entreprises, insiste Geert Noels. Nous travaillons en étroite collaboration avec les universités de Liège et de Hasselt. Il faut être conscient que la croissance, l’industrie, la recherche et le développement, c’est vital pour un pays !” Le CEO d’Econopolis estime que la lutte contre la désindustrialisation sera LE combat de 2024, pour la Belgique et pour l’Europe.

“L’ambition donne confiance”

Secrétaire d’Etat fédéral à la Relance, Thomas Dermine (PS) entend mettre tout en œuvre afin que la Belgique soit à la hauteur de l’ambition du projet. “Nous faisons tout le nécessaire pour que notre candidature ne pâtisse pas d’un blocage après les élections de juin 2024, ce que l’on ne peut jamais exclure, nous dit-il. J’avance à marche forcée afin que le gouvernement fédéral joue un rôle de coordination et donne à l’administration les moyens de poursuivre le chemin, quoi qu’il arrive.”


Ces derniers mois, souligne Thomas Dermine, le rythme a été soutenu. “En septembre, nous avons fait une declaration of interest avec toutes les parties concernées par le projet. Fin novembre, un grand congrès scientifique a été organisé pour publier le résultat favorable des études géologiques. Et le 11 décembre, une conférence interministérielle a permis d’aligner nos positions avec la Wallonie et la Flandre. Tout le monde est conscient de l’importance de l’enjeu.”


Auteur d’un livre visant à briser les clichés de la Wallonie en Flandre, Thomas Dermine constate que si l’essentiel du projet se situera géographiquement en Wallonie, c’est l’exemple type de projet qui permet de nouer un nouveau partenariat entre les Régions. “J’ai participé avec Geert Noels à un débat organisé récemment par la Société royale d’économie politique belge au sujet de mon livre et nous avons fini par parler de ce projet pour illustrer la façon de récréer des ponts entre nous.” Le secrétaire d’Etat insiste: “C’est en mettant en œuvre des grands projets comme celui-là que l’on donne confiance à la société. Cela mobilise les énergies.”

“4.200 acteurs économiques concernés”

Willy Borsus (MR), ministre wallon de l’Economie, ne cache pas non plus son enthousiasme pour ce télescope. “C’est effectivement un projet hors du commun qui fédère onze entités territoriales sur trois pays et mobilise la communauté scientifique, souligne-t-il. Le tout autour d’un objectif aussi noble et important que la quête des origines de l’univers.”


L’horizon philosophique est aussi pragmatique. “On parle d’une zone de 26.000 hectares qui est valorisée, avec une zone de protection de 85.000 hectares. Et 62.000 hectares de la zone se situent en Wallonie. Ce n’est pas rien. Une étude a identifié pas moins de 4.200 acteurs économiques susceptibles d’être impliqués dans ce projet, des centres de recherches aux entreprises en passant par les universités et les institutions. C’est tout à fait considérable au niveau de l’impact !”


En outre, prolonge le libéral, ce télescope s’inscrit parfaitement dans un écosystème qui le dépasse, il est cohérent par rapport au devenir de la Région wallonne dans son ensemble et entend contribuer à son développement. “Premièrement, nous avons une filière spatiale performante avec le Centre spatial de Liège, l’Eurospace Center de Redu ou des acteurs privés important comme Aerospacelab. Nous sommes une des sept antennes opérationnelles de l’ESA!”


Mais ce n’est pas tout. “Les statistiques d’Eurostat démontrent que nous sommes un strong innovator en matière de recherche et développement, poursuit le ministre. Nous investissons 3,6% du PIB dans la recherche, nous sommes quasiment sur pied d’égalité avec la Flandre, en tête des classements. Ce projet s’inscrit pleinement dans cette volonté de préparer l’avenir.” Avec le télescope d’Einstein, les planètes sont alignées. Reste à convaincre et à concrétiser.

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