Le pari des vols passagers d’Air Belgium : une histoire aussi brève que turbulente

La société Air Belgium SA a officiellement déclaré sa cessation de paiement mercredi matin devant le tribunal de l’entreprise du Brabant wallon, entraînant sa mise en faillite. Si les activités cargo sont reprises par le groupe maritime français CMA CGM, la branche passagers, déjà suspendue depuis septembre 2023, est définitivement arrêtée. Quelque 150 membres du personnel navigant vont perdre leur emploi.
Fondée en mai 2016, sous l’impulsion de Niky Terzakis, ancien dirigeant de TNT Airways, la compagnie aérienne belge avait pour ambition de relier la Belgique à la Chine via des vols long-courriers dès l’été 2017. Plusieurs entrepreneurs belges participent au projet, soutenu financièrement par la Région wallonne et l’État fédéral via leurs instruments d’investissement.
La compagnie en formation mise sur sa “belgitude”, en adoptant notamment une livrée aux couleurs nationales. Le CEO d’Air Belgium, Niky Terzakis, envisage de lancer ses opérations avec une flotte de quatre appareils d’occasion. Il vise la rentabilité dès la deuxième année.
La désilusion chinoise
L’aéroport de Charleroi est choisi comme base d’exploitation, notamment grâce au projet d’allongement de la piste. Air Belgium promet la création de 600 emplois, répartis entre la compagnie et l’aéroport. Le vol inaugural, prévu à l’été 2017, connaît de nombreux retards. Le certificat de transporteur aérien est finalement délivré par le SPF Mobilité le 13 mars 2018. Hong Kong est annoncée comme première destination avant l’ajout d’autres villes chinoises. L’objectif annoncé est de transporter 500.000 passagers par an.
Un premier vol est prévu pour le 30 avril, mais la compagnie tarde à obtenir l’indispensable autorisation de survol de l’espace aérien russe. En attendant, les avions effectuent des vols charters pour d’autres compagnies, dont TUI. Le premier vol long-courrier quitte finalement Charleroi pour Hong Kong le 6 juin 2018.
L’enthousiasme sera de courte durée. Après quelques semaines d’exploitation, la ligne est suspendue faute d’un taux de remplissage suffisant et d’accords avec les tours-opérateurs chinois. La situation financière d’Air Belgium est déjà précaire. La compagnie affiche une perte de 18 millions d’euros sur l’exercice 2018. Le conseil d’administration envisage sa dissolution, mais décide finalement de poursuivre l’activité en misant notamment sur les vols charters. La Région wallonne apporte une nouvelle aide financière.
Guadeloupe et Martinique
En décembre 2019, Air Belgium abandonne définitivement la Chine et lance des vols vers la Guadeloupe et la Martinique. Le succès est au rendez-vous, et la compagnie annonce vouloir développer ses liaisons vers les Antilles françaises.
La pandémie de Covid-19 interrompt brutalement ses opérations. Pour survivre, Air Belgium convertit ses avions passagers en avions cargo. Dès février 2021, elle opère des vols de fret pour CMA CGM, futur acquéreur de la branche cargo. Le fret représente rapidement 60% du chiffre d’affaires d’Air Belgium.
L’activité passagers reprend à l’été 2021 avec des liaisons vers Curaçao, l’île Maurice et Punta Cana en République dominicaine, tandis que les vols vers les Antilles françaises connaissent plusieurs suspensions successives. En mars 2022, le groupe chinois Hongyuan entre au capital de la compagnie. Niky Terzakis se veut “prudemment optimiste” pour l’avenir. Une ligne vers l’Afrique du Sud est même lancée. Air Belgium est provisoirement sauvée de la faillite.
Flambée des prix et concurrence
La flambée des prix de l’énergie pèse lourdement sur la rentabilité d’Air Belgium. Le 18 septembre 2023, la compagnie annonce cesser totalement ses opérations passagers à partir du 3 octobre, laissant sur le carreau environ 10.500 passagers. L’entreprise évoque une activité “chroniquement non rentable”. Air Belgium se recentre alors sur le fret et l’affrètement pour d’autres compagnies aériennes.
L’entreprise est placée en procédure de réorganisation judiciaire, puis en transfert sous autorité judiciaire. La Région wallonne a investi 15,7 millions d’euros en capital, 1,8 million en prêt et 3,5 millions en garantie dans la compagnie aérienne.
La branche passagers d’Air Belgium a donc succombé à une concurrence accrue, aux aléas financiers, à la pandémie, à la guerre en Ukraine et à la flambée des coûts de l’énergie. Avec le rachat total de Brussels Airlines en 2016 par le groupe allemand Lufthansa, Air Belgium était la dernière compagnie aérienne de passagers entièrement belge en activité. CMA CGM conservera néanmoins le nom de la marque au sein de son groupe de fret.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici