Yves Stox

‘Le clivage salarié-indépendant est (presque) mort. Vive le collaborateur autonome’

Yves Stox Senior Legal Counsel chez Partena Professional

Durant le deuxième Parlement des Entrepreneurs, qui s’est tenu le 30 mai dernier, Partena Professional a voulu connaître l’avis des entrepreneurs à propos du nouveau statut de ” collaborateur autonome “. Résultat ? Les entrepreneurs sont indéniablement partisans d’une approche innovante: 93,5 % d’entre eux se sont prononcés en faveur de ce nouveau statut.

La technologie évolue sans cesse et l’impact sur le marché du travail est considérable. Certains jobs vont passer à la trappe et de nouveaux devront être créés. L’informatisation et la robotisation sont à l’ordre du jour.

Les premières tendances se dessinent d’elles-mêmes. Par exemple, les jobs routiniers au sein de l’administration ou de la vente disparaissent déjà suite à la nouvelle technologie. Généralement, il s’agit de jobs générant des revenus moyens.

Les évolutions récentes du marché du travail dans le secteur des banques et des assurances parlent d’elles-mêmes. La Belgique fait face à la disparition de ces jobs par la création de nouveaux, bien rémunérés et nécessitant souvent une formation supérieure. Dans d’autres pays d’Europe, ils sont souvent remplacés par des jobs faiblement rémunérés et nécessitant une formation moins poussée. En même temps, la Belgique est confrontée à un taux de chômage plus élevé.

Le droit du travail est sous pression

Comment réagir face à cette évolution ? Il est évident que le droit du travail en Belgique doit être réorienté. La distinction traditionnelle entre salariés et indépendants est appelée à disparaître et doit évoluer. La création d’un nouveau statut, le “collaborateur autonome” est une étape importante en la matière.

L’histoire nous enseigne la raison pour laquelle le clivage “salarié-indépendant” ne résistera pas à l’épreuve du temps. Les relations de travail ont radicalement changé depuis la révolution industrielle du 19e siècle. Toutefois, cette distinction entre salariés et indépendants trouve ses racines dans ce lointain 19e siècle. La loi du 10 mars 1900 relative aux contrats de travail protégeait pour la première fois le travailleur qui opérait sous “direction, autorité et surveillance”.

Comment cette distinction basée sur l’autorité peut-elle encore jouer un rôle à l’avenir ? L’autorité et le contrôle coulent de source dans les jobs de routine, mais ce sont précisément ces jobs qui tendent à disparaître. Dans les nouveaux jobs à haute valeur ajoutée, l’autonomie et la créativité occupent une place centrale.

Les évolutions techniques et une spécialisation mobile rendent non seulement le contrôle plus difficile, mais aussi moins pertinent. La technologie et les processus automatisés prennent le dessus. On attend beaucoup plus des collaborateurs que le suivi et l’application de directives.

Une entreprise novatrice offre toute la liberté voulue aux collaborateurs : ils choisissent eux-mêmes les matériaux et les fournisseurs, gèrent les budgets et déterminent les temps de production avec le client. Logique, car l’expertise accumulée et la fierté du travail bien fait sont gages de qualité. La différence avec un indépendant est minime. Le résultat occupe une place centrale.

En quête de lignes de force pour l’avenir

Continuer de se baser sur la distinction existante n’est pas une bonne idée à long terme. Le droit du travail belge peut aussi parfaitement introduire une part de “disruptive innovation “.

Chaque innovation ou presque commence par une expérimentation. Tel est le rôle du nouveau statut de “collaborateur autonome”, dans un premier temps. C’est une nouvelle catégorie qui voit le jour à côté, ou plus exactement entre les salariés et les indépendants. Progressivement, ces catégories du 19e siècle peuvent s’essouffler au rythme des évolutions du marché du travail. Le nombre de collaborateurs autonomes augmente de manière proportionnelle.

Salarié, indépendant ou collaborateur autonome ? Le statut applicable est déterminé de commun accord par le travailleur et l’entrepreneur dans un contrat.

Tout cela fonctionne-t-il de manière équitable et correcte ? La clé de voûte est la manière dont les deux parties exécutent le contrat. Les collaborateurs autonomes déterminent la manière dont ils organisent le travail et le temps de travail. Les salariés ne jouissent pas d’une telle autonomie. Les collaborateurs autonomes ressemblent dès lors à des indépendants, mais à l’instar des salariés, ils sont économiquement dépendants de l’entrepreneur. C’est la raison pour laquelle les collaborateurs autonomes méritent une protection contractuelle adaptée.

Les entreprises ont besoin d’un cadre juridique transparent et équilibré, conservant tout son sens sur le long terme également.

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