“La réforme du permis d’environnement wallon va dans le bon sens, mais si on s’arrête là, c’est trop court”
La réforme du permis d’environnement est votée ce mercredi par le Parlement wallon. Un texte va dans le bon sens, mais doit être complété avec d’autres dispositions, selon l’Union wallonne des entreprises.
Sur la table du gouvernement wallon ce mercredi : la réforme du permis d’environnement que les entreprises doivent demander pour pouvoir exploiter leur business. Le projet, porté par la ministre Céline Tellier (Ecolo), devrait passer, mais quelques amendements sont encore possibles.
Que prévoit-il et comment est-il accueilli par le monde des entreprises ? Caroline Decoster, conseillère au service d’études de l’Union wallonne des entreprises (UWE) débriefe le texte avec nous. “Les échos que nous avons eus vont dans le bon sens”, entonne-t-elle. Un élément majeur que la réforme apporte, c’est notamment une sécurité juridique pour les entreprises.
C’est que le permis ne serait plus donné pour une période de vingt ans, comme c’est le cas aujourd’hui, mais pour la durée de vie de l’exploitation. Les entreprises ne risquent donc pas de perdre le précieux sésame après la période. Ce qui n’est pas une carte blanche bien sûr – pour garder ce permis, il y a des conditions et des obligations.
Dématérialisation de la demande
“C’est une modification nécessaire du mécanisme”, analyse Decoster, “mais c’est seulement un premier pas pour une réforme nécessaire plus globale. Si on s’arrête là, c’est une catastrophe!” Le grief principal qu’elle adresse à la Wallonie est surtout la forme de la demande : “pour nous il est ultra-prioritaire de dématérialiser cette demande.” Ce que le texte ne prévoit pas vraiment. Il faciliterait l’adoption de la dématérialisation, mais ne la garantirait pas.
Et cette numérisation est une demande de la part des entreprises qui fait date. “Aux dernières nouvelles, on nous a dit que ce serait pour mai 2025”, retrace Decoster. “Mais en 2018, on nous avait déjà dit que ce serait pour ‘dans un an’. J’attends de voir pour le croire.” En France ou en Flandre, l’administration serait numérique et beaucoup plus efficace, et cela peut peser sur la compétitivité de la Région wallonne.
Un exemple peut valoir plus de 1.000 mots. “Knauf, un fabricant de laine de verre à Visé, est une entreprise en Belgique qui est située en même temps en Flandre et en Wallonie. Elle a donc introduit deux permis. Un en Flandre : tout s’est fait en ligne, il y a eu deux ou trois appels pour avoir quelques précisions, et Knauf a reçu son permis en trois mois. Un autre en Wallonie… Il a dû déposer 25 dossiers en papier à la commune, de plus de 1.000 pages chacun. Il y a eu de nombreuses questions complémentaires et cela s’est fait par courrier, avec des délais de réponse d’un mois. Il a reçu son permis après neuf mois. C’est édifiant, parce que c’est la même demande pour le même entreprise, ce qui permet de bien comparer les procédures”, détaille l’experte.
Check-list et prévisibilité des demandes
Le texte prévoit aussi l’élaboration d’une check-list pour aider les entreprises à traduire leurs obligations environnementales et les aider à faire un auto-contrôle régulier. Cette check-list est très demandée par les entreprises, souligne Decoster.
La liste n’enlève pas le problème d’imprévisibilité des demandes de permis. Assurer cette prévisibilité, c’est une autre demande majeure de l’UWE, tout comme la cohérence des normes. “Le processus de demande de permis comprend trop d’incertitudes. Après l’adoption de ce décret, un travail ambitieux doit être réalisé sur la prévisibilité et la cohérence des normes applicables aux entreprises au travers de ces permis. L’imposition d’une norme n’est pas une chose à prendre à la légère. Le processus doit être lisible, transparent, prévisible et évalué en termes d’impacts administratifs, financiers, ainsi qu’au regard de l’assurance d’équité de tous”, détaille Decoster, demandant à ce qu’un cadre clair soit mis en place, avec des délais d’adaptation.
Monitoring régulier et caution
Comme dit plus haut, le permis serait désormais donné à durée indéterminée, avec des filets de sécurité pour qu’une entreprise ne doive pas arrêter ses activités du jour au lendemain, en cas de couac. Les entreprises doivent s’autocontrôler, de manière périodique. Ce monitoring est déjà le cas aujourd’hui pour les entreprises qui ont un impact environnemental important. “Ce monitoring permettra de lutter contre les cow-boys et d’infliger des contrôles à ceux qui ne participent pas. Ça, c’est une très bonne solution”, analyse Decoster.
A côté de ce monitoring, une révision du système de caution bancaire est prévue. Ces garanties servent aujourd’hui uniquement à la remise en état du site, lorsqu’une entreprise cesse ses activités. Avec le texte, elle pourrait aussi être mobilisable durant l’exploitation, pour une pollution accidentelle par exemple, estime Decoster.
“Ne pas s’arrêter là”
Pour conclure, l’experte insiste. Pour l’UWE, “ce texte va dans le bon sens, mais il ne faut pas s’arrêter là. C’est le début d’un long cheminement d’une nécessaire révision du mécanisme de permis d’environnement. C’est un premier pas qui va dans la bonne direction, mais il faut absolument poursuivre le travail avec la dématérialisation des procédures, l’augmentation de la prévisibilité des procédés et des normes imposées, et assurer un vrai dialogue entre l’administration et les entreprises pour que cette réforme soit une vraie réussite.”
Reste à voir ce que le Parlement wallon adoptera comme texte ce mercredi.
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