Le manque de temps, dans la frénésie du business, 
reste l’excuse n°1

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Le manque de temps, dans la frénésie du business, 
reste l’excuse n°1 invoquée par les forces de vente pour justifier les faibles volumes de prospection ou le défaut de renseignement des CRM. Et, effectivement, le quotidien d’un “sales” n’a rien d’une promenade de santé.

Le temps nous piège et nous contraint à subir l’activité plutôt qu’à la contrôler efficacement. Prenons quelques minutes ici pour poser les bases d’une meilleure gestion de l’activité commerciale de l’équipe en comprenant mieux ses principaux écueils: la procrastination, le rush et le multitâche, et en y apportant quelques solutions simples.

La procrastination

Nous rencontrons tous l’envie de remettre des obligations au lendemain. Souvent confondue avec la paresse, on oublie que c’est un désir inconscient d’éviter la douleur qui cause la procrastination. Ce n’est donc pas un hasard si les tâches les plus négligées en vente sont liées à la prospection et à la prise de contact spontanée, notre système émotionnel y percevant un fort risque de rejet donc de douleur. Confronté à ce danger, toute alternative paraît séduisante : remettre ses dossiers en ordre, préparer un compte rendu, ranger ses rayons, répondre aux mails ou encore s’occuper d’un client actif en souffrance. Face à deux façons de travailler, notre cerveau de sapiens a tendance à choisir celle qui le confronte le moins à la douleur, même si le niveau de récompense est faible. C’est exactement ce qui se produit avec l’effort de prospection qui est soit évité soit relégué à des périodes trop courtes et mal choisies. En prospectant peu et maladroitement (séances d’appels trop courtes, mal placées, effectuées par mail seulement, sans séquençage stratégique ni personnalisation, défaut de ciblage, de préparation, appels sans enthousiasme, avec un ton détaché, etc.), les commerciaux s’adonnent à une forme de sabotage inconscient qui va nourrir leur croyance que la prospection ne marche pas ou qu’ils ne sont pas compétents pour s’en occuper. C’est la spirale infernale de la prophétie auto-réalisatrice qui se met en marche.

Le rush

Le rush, ou la poussée de l’urgence, comme celle ressentie face à la commande d’un client pressant, provoque une activation de notre système de récompense dopaminergique et nous pousse à tout délaisser pour y répondre rapidement. A l’inverse, les tâches comme la prospection, la qualification de comptes stratégiques, la mise au net d’informations importantes sur les prospects dans les outils CRM provoquent au pire une forme de souffrance ou au mieux un ennui profond. Il n’est pas étonnant de voir des légions de commerciaux se désintéresser de ces tâches de fond pour “sauter” sur la moindre occasion de faire valoir leur réactivité et reprendre leur rôle de super-héros du quotidien, à la recherche de bénéfices émotionnels rapides, intenses mais hélas bien fugaces et peu contributifs à la croissance.

20 à 30 % du temps de l’activité commerciale devrait être consacré à la prospection, quelle que soit sa forme.

Le multitâche

Le multitâche, c’est notre nouveau “je suis débordé” 3.0. Poussés dans le dos par l’industrie du numérique qui semble nous en offrir tous les moyens, nous cherchons à prouver notre utilité sociale en accomplissant un nombre de plus en plus impressionnant de choses. Notre merveilleux cerveau, qui tente depuis la nuit des temps de trouver des raccourcis pour accroître la quantité de ressources accessibles en y investissant le moins d’énergie possible, adore se bercer de l’illusion qu’il vient de trouver un moyen supplémentaire d’augmenter son efficience. Nous nous retrouvons donc simultanément à tenter d’envoyer des mails en participant à une visioconférence stratégique et en conduisant notre voiture vers le prochain rendez-vous… en prenant des risques évidents de sécurité routière et d’autres, plus pernicieux, quant à notre implication réelle dans les autres tâches. Si nous pouvons accomplir effectivement plusieurs tâches en même temps, comme conduire, suivre un itinéraire et tenir une conversation, nous ne pouvons pas en revanche y investir la même attention. En réalité, nous parvenons à peine à accomplir deux activités simultanées si elles sollicitent notre système cognitif. Pour que des tâches puissent s’accomplir simultanément, il faut préalablement qu’elles aient été régulièrement pratiquées puis intégrées comme des automatismes, des routines. Vous l’aurez compris, les tâches trop nouvelles ou procrastinées, accomplies sporadiquement, de mauvaise grâce, ont peu de chances de devenir des réflexes. Ouverts à toutes les activités simultanées et à toutes les distractions potentielles, nous n’éparpillons pas seulement notre force de travail, nous dégradons gravement nos compétences commerciales et, à terme, nos résultats.

Les remèdes

• Poser le bilan

Procédez à un audit conscient (et non infantilisant) de l’emploi du temps des équipes. Pas la peine d’imposer un timesheet pendant deux semaines ou de fliquer le temps passé sur divers outils numériques, immergez-vous plutôt le plus objectivement possible dans leur réalité, sur le terrain, et aidez chacun à faire l’analyse de son rapport efforts/résultats. Et devenez leur héros en trouvant des moyens de déléguer, de lisser dans un temps plus long ou de dégager ce qui est le plus chronophage.

• Bloquez des périodes

Le temps est la première ressource de l’équipe. Faites de la place à ce qui aura des effets majeurs à moyen terme et apprenez à bloquer un temps significatif et récurrent pour ces tâches. La prospection, par exemple, revêt une importance cruciale, non seulement pour remplacer les clients perdus par l’attrition, mais aussi pour développer la croissance de l’entreprise ainsi qu’aiguiser le talent des commerciaux. 20 à 30% du temps de l’activité commerciale devrait être consacré à la prospection, quelle que soit sa forme, en privilégiant les approches les plus relationnelles (donc en conservant les mails généraux comme absolu dernier recours) et un effort sur le long terme en répétant les prises de contact, quitte à les espacer pour ne pas lasser. Ces moments doivent être choisis, protégés, sacralisés même, et doivent permettre un travail focalisé et séquencé. Et tant qu’à créer de l’esprit d’équipe et dépasser les appréhensions, organisez des plages collectives d’appels et jetez-vous à l’eau également. Excellent pour votre leadership.

• Prévoyez l’imprévisible

Vous souvenez-vous d’avoir joué au Taquin, ce puzzle de cases amovibles qu’il fallait glisser patiemment pour reconstituer une image ? Ce jeu ne fonctionne qu’à la condition qu’une case vide soit disponible et donne à l’ensemble une capacité de mouvement, une plasticité. Il en va de même pour tout agenda qui se respecte. Une plage (a minima 2 à 3 heures par semaine) doit être réservée à absorber les impondérables, les urgences réelles en permettant soit d’y placer des tâches imprévues, soit d’y reporter un job prévu quand survient une urgence absolue. Si vous n’apprenez pas à préserver cet “espace vital” dans vos agendas, votre organisation du temps se sclérose ou explose inévitablement.

L’organisation du temps est un sujet trop peu abordé dans les équipes commerciales. Pourtant, c’est en acquérant les bases d’une structuration des activités prioritaires à la santé économique de l’entreprise qu’une force de vente peut réellement atteindre une productivité idéale. Alors, en cette période estivale, réputée plus calme, prenez le temps de redéfinir stratégiquement l’usage du temps disponible de vos équipes. C’est un précieux investissement puisque “pour chaque minute passée à s’organiser, disait Benjamin Franklin, une heure est gagnée.”

Retrouvez la chronique de Laurent De Smet, alias Dr Sales, spécialiste dans l’expérience commerciale, managériale et marketing B to B, tous les deuxièmes jeudis du mois dans Trends-Tendances.

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