La chaîne de magasins Action connaît une croissance fulgurante en Belgique

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Sebastien Marien Stagiair Data News 

Aucun détaillant n’a connu une croissance aussi importante qu’Action dans notre pays au cours de ces dernières années. Entre 2015 et 2022, Action a vu ses ventes augmenter de 168 % pour atteindre 1 milliard d’euros. D’où vient ce succès ? Trois experts du commerce de détail l’expliquent.

C’est ce que révèle un rapport de Gondola

Gondola, spécialiste du commerce de détail, déclare avoir compilé pour la première fois, dans son rapport Gondola Retail Report, les évolutions les plus importantes du secteur de la vente au détail au cours de cette dernière décennie. Il en ressort que la chaîne low cost de magasins Action a vu ses ventes augmenter de 168 % depuis 2015, pour atteindre 1 milliard d’euros. “C’est énorme. L’augmentation est principalement due aux nouveaux magasins, mais les ventes par mètre carré ont également augmenté”, note Silvie Vanhout, experte en commerce de détail chez Gondola.

Pour comprendre le succès d’Action, il faut se pencher sur le fonctionnement de la chaîne de magasins, estime Els Breugelmans (KU Leuven). “Action ne stocke que des produits qui peuvent être achetés à un prix exceptionnellement bas. Il s’agit de produits en provenance de Chine notamment, mais aussi de stocks excédentaires. De plus ceux-ci sont souvent achetés en grandes quantités pour maintenir le prix le plus bas.

Surconsommation

Action n’a donc pas d’offre fixe, mais ses clients l’acceptent, explique l’expert de la KU Leuven. “Le concept est axé sur la navigation. Ce qui n’est pas le cas dans les chaînes de supermarchés, où les clients s’attendent à ce que les produits soient toujours disponibles.

Action a ainsi vu ses ventes exploser pendant les années économiquement difficiles pour notre pays. Mais est-ce logique, vu la conjoncture actuelle, que les Belges continuent de partir à la chasse aux promos ? “Oui, car les consommateurs ont l’idée qu’ils économisent en faisant leurs courses chez Action, alors qu’ils dépensent de l’argent inutilement. C’est un paradoxe”, explique Pierre-Alexandre Billiet de Gondola. “Action illustre à merveille la condition humaine. La surconsommation résulte des déclencheurs de notre cerveau reptilien en mal de dopamine. Acheter procure simplement un sentiment de satisfaction et il n’y a pas d’explication rationnelle à cela”.

Amélioration de l’image

Els Breugelmans note également que “ce sont les jeunes qui ont été à l’avant-garde des marches pour le climat font leurs courses chez Action. Même si la chaîne représente tout ce contre quoi ils ont protesté, cela n’a pas d’importance.

Action a également réussi à améliorer son image. Les magasins Action ont d’abord été perçus comme étant destinés aux personnes tout en bas de la pyramide sociale, mais aujourd’hui ils s’adressent à tout le monde. Action fournit de l’inspiration et s’adresse aux créatifs également. Ce changement s’est opéré en partie grâce au marketing, mais surtout grâce au bouche-à-oreille.

Els Breugelmans et Sylvie Vanhout trouvent très intéressant que la croissance du chiffre d’affaires d’Action ne soit pas seulement due à l’augmentation du nombre de points de vente, mais aussi à l’augmentation du revenu par mètre carré. “Cela s’explique en grande partie par l’amélioration de l’image : le fait qu’il s’agisse à la fois d’un magasin pour les petits budgets et d’un magasin qui vend du matériel de loisirs créatifs”, explique M. Breugelmans. “Je m’attends également à ce qu’au fil des ans, Action comprenne mieux ce que veulent les consommateurs. Si Action analyse ses données de vente des dernières années, le groupe saura de mieux en mieux quels sont les produits qui marchent.

Hors ligne

Action connaît une forte croissance, mais la question est de savoir si son business model est également prêt pour l’avenir. Par exemple, Action n’a pas de boutique en ligne, dans une société qui se numérise rapidement.

“Le fait qu’Action n’ait pas de boutique en ligne est logique, compte tenu de son modèle. La gamme de produits change très rapidement, ce qui rend la gestion du site web plus difficile. En outre, Action ne veut pas attirer des acheteurs ciblés, mais des acheteurs qui entrent sans projet précis et repartent avec toutes sortes de choses”, explique Els Breugelmans.

Consommation consciente

Pierre-Alexandre Billiet s’interroge sur le rôle que jouera la variable durabilité dans le potentiel de croissance d’Action. “Pendant longtemps, le secteur du commerce de détail a pu croître simplement parce que la population augmentait et que la consommation augmentait. Cela incite parfois les investisseurs à considérer les actions du commerce de détail comme sûres, mais cette perception peut changer avec le temps.”

Un mouvement visant à consommer moins se dessine, prédit l’expert de Gondola. “On s’attend à ce que bientôt plus de 50 % des Belges souffrent d’obésité. Cela va donc devenir un problème majeur dans notre société. Dans les années à venir, l’accent sera mis de plus en plus clairement sur le consumérisme . On le voit déjà dans une initiative comme BE.COCO, une campagne de la secrétaire d’État à la protection des consommateurs, Alexia Bertrand, sur la consommation consciente.

Nous sommes confrontés à un changement fondamental, tant au niveau de l’offre que de la demande, a déclaré M. Billiet. “Les anciens fondements de la société de consommation – produire beaucoup et à bas prix – sont remis en question partout. Le business model d’Action est tout simplement incompatible avec ce changement. La réaction d’Action est donc très incertaine. Il y a fort à parier que son business model finira par s’effondrer de lui-même.

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