Isabel Verlinden (PwC) à propos de la taxe numérique: “La guerre commerciale peut devenir une guerre fiscale”

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Hans Brockmans redacteur chez Trends

L’OCDE a conçu un document de travail visant à fournir une base au niveau mondial pour une taxe sur les bénéfices des entreprises Internet dans les pays où elles ne sont pas présentes physiquement. Isabel Verlinden, global transfer pricing leader chez PwC, émet des doutes quant à son contenu.

Comment l’OCDE veut-elle taxer les sociétés Internet ?

ISABEL VERLINDEN. “Le G20 a mandaté l’OCDE pour mettre en place un système fiscal à destination des GAFA. Celles-ci font payer à des tierces parties les données qu’elles récupèrent sur la base du comportement en ligne de leurs clients. Elles perçoivent des revenus dans des pays où elles n’ont pas d’établissement stable ni d’autre base que les autorités locales peuvent utiliser pour les taxer.

Le document de travail de l’OCDE utilise trois montants pour déterminer l’impôt sur les sociétés. Le nouveau montant A est basé sur les bénéfices réalisés à l’international qui ne sont pas liés aux activités de routine et aux opérations plus substantielles, c’est-à-dire les profits résiduels qui ne sont pas imposés. Les bénéfices supplémentaires reviendraient ensuite aux différents pays où se trouvent les consommateurs. Quant aux autres montants (B et C), ils constituent déjà la base imposable.

L’OCDE veut que le montant A ne s’applique qu’aux grandes entreprises, dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros. Si les bénéfices nets de ces sociétés dépassent un pourcentage minimum – 10% par exemple – l’excédent sera imposé et redistribué aux pays où se trouvent les clients de ces sociétés.

Pourquoi l’OCDE publie-t-elle ce rapport maintenant ?

ISABEL VERLINDEN. “Le temps presse. Des pays comme la France, la République tchèque et l’Autriche ont unilatéralement développé leur propre taxe sur les services numériques. Une prolifération de taxes concurrentielles menaçait. Il a été convenu au sein de l’Union européenne de suspendre ces initiatives nationales, à condition que l’OCDE élabore sa propre solution d’ici 2020. Avec sa proposition, l’OCDE entend aboutir à un consensus sur ces principes d’ici début 2020 afin de les concrétiser ultérieurement. Les entreprises Internet estiment que c’est déjà mieux qu’une série de mesures nationales. Mais à mon avis, la proposition n’exclut pas la possibilité d’une double imposition.”

Qu’implique-t-elle pour notre pays ?

ISABEL VERLINDEN.. “De petits pays comme la Belgique, les Pays-Bas et l’Irlande risquent de passer à côté d’impôts relativement élevés. Les grands pays où vivent de nombreux clients d’entreprises Internet pourront percevoir des taxes supplémentaires. Aux États-Unis, ces sociétés ne sont imposées que sur leurs bénéfices américains, et non sur ceux qu’elles génèrent en Europe. À présent, les choses peuvent changer. En principe, les États-Unis abritent de nombreux sièges de multinationales et sont très peuplés, ce qui neutraliserait plus ou moins l’impact de ces mesures. Chip Harter, le haut fonctionnaire américain compétent en la matière, voit la facture fiscale des sociétés Internet américaines augmenter de 1% maximum. Il met en garde contre le fait que des taxes nationales unilatérales sur les services numériques entraîneront des mesures de représailles américaines. La guerre commerciale peut donc devenir une guerre fiscale.”

Traduction : virginie·dupont·sprl

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