Interview exclusive de Marc Van Hool, le soumissionnaire rejeté : “La faillite de l’entreprise familiale me rend triste”

© belga

Marc Van Hool, cofondateur du fonds d’investissement CIM Capital, est involontairement sous les feux de l’actualité depuis un mois. Il a ainsi vu son offre de rachat d’une division du groupe Van Hool en faillite rejetée. “Je ne veux absolument pas passer pour un perdant frustré. Mais j’ai le sentiment que quelque chose d’autre a joué un rôle dans cette affaire”.

Descendant de la famille à l’origine du constructeur de bus Van Hool, Marc Van Hool est le neveu de Filip Van Hool, co-directeur général de l’entreprise basée à Koningshooikt. Mais la branche familiale de Marc Van Hool, et de son père Paul, s’est retirée, en 2001, de l’entreprise familiale.

Marc Van Hool est aujourd’hui cofondateur et associé du fonds d’investissement CIM Capital. Au cours de ces 10 dernières années, CIM Capital s’est taillé une sacrée réputation, car la société d’investissement achète des entreprises en difficulté avant de les remettre sur des rails. Marc Van Hool a, quant à lui, hérité du surnom de “médecin d’entreprise”. Les  investissements de CIM Capital les plus connus sont Veritas (mercerie et mode) et Neckermann (agences de voyage). Aujourd’hui, ces deux chaînes fonctionnent mieux que ce qui avait été initialement prévu.

Oscar Van Hool, le fils de Marc, est partenaire et associé de la société CIM Ventures, qui reprend de petites entreprises en difficulté.

Marc Van Hool © Koen Bauters

En tant que descendant de la famille Van Hool, comment vous sentez-vous par rapport à cette faillite?

MARC VAN HOOL. “Cela me rend triste. Il est regrettable que cet héritage et cette marque disparaissent. J’y ai travaillé de 1991 à 2001. Après mes études, j’ai travaillé à la Banque générale. Au sein de la cellule d’ingénierie financière, je travaillais sur les fusions et acquisitions et les introductions en bourse. En 1991, mon père Paul, alors directeur des ventes pour les autobus et les autocars, et mon oncle Alfons, président général de Van Hool, m’ont sollicité. Ils avaient fait une acquisition, LAG Bus à Bree, et cette acquisition était difficile à digérer. De par mon expérience à la banque, je devais rectifier le tir. Je pensais qu’il était un peu trop tôt, mais si la famille vous le demande, vous n’hésitez pas. J’y ai travaillé jusqu’en 2001. À la fin, j’étais directeur financier, ce qu’on appelle aujourd’hui le CFO. Je suis parti lorsque ma branche familiale a été rachetée par les cinq autres branches, qui sont restées actionnaires.”

Qu’avez-vous retenu de ces années pour la suite de votre carrière ?

VAN HOOL. “J’ai grandi dans une famille d’entrepreneurs qui a toujours travaillé dur. Il faut le faire si l’on veut réussir. Mais j’ai aussi vu les inconvénients. Pour réussir, il faut s’entourer de partenaires et d’employés compétents.

Des personnes extérieures à la famille par exemple?

VAN HOOL. “Surtout ceux-là. Et il faut anticiper les changements. C’est souvent plus difficile dans les entreprises familiales. Elles s’en tiennent trop longtemps à un modèle et à une méthodologie. Nous avons toujours fait comme ça, pourquoi ne pas continuer ainsi ? Les entreprises familiales changent souvent trop tard.

Pourquoi votre branche familiale a-t-elle vendu ses actions ?

VAN HOOL. “Il y avait surtout un désaccord sur la gouvernance d’entreprise. Nous voulions que la gestion opérationnelle soit assurée par des personnes extérieures à la famille. En outre, nous avions une vision différente de la stratégie de l’entreprise. À l’époque déjà, il était nécessaire de délocaliser la production vers des pays où les salaires sont plus bas. Cela s’est finalement produit, sous la direction de Filip Van Hool. Mais peut-être un peu trop tard” (en 2013, Van Hool a ouvert une succursale en Macédoine du Nord, ndlr).

Soudain, vous avez fait une offre pour la division des véhicules industriels avec CIM Capital.

VAN HOOL. “Cette division dispose d’une usine performante à Koningshooikt. Ces dernières années, des investissements ont été réalisés dans l’automatisation, avec des robots de soudage et des machines de découpe au laser, par exemple. Cette usine montre que l’industrie manufacturière belge a encore de l’avenir. Si l’on investit de la bonne manière et que l’on s’organise comme il se doit, l’industrie manufacturière est possible en Belgique. Bien sûr, il y a un handicap au niveau du coût de la main-d’œuvre. Mais la Belgique dispose également d’une grande connaissance de la fabrication et d’une grande expérience technique.

Pourtant, la combinaison germano-sud-africaine GRW Schmitz Cargobull a remporté la palme. CIM Capital manque-t-elle d’envergure pour une entreprise industrielle ?

VAN HOOL. “Nous ne voulions acheter que cette division, pas l’entreprise Van Hool dans son ensemble. La branche des véhicules industriels était suffisamment rentable. L’année 2023 a même été une année record. En outre, en tant que fonds d’investissement, nous aurions pu optimiser les choses. Nous l’avons déjà fait savoir au gestionnaire de crise et co-PDG Marc Zwaaneveld au début du mois de mars. Pour nous, même à ce moment-là, un redémarrage ne semblait possible que par le biais d’une faillite, compte tenu de l’importance de la dette.”

Votre nom de famille a-t-il été un handicap dans les négociations ?

VAN HOOL. “Je ne sais pas, j’espère que non. CIM Capital est une société d’investissement professionnelle. Mais nous n’avons pas eu accès aux informations financières nécessaires. Et sans analyse comptable, nous ne pouvions pas faire d’offre.”

Pourquoi n’avez-vous pas eu accès à ces informations ?

M. VAN HOOL. “Cela me préoccupe toujours. On nous a toujours dit que nous devions faire une offre pour l’ensemble, sinon nous n’étions pas éligibles. J’ai trouvé ce raisonnement étrange. Je pense que VDL Groep et GRW Schmitz Cargobull ont présenté des offres séparées. Les médias ont rapporté qu’ils étaient liés. Mais ce n’était pas le cas, cela m’a été confirmé. Des offres séparées étaient donc possibles. Même de notre part”.

Voulez-vous intenter une action en justice ?

VAN HOOL. “Agio, notre cabinet d’avocats a identifié plusieurs anomalies et un abus flagrant de la nouvelle législation. Alors oui, nous envisageons de le faire. Mais nous veillons en même temps aux intérêts de l’entreprise. L’usine ne peut pas être fermée trop longtemps. Je ne sais d’ailleurs pas si GRW Schmitz Cargobull redémarrera l’activité aussi rapidement et aussi complètement que nous l’avions prévu. Nous voulions simplement poursuivre la division en tant qu’entreprise indépendante. Avec les installations, le personnel et les machines qui s’y trouvaient. Il y avait 700 personnes qui y travaillaient et nous voulions en garder la plus grande partie. Parce que ce département fonctionnait bien”.

GRW Schmitz Cargobull souhaite conserver 350 personnes.

VAN HOOL. “Ce serait moins. On parle de 115 à 120 personnes. Mais je ne veux surtout pas passer pour un perdant frustré. Nous participons souvent à des appels d’offres. Si quelqu’un fait une offre plus élevée, je n’y vois pas d’inconvénient. Mais j’ai l’impression que quelque chose d’autre a joué un rôle ici, et c’est pourquoi nous n’avons pratiquement pas pu soumissionner.

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