Guido Vanherpe (PDG de La Lorraine): “Si l’Ukraine ne peut pas récolter son blé, le monde connaîtra une pénurie”

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Jozef Vangelder Journaliste chez Trends Magazine

Malgré certains problèmes d’approvisionnement, il y a encore suffisamment de blé pour nos boulangers, d’après Guido Vanherpe, PDG du groupe La Lorraine. Mais le délicat maintien de cet équilibre dépendra de la récolte de blé en Ukraine cet été.

L’Ukraine et la Russie sont de grands producteurs de blé. L’année dernière, la Russie était le premier exportateur mondial de cette céréale, avec une part de marché de 18 %. L’Ukraine était le sixième exportateur, avec 10 %, selon les chiffres de la FAO (Organisation pour l’alimentation et l’agriculture). “Mais la guerre est venue redistribuer les cartes, et l’approvisionnement en blé venant de ces deux pays a été complètement perturbé. Le prix du blé a pratiquement doublé”, déclare Guido Vanherpe, PDG de La Lorraine.

La Lorraine, boulangerie industrielle, propriétaire entre autres de la chaîne de sandwiches Panos, dispose encore de suffisamment de blé, selon M. Vanherpe. Il retient toutefois son souffle pour la récolte de l’été prochain : “C’est la grande inquiétude : comment se passera la récolte au mois d’août, surtout en Ukraine ? Si l’Ukraine parvient de continuer à exporter 70 à 80 % de sa récolte de blé, le prix restera tendu. Mais si l’Ukraine – en raison de circonstances, telle une escalade de la guerre, par exemple – ne peut pas récolter, alors il y aura un gros problème, et tout le monde sera perdant”.

Cette pénurie aurait de graves conséquences pour toute une série de pays africains et asiatiques qui dépendent de l’Ukraine et de la Russie pour leurs importations de blé. “Dans un pays comme l’Égypte, il peut y avoir une famine. Ce pays doit importer près de 100 % de son blé”, explique M. Vanherpe. “La pénurie mondiale placera l’Europe, exportateur de blé, devant un exercice d’équilibre délicat. Allons-nous continuer à exporter ? Et si oui, vers quels pays, et dans quelle proportion ? J’espère que nous pourrons éviter un tel scénario. Mais qui peut prédire ce qui va se passer avec cette guerre ?”

Divers revers

La flambée des prix sur le marché du blé a commencé dès 2021, avant même que la guerre en Ukraine n’éclate. Une combinaison de mauvaises récoltes et de problèmes logistiques a provoqué une première vague de pénurie, notamment pour le blé de qualité”, explique M. Vanherpe. L’année dernière, La Lorraine a également dû faire face à des lockdowns et à une hausse des prix de l’énergie, mais elle a néanmoins pu augmenter son chiffre d’affaires d’un cinquième pour atteindre 885 millions d’euros. Le bénéfice net est passé de 3 millions d’euros en 2020 à 25 millions d’euros.

D’après M. Vanherpe, le chiffre d’affaires augmentera également cette année, malgré les revers persistants comme la hausse des coûts salariaux et des prix des matières premières et de l’énergie. La Lorraine pourra répercuter l’augmentation de ces coûts sur ses clients, notamment l’hôtellerie, la restauration et les supermarchés. Cela nécessite des négociations qui ne sont pas toujours faciles, selon M. Vanherpe car il n’y a pas beaucoup de marge de manoeuvre…

“La Lorraine est la première à accepter des augmentations de prix. Si nous ne payons pas plus cher pour le blé, nous ne l’aurons tout simplement pas. Les supermarchés connaissent la situation du marché. Eux aussi doivent acheter leur farine emballée pour les consommateurs à des prix plus élevés. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous comprendre”, dit-il.

Entreprise familiale

La Lorraine a émis deux obligations ces dernières années. Avec le financement bancaire et le capital familial, cela devrait être suffisant pour assurer la croissance de l’entreprise dans les années à venir. Il n’est pas impensable que La Lorraine ouvre un jour son capital à des actionnaires extérieurs. Vanherpe ne veut pas, non plus, totalement exclure une introduction en bourse. Mais selon lui, une telle opération doit servir un objectif significatif, avec une valeur ajoutée pour l’entreprise et ses actionnaires. Mais à l’heure actuelle, capitaux extérieurs ou introduction en bourse ne sont pas du tout à l’ordre du jour. “Nous croyons en l’entreprise familiale. Elle crée de la prospérité à travers les générations. Nous voulons grandir, mais et surtout devenir une meilleure entreprise”, dit-il.

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