Après deux excellentes années et une acquisition importante, le groupe de pharmacies Multipharma revient renforcé vers le client. La structure est restée la même : une chaîne verticale avec sa propre distribution et ses propres pharmacies, ainsi qu’une structure coopérative qui place le patient au-dessus du marché.
Il y a deux semaines, Multipharma a présenté son rapport annuel pour 2024. Une excellente année, avec un chiffre d’affaires de près de 550 millions d’euros (en hausse d’environ 6%) sur lequel un bénéfice net de 4,2 millions d’euros a été réalisé. L’année 2025 est déjà bien plus mouvementée. Une acquisition importante a eu lieu, apportant un coup de pouce à la société coopérative et à son chiffre d’affaires. Multipharma a finalisé l’acquisition de Popelin Apotheken. Il s’agit de la branche pharmacie de Goed, la division pharmaceutique de la mutualité chrétienne (MC). Le nombre de pharmacies sous l’égide du groupe est passé de 243 à plus de 320 grâce à cette acquisition. Quatre cents collaborateurs se sont ajoutés aux 1.800 que Multipharma employait déjà. Le nombre de patients servis par le groupe passe de 1 à 1,3 million. Et des économies d’échelle ainsi que des synergies sont en perspective.
“Il y avait une correspondance claire, déclare Geert Reyniers, le CEO de Multipharma. Tout comme nous, Goed gérait un groupe pharmaceutique coopératif. Nous croyons en ce modèle. De plus, nous avions quelques raisons stratégiques pour le faire. Sur le plan géographique, l’équilibre est désormais meilleur. Les 88 pharmacies de Goed étaient principalement actives en Flandre, où nous étions un peu moins présents qu’à Bruxelles et en Wallonie. Nous vendons aujourd’hui en Belgique environ 10% de tous les médicaments vendus en dehors des hôpitaux.”

Structure vertical
Nous n’avons pas rencontré Geert Reyniers dans son bureau à Anderlecht, mais dans le centre de distribution du groupe à Leeuw-Saint-Pierre. Environ 100.000 boîtes de médicaments y sont livrées et stockées chaque jour, avec un système robotisé intelligent qui exécute le prélèvement des commandes rapidement et avec précision. Une large zone de déchargement permet la réception des marchandises par camion. De l’autre côté du bâtiment, des camionnettes partent avec les commandes traitées vers les propres pharmacies du groupe ainsi que vers celles de quelques clients.
Le groupe pharmaceutique a largement investi dans le système de distribution, qui devra, à terme, être également intégré aux activités de gros des pharmacies Goed. “Ce sera notre exercice pour l’avenir : voir ce que nous pouvons rationaliser et regrouper, indique Geert Reyniers. Il n’est actuellement pas question d’une fusion juridique. Nous sommes actionnaires de Popelin. Mais nous allons travailler aux synergies. Les premiers tests sont prévus avant l’été.”
“Nous vendons en Belgique environ 10% de tous les médicaments vendus en dehors des hôpitaux.”
Cette structure verticale offre quelques grands avantages sur le marché. Notamment plus de latitude sur les marges bénéficiaires, un point sensible pour le commerce de gros dans le secteur pharmaceutique. “Grâce à notre chaîne intégrée, nous avons, depuis le camion qui entre ici jusqu’à la boîte vendue en pharmacie, une vue complète sur l’emplacement de chaque élément de la chaîne, précise le CEO. Il est vrai que la marge que nous avons sur les activités de gros et de distribution est extrêmement mince. Mais ce n’est pas elle qui détermine notre rentabilité. Nous dépendons de l’efficacité de toute la chaîne. Et du service dans les pharmacies.”
Les avantages de cette verticalité se manifestent aussi face à la pénurie de médicaments. Multipharma parle d’un “contexte particulièrement tendu”. Il existe des quotas nationaux pour la disponibilité de certains médicaments, mais dans le même temps, il devient difficile d’y répondre en raison d’une indisponibilité constante dans les laboratoires pharmaceutiques, souvent sans visibilité sur un délai précis de réapprovisionnement. “Ce problème s’est aggravé ces dernières années, reconnaît Geert Reyniers. La livraison souvent minimale est aggravée par l’exportation, lorsque des grossistes dans un pays comme la Belgique exportent vers d’autres pays. Grâce à notre structure verticale, nous avons un peu plus de contrôle. Tous les produits qui entrent ici vont d’abord vers nos propres pharmaciens.”
“Notre stratégie est de fusionner les petites pharmacies proches les unes des autres en une plus grande Multipharma.”
Un peu de vente en ligne
À l’étage supérieur du centre de distribution de Multipharma se trouve un espace de répartition plus petit pour multipharma.be. Sur la boutique en ligne de l’entreprise, même des médicaments soumis à prescription peuvent être réservés pour un retrait en pharmacie. Mais la majorité des produits vendus on line sont des produits en vente libre, ne nécessitant pas d’ordonnance. “Il y a une concurrence féroce avec d’autres acteurs en ligne, souligne le CEO. Il est trop coûteux de disposer d’une place de marché compétitive pour cela. Notre chiffre d’affaires en ligne ne représente qu’un pour cent du chiffre d’affaires total. Dans le secteur pharmaceutique, environ deux tiers du chiffre d’affaires proviennent de médicaments soumis à prescription. Les acteurs en ligne misent fortement sur le tiers restant : les médicaments en vente libre, la cosmétique, les vitamines, les nutriments et les produits de bien-être. Nous avons décidé de ne pas y investir des millions en marketing. Cet argent, nous préférons l’investir dans nos activités en pharmacie et notre service. Regardez les vaccinations : l’année dernière, nous en avons effectué 75.000. Cela, vous ne pouvez pas le faire dans une pharmacie en ligne. Nous réalisons des tests et des diagnostics du diabète. Nous assurons des programmes nutritionnels pour jeunes mamans et des programmes d’arrêt du tabac. Ce type de soins de première ligne.”

Petits pas
Avec ses 320 pharmacies en propre, Multipharma détient une part importante des plus de 4.600 pharmacies belges. Chaque année, environ 10 à 15 viennent s’y ajouter. “Notre stratégie est de fusionner les petites pharmacies proches les unes des autres en une plus grande Multipharma. Cela permet d’avoir le personnel nécessaire pour un meilleur service. La grande majorité de nos acquisitions ne concerne pas des groupes, mais des pharmacies individuelles. Nous allons également, plus rapidement que la réorganisation interne, intégrer les 88 pharmacies Goed sous la marque Multipharma. Pas immédiatement, car nous ne voulons pas créer de confusion chez les patients. Notre offre doit d’abord être harmonisée. Mais le nom de marque ‘Goed’ va disparaître. Dans certaines pharmacies, nous passerons d’abord à un branding neutre avant qu’elles deviennent finalement toutes des Multipharma.” Cela signifie aussi un investissement continu dans la formation. Multipharma a doublé au cours des cinq dernières années le nombre de formations, atteignant plus de 50.000 heures par an.

Multipharma dispose d’une structure coopérative. Les 778.000 coopérateurs de l’entreprise sont des clients, qui reçoivent des avantages en tant que clients pour leur part. “Nos 22 coopérateurs institutionnels reçoivent un rendement annuel maximal de 6% sur leur investissement, précise le CEO de Multipharma. Rien de spectaculaire, mais c’est correct. Ce qui est beau dans cette histoire, c’est que nous devons faire quelque chose avec tous les bénéfices que nous réalisons en plus. Ils sont réinvestis dans le groupe. Dans la logistique, dans l’informatique, dans un service encore meilleur, etc. Nous faisons ici de la maximisation des soins, pas de la maximisation du profit.”

Soins résidentiels
Parmi les cent mille boîtes de médicaments qui arrivent chaque jour au centre de distribution de Multipharma à Leeuw-Saint-Pierre, certaines sont ouvertes. Leur contenu est reconditionné pour les soins résidentiels. Sous forme de sachets bien dosés, préparés sur ordonnance médicale, le groupe pharmaceutique fournit des médicaments à des patients qui ne peuvent pas se rendre eux-mêmes à la pharmacie : résidents de maisons de repos et de soins, institutions psychiatriques, prisons. Ces médicaments ne peuvent pas être achetés en vrac. “Il est totalement insensé qu’il y ait si peu de médicaments disponibles en vrac dans notre pays, déclare Geert Reyniers, CEO de Multipharma. En Allemagne et aux Pays-Bas, c’est différent. C’est sans doute une décision locale des entreprises pharmaceutiques, parce que la Belgique est un marché trop petit. Mais nous continuons à voir un marché important dans notre pays. Environ 10 à 15% de notre activité provient de ces soins résidentiels. Sur base d’une ordonnance médicale, un schéma de médication et un schéma de production sont établis, et sur cette base, des sachets individuels de dosage sont produits ici. Et cela, pour 30.000 personnes par jour.”