Frédéric Panier (AKT): “Les réformes difficiles poseront les jalons du redressement wallon”
Frédéric Panier, le nouveau CEO de l’organisation patronale wallonne, qui vient de déménager à Namur, rappelle à ceux qui critiquent les entreprises que 180.000 emplois ont été créés depuis 20 ans. Il soutient la dynamique du gouvernement Dolimont et appelle à un “nouveau pacte social”.
Frédéric Panier, CEO d’AKT (ex-Union wallonne des entreprises), est l’une des personnalités surprises de cette année 2024 qui s’achève. Cet ancien consultant de McKinsey a pris la tête de l’organisation patronale fin septembre, après le départ surprise de Cécile Neven pour le gouvernement wallon. Âgé de 43 ans, père d’un petit garçon de cinq ans, c’est aussi le fils d’une autre personnalité forte, l’ancien juge Christian Panier, qui a notamment présidé le tribunal de première instance de Namur et a terminé sa carrière en rejoignant le PTB.
“Ces deux mois et demi sont passés à toute vitesse, souligne Frédéric Panier dans son premier entretien télévisé, accordé dans notre Trends Talk sur Canal Z. C’est très énergisant. Du jour au lendemain, vous rencontrez toute la Wallonie et tout l’entrepreneuriat wallon. Cela donne beaucoup d’optimisme pour la Région. Les entrepreneurs me parlent évidemment de leurs problèmes : les coûts de l’énergie et du travail, la concurrence internationale de plus en plus forte… Mais en même temps, ils regorgent d’idées pour créer de l’activité, de l’emploi et décarboner l’économie. Cela démontre qu’en Wallonie, il y a beaucoup de potentiel.”
“Passionné de la Wallonie”
Frédéric Panier est un ancien consultant de McKinsey, spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. Cela le définit-il ? “Je suis avant tout un passionné de la Wallonie, dit-il. Depuis l’adolescence, ce qui est accroché à mon cœur, c’est de contribuer modestement au redressement de cette région. J’ai grandi entre Namur et Charleroi, le long de la Sambre, entre la Basse Sambre qui a subi tous les effets de la désindustrialisation et Namur, qui ne se porte pas trop mal économiquement. Vivant entre ces deux mondes, je me suis toujours dit que l’on peut faire mieux pour la Wallonie.”
C’est l’enjeu wallon par essence. “J’ai une double conscience chevillée au corps, économique et sociale, souligne Frédéric Panier. Il est essentiel de préserver l’État social dans une Région où les taux de chômage et de pauvreté restent élevés. Mais si on veut le protéger, il faut redévelopper notre économie. Le meilleur moyen pour y arriver, c’est soutenir le secteur privé et les entreprises.” Voilà sa mission et son mandat.
“Plus de 180.000 emplois créés”
Depuis son arrivée, le nouveau CEO d’AKT le martèle : les entreprises ne sont pas les “méchantes” que l’on présente trop volontiers dans le débat public au sud du pays. “C’est l’un de mes grands crédos qui n’est pas forcément naturel, dit-il. Je viens d’un univers familial où l’on regardait le monde de l’entreprise de façon négative, comme souvent en Wallonie, avec le soupçon qu’elles visent à s’enrichir en licenciant. Ce n’est pas étonnant que l’on pense comme ça parce que nous sortons de 30 années où nous avons désindustrialisé et où l’on a connu beaucoup de pertes d’emplois.”
Pourtant, tout n’est pas négatif sur le marché du travail au sud du pays. “Chaque année, depuis 20 ans, en Wallonie, les entreprises sont créatrices d’emplois. Plus de 180.000 emplois ont été créés au cours de cette période ! Il y a une comparaison qui me marque toujours. L’emploi public est pratiquement équivalent en Wallonie et en Flandre. Par contre, l’emploi privé se situe à 21% en Wallonie contre 29% en Flandre. Améliorer ce point peut permettre de redresser la Wallonie.”
Créer un nouvel écosystème
Le mandat de Frédéric Panier sera aussi marqué par la nécessité d’opérer la mue de l’ancienne Union wallonne des entreprises. Outre le changement de nom en AKT, l’organisation s’est unie avec les cinq chambres de commerce et d’industrie wallonnes, pour renforcer son poids et sa capacité d’action, à l’image du Voka en Flandre.
“Nous avons un double objectif, insiste-t-il. Le premier, c’est d’être plus fort pour représenter les entreprises. Le deuxième, c’est de devenir un écosystème qui contribue à la création d’entreprises en Wallonie. Moi, j’ai été fort inspiré par ce que les chambres de commerce ont accompli du côté flamand. Elles sont présentes pour accompagner les entreprises durant toute leur vie : start-up, scale-up, transmission… Nous devons être un moteur semblable en Wallonie.”
Pour se rapprocher du cœur du pouvoir wallon, AKT vient de déménager à Namur, elle qui était installée jusqu’ici à Louvain-la-Neuve. “Cela facilitera les contacts, mais nous avions aussi la volonté de nous installer au centre de Namur pour privilégier une mobilité douce”, précise-t-il.
“Simplification administrative”
Quelle sera la griffe du nouveau président ? “AKT dit bien notre volonté d’agir, mais agir ensemble, souligne-t-il. Cela signifie tout d’abord travailler avec les pouvoirs publics. Nous ne voulons pas être dans les plaintes ou les revendications, mais être porteurs de propositions. Une de nos grosses demandes, c’est la simplification administrative. Plutôt que d’attendre ce que le gouvernement va faire dans le choc annoncé, nous avons rassemblé plus de 100 pages d’idées de simplification ! Texte par texte, nous disons où l’on peut supprimer des réglementations.”
“Mais nous voulons aussi être une force d’action et agir nous-mêmes, pas seulement dire aux autres qu’ils doivent agir, prolonge Frédéric Panier. Un exemple concret se situe dans le domaine de l’enseignement qualifiant, en lien avec la pénurie de talents. Nous travaillons avec la Fondation de l’enseignement sur une formation continuée des enseignants en entreprise. Une partie des plus de 10.000 enseignants qui forment à un métier ne le pratiquent plus depuis cinq à 20 ans : nous voulons qu’ils reviennent en entreprise quelques jours voir comment le métier se pratique.”
L’un des grands défis des prochaines années sera, aussi, le développement d’un enseignement en alternance sur le modèle allemand. Une priorité, alors qu’il y a désormais 40.000 emplois vacants en Wallonie pour 200.000 chômeurs!
“Un pacte social”
Le gouvernement wallon d’Adrien Dolimont a multiplié les promesses, mais son premier budget a été critiqué. Quel regard porte Frédéric Panier sur ce dernier ? “Tout d’abord, les bons thèmes se trouvent dans son programme, ce sont ceux que les entreprises demandent depuis longtemps, dit-il. Outre la simplification administrative et la formation, il y a la politique industrielle, la nécessité de mieux soutenir l’innovation et les investissements. Toute entrée en fonction d’un gouvernement est un peu compliquée et il est assez logique qu’un premier budget d’économies ait été difficile à faire passer. Mais il faut mettre cela derrière nous et s’attaquer aux grandes réformes structurelles.”
Frédéric Panier souligne que “ces réformes difficiles vont poser les jalons du redressement à long terme de la Wallonie”. “Quand vous regardez l’histoire, c’est souvent dans une période de crise que des pays se sont redressés. La Belgique en est un exemple : au sortir de la guerre, en 1945, elle a écrit un nouveau pacte social.”
Faut-il un nouveau pacte du même type et AKT est-il prêt à y contribuer avec les syndicats ? “J’en suis convaincu car nous sommes à un moment charnière de notre histoire. Nous faisons face à un triple défi : le redressement de la Wallonie, le vieillissement de la population et la décarbonation de notre économie en 25 ans. Chez AKT, nous sommes persuadés qu’on ne relèvera ces défis qu’avec un grand accord réunissant le monde politique, les syndicats, la société civile et nous.”
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