Fausses notes de frais: l’IA, nouvelle alliée des fraudeurs

La capacité de l’intelligence artificielle à produire des documents comme des factures ou des notes de frais de restaurant d’apparence authentique marque un tournant dans la lutte contre la fraude.
Un simple prompt à une intelligence artificielle du style « générer un reçu réaliste d’un dîner dans un restaurant» suffit désormais à créer une fausse note de frais difficilement détectable à l’œil nu. Cette nouvelle forme de fraude aux notes de frais inquiète les entreprises et les experts en cybersécurité.
Une menace croissante pour les entreprises
Une entreprise européenne moyenne pourrait perdre jusqu’à 15 600 euros par an à cause de la fraude sur les notes de frais. En ce qui concerne la Belgique, cette somme s’élève à 25 920 euros, selon une étude de SAP Concur et d’Opinium, réalisée en septembre 2021. L’enquête révèle que les travailleurs européens trouvent acceptable de soumettre volontairement des fausses dépenses, jusqu’à 130 euros par an en moyenne. En Belgique, ce montant atteint 192 euros, contre 114 euros aux Pays–Bas. Pour autant, une grande partie des dépenses incorrectes ne sont pas intentionnelles.
Selon une étude de l’Association of Certified Fraud Examiners (ACFE), les fraudes aux remboursements de frais figurent parmi les plus répandues dans les entreprises. Elles représentent 15 % des cas de fraudes recensés, avec une durée moyenne de 18 mois avant d’être détectées. Le préjudice médian est de 40 000 dollars par cas aux États-Unis.
L’avènement de l’IA dans la falsification de justificatifs pourrait bien faire grimper ces chiffres. Jusqu’ici, les contrôles reposaient sur des vérifications manuelles, l’analyse de métadonnées ou la comparaison avec des modèles connus de factures. Or, l’IA générative brouille ces pistes en produisant des documents de haute qualité exempts d’anomalies classiques : logos fidèles, montants réalistes, typographies cohérentes. Même les outils de reconnaissance optique de caractères (OCR) éprouvent des difficultés à identifier ces faux justificatifs.
Quelles sanctions pour les fraudeurs ?
En cas de détection, les fraudeurs s’exposent à des sanctions lourdes. En Belgique, la falsification de notes de restaurants à des fins frauduleuses peut être qualifiée de “faux en écriture de commerce”, une infraction punie par l’article 196 du Code pénal. Cette infraction peut concerner des faux matériels (altération graphique) ou intellectuels (factures fictives). La peine encourue va de 5 à 10 ans de réclusion, avec des circonstances atténuantes possibles.
Une réforme du Code pénal a été adoptée le 8 avril 2024. Cette réforme qui entrera en vigueur le 8 avril 2026 introduit de nouvelles dispositions et une classification des infractions en niveaux de peines. Les infractions de niveau 2, telles que le faux en écriture, seront passibles d’une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans. Bien que la réforme ait été adoptée, certaines dispositions spécifiques, notamment celles concernant le faux en écriture, pourraient toutefois faire l’objet d’ajustements ou de précisions supplémentaires avant l’entrée en vigueur officielle du nouveau Code pénal.
En France, la falsification de documents comptables peut entraîner des peines de prison allant jusqu’à 5 ans et une amende de 375 000 euros. Si la fraude est commise dans un cadre professionnel, elle peut également entraîner des sanctions disciplinaires, voire un licenciement pour faute grave.
Comment prévenir ces fraudes ?
Les entreprises, de leur côté, doivent impérativement renforcer leurs dispositifs de contrôle pour prévenir ce type de fraude. Certaines envisagent l’intégration de systèmes basés sur la blockchain pour garantir l’authenticité des justificatifs de dépenses. Stocker les données de transaction dans un registre immuable et horodaté permettrait d’assurer une traçabilité vérifiable par des tiers sans besoin de confiance préalable.
Les experts recommandent aux entreprises d’adopter une politique stricte en matière de remboursement de frais et d’utiliser des solutions de gestion automatisées capables de détecter les anomalies. L’IA pourrait d’ailleurs aider à détecter ce genre de documents falsifiés. En la couplant à des systèmes d’analyse avancés, il devient possible d’identifier des comportements frauduleux en comparant les tendances de dépenses avec des modèles standards.
Intelligence artificielle
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