Dynamisation de l’eau : l’avis critique d’un chimiste

Caroline Lallemand

Les utilisateurs s’enthousiasment pour les dispositifs de dynamisation de l’eau, censés « revitaliser » l’eau grâce à des vortex, des aimants ou des fréquences vibratoires. Mais que vaut vraiment ce procédé d’un point de vue scientifique ? Thierry de Visart de Bocarmé, professeur de chimie générale à l’ULB, donne son avis éclairé.

“La dynamisation de l’eau est un procédé dont on entend régulièrement parler. Il s’agit de traitements de l’eau non invasifs, parfois fondés sur de véritables principes physiques. Mais dès qu’on parle de traitements magnétiques ou d’autres manipulations similaires, cela ne repose sur aucune étude sérieuse ni réalité scientifiquement reconnue. Affirmer que faire passer de l’eau à travers un aimant lui confère toutes sortes de vertus, c’est une idée dénuée de nouveauté”, commente, sans détour, Thierry de Visart de Bocarmé, professeur de chimie générale à l’ULB en Faculté des Sciences et à la Solvay Bruxelles School of Economics and Management.

Témoignages d’utilisateurs versus rigueur scientifique

Face aux témoignages d’utilisateurs satisfaits de ce système innovant – dont un éleveur laitier wallon qui voit ses vaches en meilleure santé, ou encore, un boulanger constatant des effets bénéfiques sur la texture et la conservation de son pain grâce à une invention belge primée (le Biodynamizer) – l’universitaire tempère. “Tant qu’il n’y aura pas d’études sérieuses menées par des organismes indépendants validées par des pairs, tout cela n’a aucune valeur scientifique. Cela dit, certaines caractéristiques de ces installations peuvent avoir des résultats tangibles. Par exemple, lorsqu’elles permettent d’éliminer le calcaire de l’eau. Comme avec un adoucisseur, le savon adhère davantage à la peau. Résultat : la peau reste glissante, car le savon se rince moins facilement. Cela peut aussi avoir un léger impact en cuisine. La “dynamisation de l’eau” ne peut certainement pas être néfaste. En revanche, affirmer qu’elle a des bénéfices sur la santé demande une grande prudence et des preuves solides.”

Thierry de Visart de Bocarmé, professeur de chimie générale à l’ULB à la Faculté des Sciences et à la Solvay Bruxelles School of Economics and Management.

La mémoire de l’eau : une vieille théorie sans fondement

Le procédé se rapproche selon le scientifique de celui de la “mémoire de l’eau“. “L’idée selon laquelle l’eau garderait en mémoire un traitement est une vieille théorie de près de 40 ans sans fondement. On connaît très bien le comportement des molécules d’eau. Lorsqu’on fait passer de l’eau à travers un aimant, les molécules peuvent temporairement changer d’orientation, Mais dès que l’aimant est retiré, tout revient à son état initial. Il n’y a ni modification chimique, ni transformation durable.”

Lorsqu’on fait passer de l’eau à travers un aimant, les molécules peuvent temporairement changer d’orientation, Mais dès que l’aimant est retiré, tout revient à son état initial.

Un procédé comparable à l’homéopathie. “En réalité, c’est à peu près la même chose scientifiquement. L’homéopathie, au sens strict, c’est la dilution extrême de principes actifs qui, d’un point de vue scientifique, n’a aucune valeur. Pourtant, du point de vue pharmaceutique et d’autres aspects qui échappent à la science, cela fonctionne chez certaines personnes. L’impact psychologique sur la maladie est donc important. C’est d’ailleurs un facteur que prennent en compte tous les fabricants de médicaments lorsqu’ils réalisent leurs études et validations.”

Études non validées

Le chimiste se montre aussi sceptique sur les études et analyses diverses réalisées par les concepteurs de ce type d’appareil vendu souvent au prix fort. “Il peut exister des études commandées à des laboratoires, mais elles ne sont pas publiées dans des revues scientifiques à comité de lecture. Elles ont une visée commerciale, pas scientifique. Si elles ne sont pas validées par des pairs, dans le jargon académique, on dit “peer-reviewed”, elles n’ont alors aucune crédibilité. Ce genre de partenariat vise souvent à obtenir une forme de validation académique, alors que la rigueur scientifique est absente.”

L’osmose inverse, un procédé qui repose sur des principes rigoureux, bien que coûteux en énergie, permet d’obtenir une eau très pure.

“Secret commercial”

Concernant les analyses internes revendiquées par les différents fabricants, l’universitaire pointe une autre problématique. “Ce ne sont pas des études indépendantes. Ce genre de discours est fréquent. Des personnes passionnées viennent régulièrement nous voir avec des dispositifs qu’elles souhaitent valider. Mais dès qu’on leur demande les bases scientifiques ou de dévoiler les principes de fonctionnement, souvent, elles invoquent le secret commercial. Et ça ne mène jamais à des résultats solides. Ces personnes cherchent un crédit académique pour vendre leur produit. Mais la recherche exige des preuves, pas des convictions.”

Des solutions éprouvées

Mettant de côté la dynamisation, le scientifique met en avant des solutions éprouvées pour modifier certaines caractéristiques de l’eau (réduction de la dureté, des contaminants ou des impuretés). “Les adoucisseurs d’eau, fondés sur des résines échangeuses d’ions, constituent la méthode la plus efficace pour réduire la dureté de l’eau — notamment dans des régions comme Bruxelles, où elle est particulièrement calcaire. Il existe également l’osmose inverse, un procédé qui repose sur des principes rigoureux, bien qu’énergivore, qui permet d’éliminer une large gamme de contaminants et d’obtenir une eau très pure. Ces technologies reposent sur des bases scientifiques solides.” Notons toutefois que l’osmose inverse retire les minéraux essentiels comme le calcium, le magnésium ou le potassium de l’eau. Cela peut rendre l’eau “trop pure” ou appauvrie, ce qui altère son goût.

“Scientifiquement infondé”

En résumé, selon le professeur Thierry de Visart de Bocarmé de l’ULB, la filtration du chlore et des polluants présents dans l’eau est bien utile dans les systèmes disponibles sur le marché qui disposent d’un filtre efficace. Le traitement du calcaire est aussi validé scientifiquement, mais les vortex, champs magnétiques et fréquences vibratoires ne le sont pas. Il le répète et est catégorique sur ce point: “À ce jour, les procédés de dynamisation de l’eau reposant sur des champs magnétiques ou des vibrations ne bénéficient d’aucune validation scientifique reconnue”. Et de conclure : “C’est pour moi une démarche mercantile, parfois sincèrement tenue pour vrai par ceux qui la défendent, mais scientifiquement infondée à ce stade. ”

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