Drop The Spoon fête ses 10 ans et pousse le mapping dans une autre dimension : “Franco Dragone me disait toujours : ‘ose !'”

Fruit de l’imaginaire de Drop the spoon, le château d’Hélécine se transforme, à la tombée de la nuit, en pénitencier pour fantômes, du 17 octobre au 2 novembre. © PG
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Fondée par d’ex-collaborateurs de Franco Dragone, cette entreprise du Brabant wallon se trouve derrière le spectacle “Héléween” au château d’Hélécine. Cette création propre vise à diversifier l’activité de ces orfèvres de la vidéo qui travaillent pour Pairi Daiza, Solvay ou Belfius et qui réinventent Holiday on Ice.

Sur la façade du château d’Hélécine, dans l’est du Brabant wallon, les fresques vidéos décompensent la pierre et revisitent l’histoire des lieux, transformés en pénitencier pour fantômes. Le temps d’une quinzaine de jours, jusqu’au 2 novembre, le domaine provincial accueille Héléween, troisième saison d’un spectacle multi-dimensions pour des fêtes morbides. C’est réjouissant et saisissant.

Derrière cet événement, on retrouve Drop The Spoon, une petite entreprise au chiffre d’affaires de 2 millions d’euros, logée dans le Bois des Rêves à Céroux-Mousty. Sa destinée est présidée par deux anciens disciples de l’artiste et entrepreneur Franco Dragone : Patrick Neys et Jean-Luc Gason. La société vient de fêter ses 10 ans et Héléween est la vitrine de ce qu’elle souhaite devenir : une créatrice de récits poétiques et d’images spectaculaires. Le tout dans un monde de la création en pleine évolution.

Dans le giron de Dragone

Intarissable, Patrick Neys raconte longuement ses années passées à porter le département vidéo de Franco Dragone, les spectacles aux États-Unis ou au fin fond de la Chine, les shows de Céline Dion ou Britney Spears. “Franco et moi étions très proches”, dit-il, sans cacher son émotion. L’histoire commune a duré une dizaine d’années, entre 2003 et 2015, offrant à ce jeune homme sorti de l’IAD ses premières expériences professionnelles. Il rêvait de Hollywood, mais cela fut aussi extraordinaire. Jusqu’au jour où, le temps passant et l’entreprise Dragone évoluant, il fut nécessaire pour lui, et son équipe, de voler de ses propres ailes, en créant son entreprise.

“Le nom, Drop The Spoon, vient du mouvement surréaliste et de Salvador Dali, raconte son cofondateur. Il allait chercher ses idées folles dans les rêves et le sommeil paradoxal. Avant de s’endormir, il plaçait sur lui une cuillère et un plateau d’argent à ses côtés : quand ses muscles se relâchaient, elle tombait et cela le réveillait. Il lui suffisait alors de noter ses rêves pour nourrir son imaginaire et le dessiner. C’est une forme de surréalisme à la belge, on adore ça…”

L’art du mapping

Fin 2015, la petite structure s’émancipe du géant Franco Dragone et loue un local à Nivelles. “Nous étions trois associés, à l’époque, avec un capital de 18.000 euros pour créer l’entreprise, c’est tout, se souvient Patrick Neys. Nous souhaitions simplement prolonger ces années riches en expériences.” L’entreprise réalise des contenus vidéos pour des associations culturelles, des entreprises ou prolonge des projets dans la foulée de Franco Dragone, parfois avec lui. “Au début, nous avons multiplié les expériences, de l’accompagnement de la tournée d’un chanteur russe en 2016 pour sa tournée au pays à un projet sur la cathédrale de Strasbourg”, sourit le directeur.

Drop The Spoon emploie aujourd’hui jusqu’à 30 personnes lorsque les événements se télescopent. Elle peut mener de front un grand show pour Belfius, Solvay, Pairi Daiza, ou une version revisitée d’Holiday on Ice, le tout avec un art unique du mapping, cette technique visant à magnifier visuellement des univers virtuels. “Ce qui nous fait avancer, c’est la créativité, s’exclame Patrick Neys. Franco Dragone me disait toujours : ‘Ose de nouvelles idées’. C’est un milieu qui vit à l’enthousiasme. Mais nous continuons de marcher aux projets. C’est difficile de se structurer au-delà.”

Halloween et ses univers

Si Drop The Spoon collabore à des spectacles géants aux États-Unis ou en Chine, elle mise désormais sur Héléween pour ouvrir de nouveaux horizons. “Ce spectacle est un test parce qu’il s’agit de notre premier projet propre, explique Patrick Neys. Olivier Saxe avec sa société Saxe & Co, qui gère le domaine provincial d’Hélécine, finance cela avec nous. Nous avons carte blanche sur l’artistique. Il fallait trouver un moment de l’année en automne ou en hiver quand les soirées sont longues. Halloween me parlait davantage que Noël parce que c’est rempli d’univers fascinants.” Le projet valorise ce patrimoine méconnu de façon inédite. Il attire des dizaines de milliers de visiteurs, mais n’est pas encore à l’équilibre financier. L’investissement est considérable, des scènes à l’intérieur du château jusqu’aux spectres de Michael Jackson ou Freddy Mercury qui chantent en hologrammes sur les fontaines du parc.

“Nous pourrions imaginer d’autres prisons pour fantômes ailleurs, interconnectées entre elles, rêve le directeur. Les récits peuvent s’adapter au lieu. Dans le cas d’Hélécine, j’ai pris des éléments historiques de l’abbaye que j’ai évidemment tordus pour transformer l’endroit et raconter un récit magique. Cet imaginaire me vient des shows que nous faisions avec Franco Dragone en Chine. J’ai des dizaines de pages qui racontent les personnages, le lieu et cela évolue chaque année. C’est un projet personnel. Je suis amoureux du cinéma, on n’est pas loin de cet univers.”

L’enjeu d’Héléween, c’est bien de raconter le futur économique de Drop The Spoon. “Cette diversification nous permettrait de ne plus dépendre des autres. Mais bien de vivre notre vie par nous-mêmes, espère Patrick Neys. Ce projet est unique en son genre. C’est une étincelle qui peut donner naissance à d’autres univers. Je dois me projeter de la sorte. Je ne peux pas fêter sereinement nos 10 ans, cette année, si je ne peux pas imaginer où nous serons dans 10 ans. Nous devons prospecter, nous vendre… Jusqu’ici, nous avons toujours été appelés. Mais la concurrence est devenue très forte dans le secteur et tout le monde n’est plus forcément attentif à la qualité. Mais nous, nous voulons toujours livrer ce qu’il y a de mieux et cela ne changera pas.”

Faire vivre les rêves

L’intelligence artificielle est un défi pour Drop The Spoon. Ses fondateurs l’utilisent dans leurs projets, mais sont conscients de ses limites. Et ils et veillent à ne pas se faire déposséder de leur spécificité. L’incurie des pouvoirs publics belges et le manque de moyens sont d’autres sources de préoccupation. Il est arrivé que l’on fasse appel à leurs services pour valoriser un lieu prestigieux en proposant… 4.000 euros.

“Nous ne répondons plus aux appels à projets, parce qu’ils ne sont pas prêts à payer la qualité.” – Patrick Neys, directeur de Drop the Spoon

“Nous ne répondons plus aux appels à projets, parce qu’ils ne sont pas prêts à payer la qualité, dit d’ailleurs Patrick Neys. Les créations propres nous ouvrent un univers plus incertain, mais très excitant aussi. Cela continue à s’appuyer sur l’émotion humaine. Nous devons évoluer. On ne peut pas s’arrêter.”

Avis aux entrepreneurs passionnés, ayant au fond d’eux un grain de folie : Drop The Spoon peut faire vivre vos rêves d’enfant de façon spectaculaire. “Ils peuvent nous contacter, acquiesce Patrick Neys. Nous pourrions partir à l’étranger, où il y a davantage de moyens. Mais nous souhaitons poursuivre en Belgique et en Europe.”

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