Portée depuis ses débuts par Google, MolenGeek a vu son image se dégrader fortement ces derniers mois, suite à des problèmes de management et de qualité des formations qui y sont enseignées. Après la fin de la collaboration avec Bruxelles Formation, c’est Actiris qui va couper les vivres de l’école portée par Ibrahim Ouassari.
Molenbeek, janvier 2020. Sundar Pichai, CEO de Google, s’arrête brièvement dans les locaux de MolenGeek, serre quelques mains, prend des photos avec des jeunes stagiaires et signe un chèque de 200.000 euros. Le message est clair : le géant californien soutient cette ASBL bruxelloise qui prétend faire de la tech un levier d’émancipation à Molenbeek. Une opération de com’ calibrée au millimètre.
À l’époque, MolenGeek est à son apogée. Soutien politique, visibilité médiatique, partenariats avec Actiris, Bruxelles Formation, Google, Samsung… L’initiative semble cocher toutes les cases de l’inclusion numérique.
Reproches lourds, tensions multiples
Mais en 2025, la rupture avec Bruxelles Formation agit comme un signal d’alarme. L’organisme public décide de résilier les deux conventions qui le liaient à MolenGeek. Les motifs sont sévères : encadrement jugé insuffisant, incompétence des formateurs, environnement de travail peu propice à l’apprentissage. Un climat délétère, aggravé par des incidents de gestion interne, comme l’atteste une vidéo virale où Ibrahim Ouassari invective une apprenante en public, évoquant un “problème psy” devant tout un groupe.
Bruxelles Formation évoque aussi des plaintes récurrentes depuis 2024 et une réunion finale, en février 2025, qui vire à l’affrontement verbal. Ibrahim Ouassari admet que le ton est monté. La collaboration est rompue dans la foulée. Montant total des subsides versés par Bruxelles Formation depuis 2020 : 1,5 million d’euros.
Actiris coupe également les ponts
La deuxième salve est venue d’Actiris. L’organisme régional de l’emploi a, lui aussi, reçu des plaintes sur la qualité des formations. Après des inspections sans constat officiel, c’est finalement sur des critères administratifs que l’ASBL chute : absence de comptes annuels déposés à la BNB, un prérequis pour répondre à l’appel à projets 2026-2029 pour les chèques TIC.
Résultat : MolenGeek ne percevra plus un centime d’Actiris à partir de 2026. La perte est majeure. Rien qu’en 2024, les chèques TIC représentaient 560.000 euros. Au total, Actiris a versé près de 2,5 millions d’euros entre 2018 et 2024. Ouassari, lui, parle d’un modèle désormais “plus indépendant”, tourné vers le payant et le sponsoring, et reste confiant pour l’avenir, indique-t-il à nos confrères de L’Echo.
Une image écornée, des questions en suspens
Dans un contexte où la gouvernance des opérateurs de formation est de plus en plus scrutée, le cas MolenGeek soulève des interrogations. L’opacité de la structure, les départs internes (notamment celui de la cofondatrice Julie Foulon dès 2019), les accusations de manipulation des taux d’insertion, et les formateurs non certifiés pointés dans une enquête de Paris Match, ternissent l’image de l’initiative.
Certes, MolenGeek continue d’exister, avec des antennes à Charleroi, Casablanca, Padoue et désormais Roubaix. Mais la question centrale reste : à quoi sert un projet qui revendique un impact social, si ses fondements managériaux sont aussi fragiles que ses financements publics ?
Il y a cinq ans, MolenGeek incarnait une forme de résilience urbaine, un récit d’innovation sociale parti de “la commune de l’ombre” pour séduire Google. Aujourd’hui, le projet traverse une crise de crédibilité majeure, tant vis-à-vis des institutions que du grand public.