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De Caterpillar à Legoland
Réindustrialiser la Wallonie, combien de fois n’avons-nous pas entendu ce mantra ? Combien de fois n’avons-nous pas entendu des politiques, des économistes, des chefs d’entreprise ou des représentants syndicaux insister sur l’importance cruciale d’un tissu industriel productif, du caractère structurant de ces usines qui ont besoin de fournisseurs, de sous-traitants et, bien entendu, de main-d’oeuvre ?
Une dizaine d’années de Plans Marshall n’ont pas permis de transformer ces beaux discours en réalités économiques concrètes. La part de l’industrie dans le PIB wallon plafonne désespérément aux alentours de 15%, soit cinq points en dessous de la moyenne européenne, regrette régulièrement l’Union wallonne des entreprises.
De Caterpillar à Legoland. Le plus inquiétant, ce n’est pas l’échec du projet Thunder Power, c’est l’absence d’alternative industrielle.
Et qu’apprend-on maintenant ? Que l’ancien site de Caterpillar à Gosselies (2.000 emplois industriels en 2016) pourrait devenir un gigantesque parc d’attractions. Si cela peut renforcer l’offre touristique de la Wallonie, il n’y a aucune raison de négliger cette piste. Il n’empêche : voir une usine céder la place à l’économie du loisir, cela résonne comme un symbole de la désindustrialisation du sud du pays. Plus qu’un symbole en fait, un cruel rappel à la réalité. Les décideurs aimeraient sincèrement poursuivre dans la voie industrielle (cela reste la priorité affichée du bourgmestre de Charleroi, Paul Magnette, qui ne fonce pas tête baissée vers le Legoland) mais les investisseurs ne se bousculent pas pour occuper ces 98 ha, pourtant situés à deux pas d’un aéroport et d’un noeud autoroutier.
La leçon est rude pour la Wallonie. Elle confirme que, spontanément, par le seul jeu du marché, elle ne parviendra pas à se réindustrialiser. La faute au coût du travail, au manque de flexibilité, dira-t-on du côté patronal. Peut-être aussi à un défaut d’anticipation, comme le pointait le président de la FGTB Thierry Bodson il y a quelques semaines dans nos colonnes. Il suggérait de plancher sur la domotique, qui devrait connaître un essor avec le vieillissement de la population, ou le recyclage des panneaux photovoltaïques. Des voies nouvelles à creuser, assurément.
C’était cela le pari du projet Thunder Power : s’appuyer sur la start-up chinoise pour faire émerger, sur l’ancien site de Caterpillar, tout un écosystème de production de batteries et de véhicules électriques, à l’image de ce que la Wallonie a très bien réussi dans le secteur pharmaceutique. Le pari méritait d’être relevé même si l’expérience confirme que Thunder Power était sans doute une société trop balbutiante pour porter de telles ambitions.
Le plus inquiétant, ce n’est pas l’échec de ce projet, c’est l’absence d’alternative industrielle. Depuis des années, de la Sogepa à l’Union wallonne des entreprises en passant par la Banque nationale, on scrute pourtant les chaînes de valeur et d’approvisionnement. Mais rien de concret ne semble toujours se profiler pour boucher les fameux ” chaînons manquants “. Il y a certes quelques initiatives intéressantes, comme le projet de construction d’une unité de traitement des plastiques usagés, anticipé par le précédent gouvernement wallon et la SRIW, mais elles restent l’exception. Pourtant, à l’heure où l’Europe relâche la bride budgétaire et débloque des fonds pour le redéploiement économique ; à l’heure où nombre de groupes industriels réfléchissent à raccourcir leurs chaînes d’approvisionnement, c’est le moment ou jamais de poser des choix stratégiques. Et de les concrétiser.
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