Creg vs Electrabel : 1-1, balle au centre

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Victoire pour le producteur : les tarifs d’Elia ont été annulés. Le régulateur tient sa “revanche” : le groupe énergétique est soupçonné d’abus de position dominante La “paix électrique”, ce n’est pas pour demain.

L’année 2013 ne s’annonce pas beaucoup plus calme que 2012 sur le front énergétique. Fin de semaine dernière s’est jouée une comédie en deux temps. Principaux protagonistes : Electrabel et la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (Creg), soit les deux meilleurs ennemis dans le petit monde électrique belge, qui jouent depuis des années à “Je te tiens, tu me tiens par la barbichette”. On vous résume.

Petite victoire pour Electrabel, EDF Luminus et E.ON : la cour d’Appel de Bruxelles a invalidé les tarifs d’Elia pour la période 2012-2015. En cause, la composante “tarifs d’injection” instaurée fin 2011 par la Creg et venue, en quelque sorte, remplacer les coûts de raccordement à charge des producteurs. Des tarifs qui ne reflètent pas la réalité des coûts rencontrés par le gestionnaire du réseau et qui sont supérieurs au plafond établi par le droit européen, souligne l’arrêt, qui donne raison aux producteurs contestataires – ces derniers pouvant réclamer les paiements indus. Pour 2012, l’ardoise tourne autour des 150 millions d’euros. “Electrabel entend faire valoir ses droits”, assure-t-on du côté du principal producteur.

Du côté de la Creg, on planche déjà sur une nouvelle proposition tarifaire (à la baisse, forcément). En précisant que tout ce qui ne sera pas à charge des producteurs pèsera sur les épaules des consommateurs. Pour les particuliers, ce n’est pas une catastrophe : la part d’Elia ne pèse que 4 % de leur douloureuse électrique. Même si les tarifs d’injection devaient être mis à zéro, la hausse ne représenterait qu’une dizaine d’euros annuels. “Par contre, pour les entreprises directement reliées au réseau d’Elia, cela pourrait faire nettement plus mal.”

Des pics boursiers suspects

Autre affaire, autre enjeu. L’Auditorat du Conseil de la concurrence a remis un rapport assassin pour Electrabel dans une affaire initiée en 2009 par la Creg. On peut y lire que la filiale de GDF Suez a abusé de sa position dominante sur le marché. “En 2007 et durant le premier semestre de 2008, Electrabel a placé des ordres d’achat d’électricité à prix très élevés sur la Bourse à court terme, Belpex, alors même qu’une partie de sa capacité de production était au repos.” Résultat, les prix boursiers ont connu des pics allant jusqu’à 2.500 euros du MWh, contre une moyenne “normale” de 50 euros. “Ces prix ont exercé une influence sur ceux, à terme, de la Bourse Endex, qui constitue la référence pour la facturation des clients industriels et des PME, poursuit-on à la Creg. Electrabel a tiré artificiellement le marché vers le haut.” Montant du préjudice présumé pour les clients : entre 40 et 56 millions d’euros.

Ce que réfute catégoriquement Electrabel. Le groupe énergétique aura l’occasion de faire valoir ses arguments devant le Conseil, la procédure étant loin d’être terminée. Théoriquement, il risque une amende salée : 10 % de son chiffre d’affaires sur le marché belge en 2010, soit 670 millions d’euros. Si facture il y a, elle sera nettement moins indigeste, l’Auditorat ayant déjà suggéré de la réduire “substantiellement” puisque l’entreprise a collaboré à l’instruction. Quoi qu’il en soit, ce dossier donne du grain à moudre à ceux qui critiquent la libéralisation du marché à la mode belge : elle serait inefficace appliquée à l’échelon de la fourniture ; c’est au stade de la production qu’il faudrait directement s’attaquer. On en est loin.

Benoît Mathieu

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