Coronavirus : “Il ne faut pas se voiler la face : bien sûr qu’il y aura des faillites”
La crise du coronavirus touche tous les secteurs, mais le commerce de détail, secteur qui avait déjà peu de réserves, est particulièrement impacté. Sans mesures, le Syndicat Neutre pour Indépendants (SNI) craint le pire. Comment l’aider à absorber le choc ? Quatre questions à Christophe Wambersie, secrétaire général du SNI.
Le secteur du commerce de détail est un secteur particulièrement fragilisé par la crise du coronavirus et les fermetures dues au confinement. Les mesures prises pour soutenir le secteur sont-elles suffisantes ou doit-on craindre un boom des faillites ?
Il n’y a pas de réponse unique. Cela dépendra de la situation propre et particulière de chaque type de commerce, d’activité. Malheureusement, tant le commerce de détail que l’horeca font partie, déjà habituellement, hors crise, du top 3 des faillites. Ce sont déjà des secteurs fragiles. Il ne faut pas se voiler la face : bien sûr qu’il y aura des faillites, bien sûr qu’il y aura des morts économiques. Mais il est difficile de dire aujourd’hui à quel rythme et dans quel secteur.
Selon une enquête menée par le SNI, 65% des répondants disent avoir des réserves pour tenir trois semaines, maximum un mois. Je crains malheureusement que les plus fragiles et les moins dotés financièrement, économiquement risquent de passer à la trappe. 60% d’entre eux enregistrent déjà une baisse de 50% du chiffre d’affaires, dont 40% baissent de plus de 75%. C’est une chute vertigineuse.
65% disent avoir des réserves pour tenir trois semaines, maximum un mois.
Quelles sont les aides mises en place actuellement pour soutenir les commerçants ?
Il y a, d’une part, le droit passerelle, qui est ouvert à tous ceux inscrits au statut social d’indépendant en tant qu’indépendant principal. Cela représente de 1200 à 1600 euros en fonction des charges de ménage.
Il y a aussi les primes, mais elles ne sont octroyées qu’aux commerces ou activités qui ont l’obligation de fermer par injonction du gouvernement, donc essentiellement l’horeca et le commerce de détail au sens large. Il y a encore un certain nombre de secteurs qui ne sont pas concernés par la prime alors qu’ils sont concernés par la fermeture (ex : agents immobiliers, concessionnaires…). S’ils ont une activité avec une vitrine, un bail, ce sont aussi pour nous des commerçants de détail. On veut les mêmes couvertures pour les mêmes principes. Sans oublier ceux qui ne sont pas dans l’obligation de fermer mais qui, de facto, ferment car ils n’ont plus de clients, ou plus de fournitures. Ils sont dans la même situation sauf qu’on ne leur a pas donné d’obligation de fermer. Ces gens-là aussi sont dans des situations très compliquées.
De plus, les règles ne sont pas les mêmes dans toutes les régions. À Bruxelles, on peut demander jusqu’à cinq indemnités de 4000 euros en fonction du nombre d’implantations. Ce n’est pas le cas en Wallonie : seul le siège peut toucher une fois la prime. Est-ce qu’une prime de 5000 euros c’est assez ? Non. Cela va leur permettre de manger, payer le minimum qu’ils auront négocié pour passer cette période difficile. Et cela reste une prime unique. Mais si le confinement se prolonge ? Ce sont pour l’instant des mesures en fonction de la situation actuelle, cela ne ferme pas la porte à une évolution. 5000 euros ce n’est pas suffisant, mais c’est important et indispensable.
5000 euros ce n’est pas suffisant, mais c’est important et indispensable.
On a également remarqué que certaines communes y allaient de leur petit subside, à 30, 50 ou 100 euros : tout cela est ridicule et ne sert strictement à rien. Nous demandons aux provinces et aux communes de détaxer toutes les taxes sur le commerce, sur l’activité économique. Et de manière suffisamment franche pour redonner de l’oxygène à tous ces secteurs.
Le SNI formule, à l’attention des ministres compétents Muylle et Ducarme des propositions pour préparer “l’après-corona”, dont une période d’attente et un report d’un mois des soldes. Quel est l’intérêt ?
On souhaite qu’exceptionnellement on impose une “période d’attente” à la sortie du confinement pendant un mois. On veut une imposition par la loi de cette période, pour éviter que la grande distribution, à grand renfort de marketing et de publicité, fasse des prix cassés. Car sinon ce seront les indépendants, qui n’ont pas la capacité ni les reins pour le faire, qui sortiront déjà d’un mois et demi où ils n’ont pas pu payer leur loyer, qui vont en pâtir.
Cela doit permettre aux commerces, dans le cadre d’une concurrence loyale avec la grande distribution et l’e-commerce, de rallonger la période de vente normale pour essayer de compenser ou de rattraper, un peu, l’impact du coronavirus. Ce raisonnement est valable aujourd’hui, si le confinement n’est pas prolongé.
On demande également de reporter la date des soldes au 1er août – au lieu du 1er juillet. Idem pour les soldes d’hiver, qui commenceraient le 1er février. C’est en discussion avec le cabinet du ministre des Indépendants.
Le message aux consommateurs c’est : acheter local, acheter près de chez soi, acheter chez son petit commerçant indépendant…
Comment le consommateur peut-il, à son niveau, aider les commerçants ?
Il faut effectivement une grande campagne de sensibilisation du consommateur. Le message aux consommateurs c’est : acheter local, acheter près de chez soi, acheter chez son petit commerçant indépendant… On le dit sans arrêt, indépendamment de la crise du coronavirus : “une ville sans commerces est une ville morte.” Ici, on peut le constater. Il faut donc les soutenir, car c’est eux qui donnent la vie, l’activité, l’animation et le plaisir d’acheter et de faire du lèche-vitrines.
On a déjà mené un certain nombre de campagnes en ce sens. C’est encore plus vrai aujourd’hui que ça ne l’était hier.
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